Les Brèves de N’djaména : Témérité ou Vanité creuse ?

Deby a fêté sa 4ème investiture dans un climat de tension politique et de morosité sociale. La présence d’une dizaine des Chefs d’Etat n’a apporté aucun éclat à la cérémonie, au contraire de très nombreux ratés ont l’entachée : non seulement il n’a été rien servi aux invités de marque comme boissons et nourritures, ce qui fait qu’ils se sont précipités pour reprendre les vols de retour, mais aussi Deby a tenu un discours d’une platitude sans précèdent, omettant de passage tous les sujets qui intéressent de près ou de loin les tchadiens. Délivrée dans un marmonnement pleurnichard, la parole de Deby n’a attiré ni l’attention des tchadiens ni celle des invités.

Pour autant certains faits ont attiré l’attention des tchadiens et l’opinion internationale. L’absence remarquée de la plupart des Présidents de l’Afrique Centrale, CEMAC et CEAC. On se rappelle que la réunion des Chefs d’Etat de la CEAC a été reportée à deux reprises et devrait se tenir en marge des cérémonies de l’investiture ; c’est raté. Deby a-t-il perdu de son aura en Afrique Centrale, lui qui se targuait il n’y a pas longtemps d’être son leader. Sur le même registre, l’absence des envoyés de la France et de l’UE a été très fortement remarquée. Ces deux-là étaient représentées par leurs Ambassadeurs à N’djaména, assis avec la masse des autres Ambassadeurs. L’absence de la France, suivie de certains Chefs d’Etat de l’Afrique centrale signifie-t-elle le lâchage de Deby par la Françafrique ?

En effet c’est la première fois dans l’histoire des relations entre Paris et les anciennes de l’AEF et AOF, que Paris n’envoie pas un émissaire pour assister à une investiture. Paris avait envoyé son Ministre de la Coopération à l’investiture de Bozizé ! Et pas chez Deby. Quel affront ! En tout cas, il y a des signes qui ne trompent pas. Dans la monotonie à la Deby, deux éléments, plus que les autres ont attiré l’attention des observateurs: la présence du Président soudanais et celle du Directeur du Cabinet de Kadhafi, deux individus pestiférés par la Communauté internationale. Deby a non seulement invité le représentant personnel de Kadhafi à la cérémonie, mais dans la salle, il l’a fait ovationner debout pendant plus de 5 mn! C’est un bras d’honneur à la Communauté internationale et particulièrement à la France et personnellement au Président français qui est sur la première ligne du front anti-Kadhafi.

Deby est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat avalisé par Paris et s’est maintenu au pouvoir par des coups d’Etat institutionnels successifs, toujours validés pas Paris et l’UE. En fait, Deby n’a jamais été élu par l’expression populaire! Paris a été et demeure le parrain et le 1er supporteur de Deby, l’a sauvé in extremis au moins 3 fois d’un éventuel renversement, alors que se passe-t-il pour que ce dernier nargue avec autant d’arrogance et dépit, au vu et au su de tout le monde son tuteur? Pourquoi, aujourd’hui, dans sa balance, la Libye pèse plus que la France ? De quelles forces et de quels autres appuis bénéficie-t-il pour qu’il veuille s’émanciper d’une France tentaculairement présente au Tchad ?

Certes les tchadiens ont besoin d’une indépendance d’esprit et de décision, connaitre et privilégier leurs intérêts tout en respectant ceux du partenaire ; pour cela on a besoin ni d’un affrontement, ni d’une défiance quand on sait que les relations entre le Tchad et la France sont marquées de l’encre indélébile et vont au-delà d’une pique de colère d’un roitelet aux abois qui se hisse sur ses petits ergots pour narguer un partenaire historique. Les tchadiens ne s’y reconnaissent pas.

Plus que tout autre Président africain, Deby répète avec quelques regrets, de l’investissement financier qu’il a fait au sein de la classe politique française. Son comportement vis-à-vis de Paris ressemble plutôt à un règlement des comptes qu’une affaire concernant les deux pays. S’agit-il des mesures de rétorsion sur l’attitude de Paris par rapport à l’assassinat du Pr Ibni Oumar ou la mauvaise appréciation par Paris sur la façon dont toutes les élections s’étaient passées ? Ou une réplique du fait que Paris et l’UE n’ont pas envoyé pour la première fois des représentants à son investiture ? Ou c’est un message fort du Gal Deby pour dire à la Françafrique et à l’occident que les temps ont changé ? Une décision mûrement réfléchie ou une fuite en avant contre un mur avant une possible et même sûre reculade ? A suivre.

Beremadji Félix
N’djaména


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