Les peines des membres de L’Arche de Zoé transposées en droit français – Le Monde
Le tribunal correctionnel de Créteil devait statuer lundi 14 janvier sur l’adaptation en droit français de la peine des six membres de L’Arche de Zoé, condamnés à huit ans de travaux forcés, le 26 décembre 2007, au Tchad.
Toutefois, n’ayant pas vocation à réexaminer une affaire déjà jugée, les magistrats français devraient simplement convertir la peine de travaux forcés, qui n’existe pas en France, en autant d’années d’emprisonnement. C’est en tout cas ce que devait requérir le parquet de Créteil contre Eric Breteau, Emilie Lelouch, Alain Péligat, Philippe van Windelberg, Nadia Merimi et Dominique Aubry, reconnus coupables de tentatives d’enlèvements de 103 enfants au Tchad.
Dans cette affaire, la justice française est soumise aux termes de la convention signée en 1976 entre la France et le Tchad, qui prévoit que des personnes condamnées dans un des deux pays peuvent – à leur demande – exécuter leur peine dans leur pays d’origine, conformément à la décision rendue à l’issue du procès. Pour les condamnés, l’audience de ce lundi ne devait donc revêtir aucun enjeu juridique. « En aucun cas la justice française ne peut revenir sur une décision de la justice tchadienne, et réciproquement », explique-t-on au ministère de la justice.
Sauf geste de clémence du président tchadien – lui seul a le pouvoir de gracier ou d’amnistier les condamnés –, les membres de L’Arche de Zoé effectueront leur peine selon les modalités du système pénitentiaire français. Il leur faudra attendre environ trois ans pour espérer une libération conditionnelle que seul un juge d’application des peines sera en mesure de leur délivrer.
MISES EN EXAMEN
Mais leurs défenseurs entendaient profiter de l’audience de ce lundi pour dénoncer le verdict – « scandaleux » selon eux – prononcé le 26 décembre 2007 par la cour criminelle de N’Djamena. « Les droits de la défense ont été bafoués », estime Olivier Dessandre-Navarre, l’avocat de Dominique Aubry. Plus véhément, son confrère Gilbert Collard, avocat de Mlle Lelouch et de M. van Winkelberg, a lancé une sorte d’avertissement : « Il ne faudrait pas que la justice française avalise les décisions d’une justice totalitaire, comme si de rien n’était. »
Depuis la semaine dernière, le volet français de cette affaire a pris une nouvelle tournure. Les juges parisiens Yann Daurelle et Martine Vezant, saisis d’une information judiciaire ouverte le 24 octobre pour « aide au séjour irrégulier d’enfants étrangers, exercice illégal de l’activité intermédiaire en vue d’adoption, et escroqueries », ont mis en examen M. Péligat, Mlle Lelouch et M. van Winkelberg.
Egalement convoqués par les deux magistrats, Mlle Merimi et M. Aubry ont été entendus sous le statut de témoins assistés. Seul M. Breteau, président de L’Arche de Zoé, dénoncé aujourd’hui par plusieurs condamnés comme étant le responsable de ce fiasco humanitaire, n’a pas été auditionné en raison de son état de santé.
Cette procédure pourrait déboucher sur un nouveau procès en France. Les prévenus encouraient alors une peine de dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.
Yves Bordenave
Huit ans d’emprisonnement ont été requis
Le procureur de Créteil a requis, lundi, la conversion en peines d’emprisonnement de huit ans des huit ans de travaux forcés prononcés au Tchad en décembre 2007 contre les six membres français de l’organisation humanitaire Arche de Zoé condamnés pour tentatives d’enlèvement d’enfants. Lors d’une audience technique d’adaptation, imposée par les accords bilatéraux quand les condamnés obtiennent de pouvoir purger leur peine en France, Jean-Jacques Bosc a soutenu qu’il n’existait techniquement aucune autre option. « Il ne s’agit pas ici de tenir un nouveau procès. Vous ne pouvez porter une nouvelle appréciation sur les faits, réviser le quantum des peines. S’engager dans cette voie serait porter atteinte à un principe international », a déclaré le procureur. Le tribunal devait se prononcer dans la journée ou mettre sa décision en délibéré. – (Avec Reuters.)
Arche de Zoé : le procureur requiert une peine de substitution de huit ans de prison
Le procureur de Créteil a requis, lundi 14 janvier, une peine de substitution de huit ans d’emprisonnement à l’encontre des six membres de L’Arche de Zoé condamnés au Tchad à huit ans de travaux forcés pour tentative d’enlèvement d’enfants. Lors de cette audience, le magistrat a estimé qu’il n’y avait aucune autre option juridique alors que la défense a plaidé en faveur d’une annulation de la peine, celle-ci ayant été, selon les avocats, prononcée par un Etat non démocratique.
Seuls cinq des six membres de l’ONG – Eric Breteau, Dominique Aubry, Emilie Lelouch, Alain Péligat et Philippe Van Winkelberg – étaient présents au tribunal. L’infirmière Nadia Merimi, « épuisée et hospitalisée depuis la semaine dernière », selon son avocat, Mario Stasi, était absente. Eric Breteau, toujours en grève de la faim, est quant à lui apparu très faible et amaigri. Il a fallu l’assistance de deux policiers pour l’aider à prendre place dans le box de la salle d’assises du palais de justice de Créteil, réquisitionnée pour l’occasion.
« IL NE S’AGIT PAS ICI DE TENIR UN NOUVEAU PROCÈS »
Rappelant qu’au moment de leur rapatriement, les six condamnés avaient « expressément reconnu le caractère définitif et exécutoire » de la peine prononcée au Tchad, le procureur de la République de Créteil, Jean-Jacques Bosc, a affirmé que « la peine qui correspond le plus est la peine de huit ans de prison ». M. Bosc a également souligné que le tribunal n’avait pas ici à se prononcer sur les faits ou à porter d’appréciation sur la culpabilité des six Français. « Il ne s’agit pas ici de tenir un nouveau procès (…). S’engager dans cette voie, ce serait porter atteinte à un principe fondamental, la non-ingérence », a-t-il lancé, mettant en garde contre toute décision qui nuirait aux engagements pris par la France au niveau international. Sur le fond, le procureur a rappelé que l’action menée par L’Arche de Zoé était illégale, soulignant les « difficultés dans lesquelles les autorités françaises auraient été mises si l’opération avait été conduite à son terme ».
La défense a choisi de concentrer ses attaques sur le Tchad, un « Etat totalitaire » dont la décision juridique ne devrait pas s’appliquer en France. Me Gilbert Collard, défenseur d’Eric Breteau, Emilie Lelouch et Philippe van Winkelberg, a demandé que les juges n’appliquent pas une peine sans savoir si le jugement la fondant est « valable ». « Les démocrates tchadiens attendent que l’on donne [au président tchadien Idriss] Déby, l’inventeur des enfants soldats, une leçon de démocratie », a plaidé Me Collard. Me Simon Miravette, avocat d’Alain Péligat, a pour sa part qualifié l’affaire de « dossier en état d’apesanteur », le tribunal correctionnel n’ayant, selon lui, « aucun cadre pour statuer en toute quiétude ».
La justice française devrait refuser de convertir la peine en s’appuyant sur la Convention européenne des droit de l’homme, selon la défense, le document rendant impossible un tel procédé. Auparavant, le procureur avait fait valoir que cette Convention « n’a pas de valeur supérieure » à la convention judiciaire franco-tchadienne de 1976 qui a permis le transfèrement des accusés. « On ne peut pas refuser d’appliquer un traité en en invoquant un autre », a-t-il expliqué.
Le tribunal correctionnel de Créteil a mis sa décision en délibéré au 28 janvier. S’il suivait les réquisitions du parquet, les membres de L’Arche de Zoé, actuellement incarcérés à Fresnes, n’auraient comme seul espoir qu’une grâce du président tchadien, Idriss Déby, Nicolas Sarkozy n’ayant pas de pouvoir en la matière.
Eric Breteau se dit prêt à mener sa grève de la faim « jusqu’au bout »
Eric Breteau assure, dans une lettre révélée lundi par le magazine « VSD », qu’il mènera « jusqu’au bout » sa grève de la faim, entamée lors de sa détention au Tchad, si les cinq autres membres de L’Arche ne sont pas libérés. « Je n’ai pas changé d’avis sur la suite, je donnerai ma vie pour que tous les cinq retrouvent la liberté », affirme-t-il dans ce document envoyé début janvier à Christine Péligat, épouse d’Alain Péligat, le logisticien de l’équipe. « Si ça foire, alors je mènerai ma grève totale jusqu’au bout », ajoute-t-il dans son courrier, assurant que les membres de l’équipe condamnés à ses côtés « n’ont pas mérité ça » et « sont tous les cinq des gens formidables ». –(Avec AFP.)