Le Seco admet que le PC-9 au Tchad a «très probablement» été armé – Le Temps
POLEMIQUE. Le ton monte entre Berne et N’Djamena. Vu les circonstances, la Suisse n’exportera plus d’avions vers le Tchad.
Le Tchad a équipé l’avion Pilatus de type PC-9 livré en 2006 de «systèmes d’accrochage nécessaires à son armement». Et l’avion a «très probablement» aussi été armé. Voilà deux informations que Jean-Daniel Gerber, patron du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), a rendu publiques jeudi après-midi. En faisant bien comprendre que la Suisse ne devrait pas de sitôt réexporter des avions vers le Tchad.
Déclaration mensongère?
Le Seco déclare en revanche «ne pas pouvoir affirmer avec certitude» que le PC-9 a bien servi à des fins militaires. Selon des sources sécuritaires et militaires tchadiennes citées par l’AFP (Agence France Presse), un tel avion aurait été utilisé le 7 janvier par l’armée tchadienne pour bombarder un camp de rebelles au Darfour (Soudan). Avec trois morts civils à la clé. Relayée par les médias, cette information a poussé le Seco et le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) à rapidement entreprendre des démarches pour clarifier la situation.
Le PC-9 et le PC-7 – le Tchad en aurait trois dont deux en état de voler, selon le Seco – sont considérés comme des avions d’entraînement. Ils ne sont donc pas soumis à la loi sur le matériel de guerre, mais à celle sur le contrôle de biens. Une loi qui régit l’exportation de biens à double usage (civil et militaire) et des biens militaires spécifiques soumis au régime du permis.
Or si le PC-9 armé, censé remplacer un vieux PC-7 racheté à la France en 1985, a réellement été utilisé dans le cadre d’opérations militaires, «cela contreviendrait à la déclaration d’utilisation de l’exportateur, ainsi qu’à la déclaration de destination finale du pays destinataire, dans laquelle le gouvernement tchadien avait assuré que l’avion ne serait utilisé qu’à des fins d’entraînement et qu’il ne serait pas réexporté», insiste le Seco.
Sans bombes au retour
De nombreuses questions restent encore en suspens. Dont celle de savoir si le PC-9 a été envoyé en Israël pour être armé. La présence de mécaniciens de Pilatus au Tchad l’an dernier reste aussi à élucider. Jeudi après-midi, l’ambassadeur du Tchad en poste à Genève a été convoqué à Berne par le DFAE pour s’expliquer en détail sur cette affaire. Le DFAE avait entrepris la veille une démarche auprès du gouvernement tchadien.
Et les photos d’un PC-7 armé de nacelles de canons de 20 mm qui circulent sur Internet et qui ont été montrées lors de l’émission 10 vor 10 de la SF DRS? Sur ce point, Jean-Daniel Gerber reste extrêmement prudent. Il s’agit d’abord de vérifier la date des clichés et de recueillir d’autres informations, a-t-il souligné jeudi.
Berne est en fait loin d’avoir terminé son enquête. Car les témoignages qui évoquent la présence de Pilatus armés au Tchad se multiplient. Différentes sources affirment avoir vu, à plusieurs reprises en décembre et en janvier, un Pilatus décoller avec des petites bombes et revenir sans son chargement (LT du 16.01.2008).
Quatre autres PC-9
Pourquoi les Pilatus, apparemment facilement transformables en avions de combat, ne sont-ils pas soumis à la loi sur le matériel de guerre? «C’est le parlement qui en a décidé ainsi. C’est donc à lui de prendre les devants s’il le souhaite», répond en substance Jean-Daniel Gerber. Les Verts ont déjà annoncé qu’ils allaient déposer une initiative en ce sens.
Le Tchad a commandé un seul PC-9 à la Suisse en 2006, mais il aurait été intéressé par quatre avions supplémentaires du même type, a confirmé jeudi le Seco. La firme Pilatus n’est toutefois pas entrée en matière. Quant aux PC-7, deux ont été acheminés au Tchad via la France et un via les Etats-Unis. Mais ces deux pays n’étaient, lors de l’acquisition des avions, nullement tenus de signer une déclaration de non-réexportation, conformément à un accord international qui vaut aussi pour la Suisse, a encore tenu à préciser jeudi le Seco.
Valérie de Graffenried, Berne