Haine cordiale entre Déby et Béchir – Libération

Tchad-Soudan. La signature d’une trêve entre les deux pays était en suspens hier.

S’il n’avait pas des conséquences sanglantes pour leurs populations civiles respectives, le conflit fratricide entre les présidents du Soudan et du Tchad pourrait prendre des allures de tragi-comédie. Présents tous deux à Dakar, où se tient le 11e sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI, 57 pays membres), Omar el-Béchir et Idriss Déby ont tenu en haleine leurs pairs une bonne partie de la journée : signeront ou signeront pas. En jeu, une énième trêve pour tenter de mettre fin à la guerre qu’ils se livrent par rebelles interposés au Darfour et dans l’est du Tchad. Et parfois jusqu’aux abords de la présidence tchadienne, à N’Djamena, comme le mois dernier, où Idriss Déby a repoussé, avec l’aide de la France, un raid des rebelles soutenus par Khartoum.


Entre les deux hommes, tous les coups sont permis. Mercredi soir, alors que les deux frères ennemis devaient sceller leur réconciliation, Omar el-Béchir a évoqué des «maux de tête» pour reporter la rencontre. Hier, juste avant le début de l’entretien entre les deux hommes, le gouvernement tchadien a accusé Khartoum d’avoir «lancé mercredi plusieurs colonnes [rebelles] puissamment armées contre le Tchad». Une information non confirmée par l’Eufor, la force européenne en cours de déploiement dans cette région troublée. La principale alliance rebelle a, elle aussi, démenti avoir lancé une nouvelle attaque.

Présent à Dakar, le secrétaire d’Etat soudanais aux Affaires étrangères Al-Sammani Al-Wassila a qualifié ces accusations de «fantaisistes» : «Nous avons totalement fermé nos frontières. Nous n’avons aucun mouvement d’opposition à l’intérieur du Soudan. Il y a un problème interne au Tchad et c’est ce que le gouvernement du Tchad devrait sérieusement prendre en considération.»

Depuis le début du conflit au Darfour voisin (début 2003), qui a rapidement débordé sur le territoire tchadien et provoqué des déplacements massifs de population, pas moins de cinq accords ont été paraphés entre Khartoum et N’Djamena. Tous sont restés lettre morte.

Déby et Béchir se connaissent bien : c’est depuis le Soudan qu’Idriss Déby, avec le feu vert de Khartoum, a lancé ses hommes à la conquête du pouvoir tchadien, à l’époque contre Hissène Habré, en 1990. Les relations entre les deux pays ont longtemps été au beau fixe, avant que le conflit au Darfour ne les pulvérise. Depuis, c’est la haine cordiale entre Déby et Bechir. Un conflit dans le conflit qu’un sommet de l’OCI a peu de chances d’éteindre.


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