Opposants tchadiens: Yorongar donne des signes de vie, mystère autour d’Ibni – Afp
Le député tchadien Ngarlejy Yorongar, disparu depuis près d’un mois, a donné samedi de premiers signes de vie, encore assez mystérieux, tandis que l’incertitude grandissait sur le sort d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, un autre opposant arrêté dans les mêmes circonstances.
« J’ai eu mon père au téléphone (…) C’est lui qui m’a appelé », a déclaré à l’AFP le fils aîné du député d’opposition, Rokoulmian Yorongar, qui vit en France.
« Il m’a dit qu’il est en vie et que tant qu’il n’est pas en sûreté, il préfère ne pas s’exprimer », a-t-il ajouté, assurant ne pas savoir d’où son père, qui n’est « pas en bonne santé », l’appelait. « Je ne sais pas s’il est otage ou pas », a-t-il conclu.
C’est la première fois depuis la disparition du chef de la Fédération action pour la République (FAR), opposant radical au président Idriss Deby Itno, que son entourage dit avoir eu un contact avec lui.
Toujours samedi, le bimensuel Afrique Education a publié un entretien attribué à Ngarlejy Yorongar, dont ce dernier a fait état à son fils.
D’après ce témoignage non daté, obtenu selon le magazine « par téléphone » depuis son « exil camerounais », le député a été arrêté par « des militaires armés » le 3 février, à la fin d’une attaque rebelle ratée à N’Djamena, puis détenu dans une « prison secrète ».
Le 21 février dans la nuit, l’opposant a été, selon le texte, emmené au cimetière de Ngonmba, un quartier sud de la capitale, où un de ses geôliers a tiré « deux coups de feu dans (sa) direction » avant de « disparaître ».
Ngarlejy Yorongar, qui n’a apparemment pas été blessé, précise être ensuite parvenu à fuir au Cameroun.
Interrogé par l’AFP, son entourage à N’Djamena a affirmé n’avoir « toujours aucune nouvelle ».
L’AFP a également reçu un témoignage attribué à Ngarlejy Yorongar, dont le contenu correspond à l’entretien dans Afrique Education. Mais le courrier électronique provient… d’un représentant en France des rebelles tchadiens.
Le député n’a pas répondu aux messages envoyés par l’AFP à son adresse électronique.
En outre, des zones d’ombre subsistent dans les témoignages publiés samedi.
Ngarlejy Yorongar raconte ainsi avoir été détenu, dans la « prison secrète », en présence des opposants Lol Mahamat Choua et Ibni Oumar Mahamat Saleh, arrêtés dans les mêmes circonstances.
Or, l’ex-président tchadien Lol Mahamat Choua, détenu par les autorités et libéré jeudi, a démenti cette version.
« Je n’ai jamais été détenu en présence de mes camarades, j’ai toujours été détenu seul », a-t-il affirmé, tout en refusant, par « mesure de prudence », de s’exprimer sur les circonstances de sa détention.
Porte-parole de la principale coalition de l’opposition, Ibni Oumar Mahamat Saleh est lui toujours porté disparu.
Dans le témoignage non authentifié parvenu à l’AFP, Ngarlejy Yorongar annonce que ce dernier, « à moins (…) d’un miracle », est « mort » à la suite des « coups » infligés par « la garde présidentielle ». Il est moins catégorique dans Afrique Education.
Depuis une dizaine de jours, les nouvelles les plus contradictoires circulaient sur Ngarlejy Yorongar.
Le 22 février, les autorités tchadiennes annonçaient qu’il avait fait sa réapparition à N’Djamena, des propos relayés par le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, sur la foi de « témoins assez crédibles ».
N’Djamena a ensuite promis que Ngarlejy Yorongar s’exprimerait publiquement mercredi. Or, le jour venu, rien: au cours de la visite du président français dans la capitale tchadienne, Nicolas Sarkozy et son homologue tchadien n’ont pas réitéré la version selon laquelle l’opposant se cachait.
Idriss Deby a même dit ignorer si Ngarlejy Yorongar et Ibni Oumar Mahamat Saleh étaient morts ou disparus, promettant seulement l’ouverture d’une « enquête internationale » qui n’a pas encore démarré.