Rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Tchad – Relief
Le présent rapport, qui a été établi en application de la résolution 1612 (2005) du Conseil de sécurité, est soumis au Conseil et à son Groupe de travail sur les enfants et le conflit armé en tant que deuxième rapport de pays sur les enfants et le conflit armé au Tchad. Il porte sur la période allant de juillet 2007 à juin 2008 et traite essentiellement de six violations graves dont des enfants ont été victimes dans le pays.
L’attention y est appelée sur la dimension régionale de la violence au Tchad et son incidence sur la protection des enfants. La situation politique, militaire et en matière de sécurité dans le pays demeure très explosive en raison de la poursuite du conflit armé entre les forces armées tchadiennes et les groupes de rebelles armés, de la présence dans l’est de groupes de rebelles étrangers, des raids transfrontaliers des Janjaouid et de la poursuite des tensions interethniques entre, principalement, les populations arabes et les populations non arabes. Le rapport montre que, dans ce contexte, les enfants demeurent les principales victimes du conflit en cours, en particulier parce qu’ils sont recrutés et utilisés par les forces et groupes armés, qu’ils sont tués et estropiés, surtout en raison de la présence de mines terrestres et d’engins non explosés, que les organisations humanitaires n’ont pas librement accès à eux et que le personnel et les biens de ces organisations sont pris pour cible. Il recense les auteurs étatiques et non étatiques des exactions à l’égard des enfants et il décrit le suivi des violations des droits de ces derniers et ce qui est fait dans le cadre de programmes pour les prévenir.
Le rapport montre aussi qu’il est très difficile de mettre un terme aux violations graves des droits des enfants au Tchad et que peu de progrès ont été accomplis à cet égard depuis le rapport précédent. Aussi y est-il instamment demandé aux acteurs étatiques et non étatiques d’engager un dialogue avec l’ONU pour définir des plans d’action qui permettent de recenser et de libérer les enfants soldats et de mettre un terme à toutes les graves violations des droits des enfants. Il y est souligné que les partenaires de l’ONU à l’échelle régionale doivent échanger des informations et planifier des programmes ensemble afin que des questions transfrontalières telles que le recrutement d’enfants, les enlèvements et la réinsertion puissent être mieux réglées.
I. Introduction
1. Le présent rapport de pays a été établi en application de la résolution 1612 (2005) du Conseil de sécurité relative aux enfants et aux conflits armés et traite de la situation des enfants et du conflit armé au Tchad entre juillet 2007 et juin 2008. C’est le deuxième rapport sur le Tchad à être examiné par le Groupe de travail sur les enfants et le conflit armé mais le premier à être établi dans le cadre de l’Équipe de pays sur la surveillance et la communication d’informations, établie à N’Djamena conformément à la résolution 1612 (2005) susmentionnée.
2. Il traite essentiellement des six violations graves des droits des enfants, à savoir : le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats; le meurtre et la mutilation d’enfants; le viol d’enfants et les autres violences sexuelles à l’égard des enfants; le refus d’autoriser les organisations humanitaires à accéder aux enfants; les attaques contre des écoles et des hôpitaux; et l’enlèvement d’enfants.
II. Situation politique, militaire et en matière de sécurité
3. La région de l’Afrique centrale est confrontée à une terrible crise humanitaire et des droits de l’homme qui découle directement de l’insécurité qui y règne. Le Soudan, le Tchad, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo et le Cameroun lui-même, dans une certaine mesure, doivent faire face à des déplacements massifs de populations qui fuient d’un pays à l’autre et traversent parfois plus d’une frontière en quelques mois. Comme ils sont dépourvus d’infrastructures et de capacités d’accueil, ces mouvements régionaux de population y sont générateurs d’instabilité.
4. Le Tchad est en proie à une instabilité et à un conflit prolongés depuis son accession à l’indépendance en 1960. La nature et les causes du conflit ont évolué au fil du temps et trouvent aujourd’hui leur expression dans trois éléments distincts mais interdépendants, à savoir : l’affrontement, dans l’est du pays, entre les forces gouvernementales et les groupes d’opposition armés tchadiens; des violences intercommunautaires et interethniques dans l’est également; et des tensions entre le Tchad et le Soudan le long de leur frontière commune. Le conflit a des incidences régionales significatives le long de l’axe Tchad-Soudan, mais aussi de plus en plus sur la République centrafricaine, qui est elle aussi en proie à une instabilité militaire prolongée.
5. La situation politique, militaire et en matière de sécurité au Tchad demeure extrêmement explosive en raison de la poursuite du conflit armé entre les forces armées tchadiennes et les groupes rebelles armés, de la présence, à l’est du pays, de groupes rebelles étrangers, des raids transfrontières des milices janjaouid et de la poursuite des tensions interethniques entre, principalement, les populations arabes et les populations non arabes.
6. À la fin de janvier 2008, un groupe de mouvements rebelles s’est dirigé vers la capitale. Trois mouvements rebelles différents (l’UFDD (Union des forces pour la démocratie et le développement), le RFC (Rassemblement des forces pour le changement) et l’UFDD-Fondamentale) ont joint leurs forces pour tenter de renverser le Président. Trois mille à quatre mille cinq cents rebelles se sont affrontés aux forces gouvernementales à Massaguet, à 80 kilomètres de N’Djamena. Des combats violents ont éclaté à N’Djamena même le premier jour de février, ce qui a contraint quelque 30 000 Tchadiens à s’enfuir au Cameroun, et de nombreux organismes des Nations Unies et organisations non gouvernementales à se réinstaller temporairement. Les combats à proprement parler ont cessé en fin de journée le 3 février mais ils ont été suivis d’une période d’instabilité et d’insécurité. De très nombreuses maisons et bâtiments officiels ont été pillés. Les dirigeants de l’opposition auraient été harcelés et auraient « disparu » pendant un certain temps. De grandes figures de l’opposition non armée, telles que Lol Mahamat Choua (Président du Parti pour le rassemblement pour la démocratie et le progrès), Ibn Oumar Mahamat Saleh (Président du Parti pour les libertés et le développement) et Ngarledji Yorongar (Président du Front d’action pour le renouveau) ont tous été arrêtés le 3 février 2008 et détenus au secret. Pendant longtemps, l’endroit où ils étaient détenus est resté inconnu. Lol Mahamat Chou et Ngarledji Yorongar ont été relâchés grâce à la pression de la communauté internationale et à des pressions exercées au niveau national. Au moment où le présent rapport a été établi, Ibn Oumar Mahamat Saleh était toujours porté disparu.
7. Le conflit interethnique se poursuit aussi, principalement entre les tribus Tama et Zaghawa, et se traduit par la destruction de villages, des déplacements de populations et l’occupation de territoires. Dans le sud-est du pays, quelque 180 000 personnes (dont au moins 50 % d’enfants) ont dû se déplacer au cours des deux seules dernières années; elles vivent pour l’essentiel dans les départements de Dar Sila et d’Assoungha.
8. La situation en matière de sécurité, en particulier dans l’est du Tchad, demeure très explosive. Au total, il y a eu, durant la période à l’examen, 271 problèmes de sécurité (attaques militaires, conflits interethniques, braquages de voitures, agressions de voyageurs sur les routes), la plupart dans les camps de Goz Beida, Koukou, Angarana, Biltine, Guéréda, Iriba, Bahai, Gaga, Farchana et Treguine et dans les alentours. L’insécurité a des répercussions néfastes sur la situation humanitaire et empêche en partie les organisations humanitaires de répondre aux besoins aigus de la population.
9. Le 25 octobre 2007, à Syrte (Jamahiriya arabe libyenne), un accord de paix a été signé entre le Gouvernement tchadien et les trois principaux groupes rebelles, à savoir l’UFDD, le RFC et la CNT. Il prévoyait un cessez-le-feu immédiat, le respect de la Constitution tchadienne et la libération des prisonniers de tous les camps. Durant la dernière semaine de novembre 2007, bien que le Président libyen se soit porté garant de l’application de l’accord, il y a eu des combats entre les forces armées tchadiennes et l’UFDD, qui ont fait un grand nombre de victimes des deux côtés et amplifié la méfiance considérable qui existait déjà entre les parties. Par ailleurs, deux jours seulement avant la signature de l’accord, le RFC avait déjà fait savoir qu’il poursuivrait sa lutte armée parce que la commission mixte chargée de définir les modalités de son intégration dans l’armée tchadienne n’avait pas encore été établie. Cette commission s’est révélée très utile pour définir les modalités d’intégration de groupes rebelles dans l’armée régulière tchadienne, mais n’a jamais été opérationnelle.