Les Brèves de N’djaména: Deby, Habré et la Belgique
Après la déclaration de l’ancien Président du Tchad, se disant prêt à aller en Belgique pour se faire juger, Deby réunit rapidement son Cabinet élargi au Ministre et Secrétaire d’Etat des Affaires étrangères pour arrêter la position du Tchad. Après quelques brefs échanges, il lâche, dans un marmonnement presque audible : « peut-être qu’on va demander à la Belgique de juger Habré». Les participants le reprennent à chœur, « oui, votre Excellence, ce serait une bonne décision». « Bon on verra», conclu Deby. Une fois au Bureau, le Secrétaire d’Etat demande à son titulaire : « au fait, qu’est-ce qu’on a arrêté ? ». Le Ministre, faisant l’innocent, répond : « Mais il faut faire un Communiqué, non ? Annonçant que le Tchad demande à la Belgique de juger Habré». Ce qui fut fait sur les antennes de RFI.
Deby, ayant écouté RFI, aurait failli s’étouffer. Il fait venir le Secrétaire d’Etat et lui fait passer le plus mauvais quart d’heure de sa vie. Dans un mélange du français, de l’arabe et du goran, il le traite de tous les noms d’oiseaux : « qui t’a dit de faire un communiqué ? Est-ce que je t’ai concrètement demandé de le faire ? Nous nous sommes juste échangés des idées mais aucune décision n’a été prise. Pour quoi c’est toi qui parles alors que le titulaire est là ? Si la Belgique et le Sénégal sautent sur l’occasion en nous prenant au mot, c’est toi qui iras témoigner à ma place. Tu sais bien que si Habré part en Belgique, 100% sûr qu’on me demandera d’aller témoigner. Est-ce que ce n’est pas un coup des goranes? Je sais que les Norma sont les oncles d’Annakaza, etc.» Deby aurait littéralement inondé le visage du SE de sa salive. Difficile d’être un de ses collaborateurs.
Puisqu’il a désavoué son SE aux AE, Deby doit dire publiquement aux tchadiens et à l’opinion internationale oui ou non veut-il que Habré soit jugé par la Belgique ? Si c’est oui, alors on attend une déclaration officielle par la bouche la plus autorisée ; si c’est non, alors Deby confirme lui-même ce que le monde entier savait déjà : il est aussi coupable que l’autre. Refuser de témoigner devant la justice internationale c’est se culpabiliser d’avantage. IDI, Témoigne ou Dégage, pas d’autres alternatives.
Le béninois Yayi Boni, mauvais intermédiaire ? Deby a l’habitude d’appeler les Présidents béninois, togolais et gabonais, « ses petits». Dans certaines occasions, il laisse entendre qu’il était pour quelque chose dans leur accession à la magistrature suprême. Il est vrai que ces Présidents accourent chez Deby à la moindre occasion, même si le gabonais semble prendre ses distances depuis que son pays dirige le Conseil de Sécurité. Dernièrement Deby a rendu visite à « son petit », le Président béninois. Après les cérémonies de décoration et autres visites chez les prêtres vaudou, il demande à « son petit », dans la perspective de son voyage aux Etats-Unis sur invitation du Président américain, de transmettre un message à ce dernier. En effet, Deby est en train de tourner autour de la Maison blanche comme une hyène affamée autour d’un enclos des moutons, depuis 20, sans y trouver une brèche. Alors « au petit », il demande de dire au Président américain que « je peux jouer un rôle déterminant dans le conflit Otan-Libye et j’ai besoin de le voir en tête à tête de manière urgente ». Ce dernier promet qu’il fera tout pour lui décrocher cet important rendez-vous.
A Washington, après les beaux discours sur la démocratie, la liberté, le développement économique, etc., le Président américain aborde des cas particuliers avec chacun des invités et contre toute attende, passe une épaisse couche de savon au Président béninois pour le rôle de plaque tournante du Benin dans les transactions financières, commerciales et autres des pro Kadhafi. Très sonné le « Petit » oublie de faire passer le message de Deby au Président Américain. De retour au Benin, Deby l’appelle sans cesse, matin et soir sur la suite de son message et le Président béninois de lui répondre invariablement : « Grand, on en parlera bouche à bouche quand je serai à N’djaména lors votre investiture ! »
Il n’est pas nécessaire d’attendre l’investiture, on se charge à informer Deby que « son Petit » a tout simplement oublié de faire passer le message.
Beremadji Félix
N’djaména