Les Brèves de N’djaména: Le Printemps arabe tchadien aura-t-il lieu ?

Tous les ingrédients propres pour une insurrection populaire sont là : « Deby ne peut plus continuer à diriger le pays comme il le fait depuis 20 ans et les tchadiens ne peuvent plus continuer à vivre comme ils le font depuis aussi 20 ans.»

La crise sociale – Les grèves et les manifestations de rue sont les bêtes noires de Deby. Il a une peur bleue de ces phénomènes plus que la rébellion armée. Au cours d’une réunion avec ses proches qui lui reprochaient sa passivité et sa bienveillance face aux ennemis de l’intérieur, Deby a eu ces mots très révélateurs : personne ne parle d’un rebelle tué aux combats, même pas quelqu’un comme Seby Aguid, mais si vous tuez un manifestant à mains nues, vous aurez l’ONU sur le dos. C’est ça qui a fait partir tous les dirigeants arabes y compris le frère Kadhafi.» Et comme il le dit, Deby a usé et utilisé tous les moyens pour casser la grogne syndicale et estudiantine, à coup des promesses, des millions des CFA et des menaces directes avec des revolvers brandis devants les interlocuteurs. Mais Deby a leurré tout le monde, il n’a tenu aucune de ses promesses et il fait pire depuis : il est en train de mettre en péril l’avenir de la jeunesse en démantelant systématiquement le système universitaire tchadien. Comme les étudiants sont souvent à la pointe des insurrections populaires, Deby a compris. Il ne veut voir aucun étudiant à N’djaména, alors pas d‘Université de N’djameéa à N’djaména ! Et ça se passe sans aucune réaction ni du public, ni des intéressés càd le corps enseignant et les étudiants.

Deby a reçu 2 milliards et quelques poussières de dollars d’impôt du Consortium pétrolier Exxon, Petronas et Chevron et 7,85 milliards depuis janvier 2004. Uniquement des impôts. Et uniquement du Consortium. Les revenus générés par d’autres sources, par exemple la vente du brut, impôts et taxes des sous-traitants, les revenus générés par les entreprises chinoises, etc., tout cela n’est pas comptabilisé dans les chiffres ci-dessus. Mais aujourd’hui le 20 janvier, non seulement les salaires ne sont pas payés mais même les états de payement ne sont pas encore tirés.

La crise énergétique – Deby avait fait des mains et des pieds auprès du Consortium et de l’équipe des négociations pour s’accaparer du projet Sidigui en le séparant du projet Doba. Certains avaient alors prédit la mort du Projet Sidigui. Deby a fait de ce projet sa vache laitière avant que les revenus de Doba tombent, en le vendant et revendant au premier venu, puis au second, au troisième, etc. Ce fut d’abord l’homme d’affaires soudanais Djarnebi – expulsé du Tchad. Il a intenté un procès contre le Tchad. Et puis le CIES, terminé en queue de poisson après avoir subtilisé d’un couple quelques 1 milliards de CFA, puis ce fut le tour du CPC suivi de l’assassinat des promoteurs, Cheikh Ibni Oumar et Addoma Ali. Un procès intenté par les avocats du Chad Petroleum Company (CPC). D’autres petits inconnus arnaqués avant que le projet soit vendu aux Chinois. Là, Deby a peut être commis une petite erreur. Il aurait dû continuer à arnaquer au lieu de mêler les chinois, car on n’arnaque pas les chinois, ceux-ci ne voient rien, n’entendent rien et n’écoutent personne ; ils foncent, ils arnaquent. La chine, c’est un Etat et Deby semble oublier cela, mieux c’est la 2ème puissance mondiale. In fine tout le pétrole de Bongor et du Sidigui qu’il a avalé est en train de lui ressortir par le nez ! Apparemment le Pays vit la plus grande crise depuis l’avènement du MPS : A N’djaména, sans parler de l’intérieur du pays, il n’y a plus de gaz oïl, ni de l’essence dans aucune des stations de service. Les 4 roues et les 2 roues sont stationnées à perte de vue devant les stations. Les vendeurs ambulants ont aussi disparu, ou rarement ils vendent leur stock caché à plus de 1000CFA le litre. 1 personne sur 2 à N’djaména, manifeste son raz de bol !

Deby ne sait à quel saint se vouer, en sautant du coq à l’âne devant des béni-oui-oui qui n’osent pas lui retourner la parole, il a tout simplement bloqué la situation, il ne sait plus à qui s’en prendre, puisque lui personnellement avec son frère Daoussa, ils sont en amont et en aval de toute cette crise et de toute cette misère que les tchadiens vivent. Ses dernières retrouvailles sont l’expulsion du DG de la raffinerie, la fermeture de cette dernière et la suspension des activités de la STH. Tout droit contre le mur.

Crise politique – l’acharnement contre le Député Saleh Kebzabo risque de couter cher à Deby s’il n’arrive pas à arrêter ses maladroites manœuvres par son pantin de Padaré interposé. Deby avait sérieusement pensé à éliminer physiquement certains opposants et en premier lieu Saleh Kebzabo, lors des Deby en grèves du mois dernier. Deby en veut à mort à ce dernier, il lui reproche d’être encore vivant après la disparition du Pr Ibni. Les débats sur la levée de l’immunité parlementaire de Kebzabo vont reprendre après la trêve hivernale, mais déjà des voix, à l’intérieur du parti de Deby, s’élèvent pour dénoncer la machination contre le porte-parole de l’opposition. Deby risque d’être surpris s’il persiste dans sa fuite en avant sur cette affaire.

Tous ces ingrédients annoncent-ils le printemps arabe au Tchad ? Espérons-le.

Beremadji Félix
N’djaména – Tchad


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