Les Brèves de N’djaména: Amnistie et libération très sélectives
A l’ occasion du 50ème anniversaire de l’indépendance du Tchad et de son intronisation en tant que Sultan, Deby a promis l’amnistie et libération de tous les détenus politiques et de guerre de tous les temps. Les prisonniers politiques sont très nombreux, mais personne ne connaît ni leur nombre exact ni les lieux de détention. Ils sont éparpillés dans tout le Tchad, dans les différentes prisons officielles et clandestines et surtout à Korotoro, Todi et Bardaî. Aucun organisme indépendant n’a pu rencontrer les prisonniers, moins encore des juges.
Il y a des prisonniers de guerre, ceux capturés lors des différentes batailles entre les forces de Deby et celles de diverses rebellions et les prisonniers politiques, raflés par la police politique pour leur présumée sympathie à la rébellion. Selon plusieurs témoignages, il y a eu plusieurs exécutions extrajudiciaires, des disparus, morts par sous alimentation, etc. Deby a promis libérer tout le monde sans exception, mais cette promesse se fait attendre ou plutôt elle a été très molle. Seuls les prisonniers détenus à N’djaména ont été libérés et ça encore ! Certains dont on pensait s’y trouver ne font pas partie des libérés. Ont-ils été transférés ailleurs ou tout simplement éliminés ? Autre constat de taille : tous les prisonniers de guerre comme politiques proches parents des Erdimi et se trouvant à N’djaména n’ont pas été libérés. Sont-ils victimes des rancunes et rancœurs familiales ou tout simplement ont-ils été éliminés ? La grande interrogation est le sort des prisonniers des bagnes de Korotoro, Todi et Bardaï. Pourquoi ne sont-ils pas libérés ? Qu’attend Deby pour les libérer, a t-il peur de quoi ? On sait que des illustres personnes comme le Chef d’Etat Major de l’UFR, le Cl Hamouda, le Commandant d’escadron de l’UFR, le Cl Sougour Djittou, figurent parmi les habitants de ces bagnes.
En Afrique sub saharienne, le Tchad détient le triste record des prisonniers politiques : on parle entre 700 et 1000 à Korotoro, 200 à Todi, entre 300 et 500 à Bardaï dont certains « esclavagés » y séjournent depuis les premiers combats de frolinat, sans parler de ceux de N’djaména et des autres villes, victimes des rafles souvent nocturnes de l’ANS. Les Associations des Droits de l’Homme locaux auraient pu obtenir à défaut d’une libération, au moins la liste complète des prisonniers y compris les disparus, leurs lieux de détention si elles faisaient du sort de ces prisonniers une de leur préoccupation majeure, or on a malheureusement l’impression que ce n’est pas le cas et leur désintérêt ( ?) occasionne celui des ADH internationales. Dommage.
Deby aussi a peur – Entre l’Egypte et le Tchad, il y a le Soudan, Dieu Merci. Entre la Tunisie et le Tchad, il y a la Libye, Dieu Merci. Mais entre la Libye et le Tchad, qui est là ? Apparemment personne et encore Dieu Merci. Pour beaucoup des observateurs, la chute de Kadhafi sera la seconde indépendance de l’Afrique sub-saharienne francophone où Kadhafi se comporte comme l’esclavagiste des temps modernes. Déjà les sujets de Kadhafi tremblent, pas pour leur libération mais pour leur supposé orphelinat.
A N’djaména, une centaine des chômeurs font le sit-in devant la Primature. Aussitôt c’est le branle-bas des services de répression du dictateur : chars lourds, chars d’assaut, les Toyota blindés, etc. Histoire de dire que le Tchad n’est pas l’Egypte, ni la Tunisie. Y en a qui avaient dit cela avant de s’enfuir. En tournée de médiation en Afrique de l’Ouest, Deby en est informé. Il réagit immédiatement : « pas de bruit, pas des cartouches tirées, pas de matraques sur la tête des manifestants, les forces de l’ordre doivent immédiatement regagner leur base. Le PM doit rencontrer les manifestants, leur tenir un langage poli et civilisé et leur dire que le Président donnera une suite favorable à toutes leurs revendications.» On attend le retour de Deby.
Beremadji Félix
N’djaména