Madické Niang : "Si Hissène Habré a été jugé pour les mêmes faits, il ne pourra plus comparaître devant aucune juridiction au monde" – Aps

’’Surpris’’ par la condamnation à mort par contumace de Hissène Habré, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice a déclaré dimanche que si l’ancien président tchadien est jugé pour les mêmes faits, ’’il ne pourra plus comparaître devant aucune juridiction au monde’’.

« Si Hissène Habré a été jugé pour les mêmes faits, il me semble d’après les commentaires que ce sont les même faits (…), il ne pourra plus comparaître devant aucune juridiction au monde pour être jugé des mêmes faits (et) parce qu’il aura été condamné à une peine très sévère, la peine de mort par contumace », a dit le Garde des Sceaux dimanche à l’émission Grand Jury sur la RFM (privée).

L’ancien président tchadien Hissène Habré, en exil à Dakar et poursuivi pour crimes contre l’humanité a été condamné à mort par contumace vendredi par la Cour criminelle de N’Djamena.

« C’est inattendu et nous sommes surpris. (…) je ne pouvais pas croire que cette nouvelle était fondée dans la mesure où j’ai reçu récemment à Dakar le ministre de la Justice du Tchad. Il n’a nullement fait référence à cette procédure », a expliqué Madické Niang.

« Mieux, il est venu annoncer un effort (financier) de son gouvernement pour participer à l’organisation du procès. Il a même avancé un chiffre, en disant que deux milliards ont été inscrits dans leur budget et qu’à temps opportun, ces deux milliards devraient être débloqués », a ajouté le ministre.

Le ministre de la Justice qui préfère adopter la « prudence » attend que le Tchad ‘’notifie cette décision » de justice aux autorités sénégalaises. « A partir de ce moment, on en tirera toutes les conséquences », a-t-il promis.

Hissène Habré, qui a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, s’est réfugié au Sénégal depuis 1991. Dans son pays il est poursuivi pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture.

Le Sénégal, dont les tribunaux s’étaient dans un premier temps déclarés incompétents sur son cas, a été mandaté en juillet 2006 par l’Union africaine (UA) pour juger M. Habré « au nom de l’Afrique ».

Le ministre de la justice, Me Madické Niang, a indiqué en juillet, que Dakar était « prêt » pour le procès de M. Habré après la modification de la Constitution du pays par le Parlement permettant de juger l’ex-président tchadien.

« Dés le lundi matin j’adresserai à mon collègue tchadien une lettre pour obtenir la confirmation officielle de cette mesure de condamnation qui a été prononcée », a-t-il dit.

Selon lui, « il appartient (maintenant) au pays qui a pris l’initiative de cette décision de pouvoir obtenir le reste ».

« Les tribunaux tchadiens ont une prééminence de par la compétence qui peut être dévolue aux uns et aux autres. Les victimes sont tchadiennes ; ces faits ont eu lieu au Tchad, de ce côté ils ont une prééminence de compétence », a souligné Madické Niang qui a défendu l’ancien Président du Tchad. en tant qu’avocat.

Madické Niang a rappelé que la « seule information » portée à l’attention des autorités sénégalaises était « l’incompétence » des tribunaux tchadiens.

« (…) ce que nous n’avons pas compris, c’est que la seule information qui était portée à notre attention c’était une décision d’incompétence. Les tribunaux tchadiens s’étaient déclarés incompétents pour connaître de l’affaire Habré », a-t-il souligné.

« A quel moment il y a eu rebondissement pour qu’on se retrouve dans une formule de jugement qui a débouché sur cette décision. Ce sont des questions que je me pose. Peut-être qu’en recevant la réponse du ministre, j’aurai toutes les informations requises », a-t-il dit.

Pour Madické Niang, « si le Tchad avait enclenché une procédure, il fallait simplement le faire connaître à l’Union africaine. A ce moment là, je suis sûr que l’UA n’aurait pas donné mandat au Sénégal pour juger Hissène Habré ».

« Toutes les personnes qui se sont agitées à travers le monde sont parties d’un fait qui leur semblait établi ; partout l’incompétence avait été ordonnée », a rappelé le Garde des Sceaux.

« Si les gens étaient sûrs qu’il y avait une procédure qui avait été engagée au Tchad, personne n’aurait cherché à le faire juger ailleurs »’’, avance Madické Niang qui soutient, en tant que ministre de la Justice, s’être acquitté de son « devoir » avec de « beaucoup de cœur et de sérieux » dans la conduite de cette affaire.

« En dehors des ressentiments des uns et des autres », le Garde des Sceaux reconnaît la ‘’difficulté’’ de la tâche.

« (…) en toute objectivité, c’était une tâche très difficile à mettre en œuvre. Il fallait, pour la première fois, se donner les moyens d’organiser un procès international, d’avoir tous les yeux monde braquer sur le Sénégal. Ce n’était pas facile », a-t-il dit.


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