Bachar, sans-papiers, va repartir sans ses enfants – Ouest-france

Bachar et Fatimé Ce Tchadien a voulu tenter sa chance en France, avec sa famille. Huit ans plus tard, il en repart seul, ses enfants gardés par les services sociaux.

L’histoire

Bachar Mahamoud s’excuse de son retard avec le sourire : « Je viens de revoir mes filles. » Difficile de lui en vouloir, cet homme de 49 ans n’a le droit qu’à une heure de visite tous les quinze jours. Une situation décidée par la justice, il y a plus d’un an. À bout, ce Tchadien sans papiers a décidé de rentrer au pays, en bénéficiant de l’aide au retour volontaire. Quitte à ne plus revoir sa famille avant longtemps.

Pour comprendre son désespoir, il faut comprendre son calvaire depuis huit ans. Fin 2002, il débarque en France avec sa famille, dans l’espoir d’y obtenir l’asile politique et une vie meilleure. L’homme se dit menacé au Tchad, pour des raisons politiques. Une demande d’asile refusée par la France. Leurs passeports sont retirés et la famille est invitée à prendre l’avion.

Deux ans à parcourir l’Europe

Nous sommes en 2005. Le couple décide alors de se séparer, pour échapper à la police. « Nous savions qu’ils n’oseraient pas s’en prendre à une femme seule avec deux enfants. J’ai donc décidé de partir et de me cacher. » Bachar va parcourir l’Europe pendant deux ans. Deux ans sans voir sa famille, à vivre de petits boulots, notamment dans l’agriculture. Pendant ce temps, sa femme, Fatime, change régulièrement de ville, obtient des titres de séjours temporaires, avant de débarquer à Rennes en 2007 où habitent des cousins.

Elle est épuisée. Alors quand les services sociaux ne parviennent pas à lui trouver un logement convenable, elle craque, s’emporte contre les employés. La police intervient. Les deux filles de Fatime, Sohiba et Sohaïla, lui sont retirées et placées en famille d’accueil à Liffré. Son état dépressif lui vaudra une hospitalisation pendant 5 mois, jusqu’en 2008. Mais à la sortie, les enfants ne lui sont pas rendus.

Blessé dans son honneur

C’en est trop pour Bachar qui décide de sortir de la clandestinité. Son objectif : ramener sa famille au Tchad. Sauf que la justice française freine ses ardeurs. « La juge des enfants s’inquiète probablement de ce brusque retour du père absent qui veut ensuite ramener ses enfants au Tchad », présume Marc-Alexandre Aillaud, l’avocat de la famille Mahamoud. Des recours sont envoyés, sans succès. Jusqu’à cette décision du 8 janvier dernier : une expertise psychiatrique est réclamée, pour Bachar cette fois.

L’homme se sent blessé dans son honneur, d’autant que cette procédure nécessite 6 mois d’attente supplémentaire. Il décide de repartir au pays, seul, sa femme restant en France jusqu’à ce qu’elle récupère ses enfants. « Même si c’est une petite vie que je vais mener là-bas, ce sera tout de même une vraie vie, pas comme en France. J’ai tout perdu ici : mon argent et mes enfants. »

Une fois qu’il sera revenu dans sa ville de Tiné, près du Darfour, Bachar Mahamoud n’attendra plus qu’une chose : « que la juge vienne elle-même me ramener mes enfants ».

Tangi LOISEL.


Commentaires sur facebook