Le premier mort – Rfi
Mercredi dernier, à Bruxelles, les drapeaux européens étaient en berne : hommage au soldat de l’Eufor, le sergent des forces spéciales françaises, Gilles Polin, 28 ans, tué début mars au Soudan au cours d’un accrochage avec des militaires soudanais, à la frontière avec le Tchad.
Le premier mort de l’Eufor Tchad-RCA, est en fait le premier mort de la demi-douzaine d’opérations menées jusqu’ici sous le label de la politique européenne de sécurité et de défense, dite PESD. Raison pour laquelle Javier Solana, le « M. Politique étrangère » de l’Union européenne, accompagnait le président français Nicolas Sarkozy, ce jour-là, à Bayonne, dans l’extrême sud-ouest de la France, pour l’hommage au sergent du Ier régiment parachutiste d’infanterie de marine, dans la cour d’honneur de sa caserne, en haut de la Citadelle. Une mort qui sonne comme une confirmation ou un avertissement : la zone où a péri le militaire français est dangereuse, et l’opération européenne ne sera pas simplement – ou seulement – « humanitaire », sur une toile de fond de guerre civile qui se poursuit au Darfour. La tension entre les gouvernements tchadiens et soudanais (qui ne sera guère apaisée sans doute par le « nième » accord conclu avant-hier à Dakar) et les menaces sur le régime tchadien, puisqu’une partie au moins des rebelles qui avaient investi Ndjamena début février, bivouaquent encore dans les brousses de l’Est – là où justement se trouvent certains des camps de réfugiés darfourites que la force européenne Eufor est chargée de sécuriser .
La mort de ce sergent de Bayonne qui, à sa manière, illustre également les ambiguïtés d’une opération certes « européenne », mais à effectifs en majorité français : des militaires aguerris, puisque l’armée française fait partir de ce club très fermé des quelques nations disposant d’une panoplie complète de forces ultra-professionnalisées. Des militaires qui, en outre, connaissent bien les terrains tchadiens et centrafricains, puisque des soldats français y sont stationnés pratiquement depuis l’indépendance. Une présence française voyante et lourde – puisqu’ils constituent la majorité des 1 500 hommes déjà présents sur place, et qu’à terme ils seront 2 000 sur un effectif total de 3 600. Il était donc « statistiquement fatal » que ce premier mort ait de grandes chances d’être français.
Cette participation écrasante qui n’avait pas été voulue par Paris et qui découle du manque d’enthousiasme des autres armées européennes à s’engager dans cette « galère » du Tchad et du Darfour ; mais qui, maintenant, même si elle rassure quelque part des Etats-major européens souvent peu au fait des théâtres africains, est un argument pour ceux qui, en Europe, militaient contre cet engagement. Le danger de confusion entre les opérations franco-françaises Epervier au Tchad, Boali en Centrafrique, et l’Eufor en est d’autant plus grand, car – si les missions et la chaîne de commandement des deux dispositifs sont absolument séparés – ce sont en majorité les mêmes hommes qui assurent le travail : et c’est tellement vrai qu’une partie d’entre eux, déjà sur place, n’ont eu qu’à changer d’écusson.