Le Sénégal se débarrasse du dossier Habré – Rfi
Les autorités sénégalaises ont décidé de renvoyer Hissène Habré au Tchad. L’ancien président tchadien, chassé du pouvoir en 1990 et qui avait depuis cherché refuge au Sénégal va être reconduit dans son pays lundi 11 juillet 2011, par avion spécial. Cette décision fait suite à onze ans de feuilleton politico-judiciaire au Sénégal. Elle intervient après un sommet de l’Union africaine qui avait rappelé au Sénégal ses obligations internationales : soit juger Habré, soit l’extrader vers un pays prêt à le juger.
L’agacement était-il feint ou sincère ? En décembre 2010, le président sénégalais Abdoulaye Wade n’avait pas caché dans une interview à RFI et France 24 qu’il en avait assez de l’affaire Habré. Et qu’il souhaitait se débarrasser de l’ancien président tchadien. « Je sais très bien où je vais le renvoyer. Je peux bien le renvoyer chez lui », avait déjà déclaré Abdoulaye Wade à l’époque. Puis l’affaire était retombée, l’Union africaine avait peu de temps après renouvelé le mandat du Sénégal à juger Habré « au nom de l’Afrique » et l’avait appelé à poursuivre les discussions pour l’organisation du procès.
Six mois plus tard, nouveau sommet : à Malabo fin juin, c’est l’UA cette fois-ci qui commence à montrer des signes d’impatience. Les discussions n’ont pas pu déboucher, le Sénégal ayant décidé de suspendre sa participation. L’organisation panafricaine appelle donc Dakar à respecter ses obligations internationales, telles que prévues par la convention des Nations unies contre la torture : soit juger Hissène Habré, soit l’extrader vers un pays prêt à le juger. Le Tchad ayant déjà manifesté sa disponibilité, le Sénégal a finalement décidé de renvoyer l’ancien président dans son pays. Pourquoi maintenant ? Les motivations réelles d’Abdoulaye Wade restent pour l’instant mystérieuses.
11 ans sans procès
C’est après avoir été chassé du pouvoir par Idriss Déby en 1990 qu’Hissène Habré est venu s’installer au Sénégal. Une décennie plus tard, il est visé, en janvier 2000, par une première plainte des victimes de son régime. L’ancien président est d’abord inculpé, placé en résidence surveillée, puis la justice sénégalaise se déclare incompétente pour le juger. Elle se déclare à nouveau incompétente en 2005, quand la justice belge, cette fois-ci, demande l’extradition d’Hissène Habré.
En 2006, après la condamnation du Sénégal par le comité des nations unies contre la torture, l’Union africaine entre en scène. L’UA demande au Sénégal de juger Habré « au nom de l’Afrique » et c’est un très long processus qui va alors commencer : réforme des textes juridiques sénégalais, discussions avec l’Union européenne sur le financement du procès. Abdoulaye Wade fait de ce financement un préalable au démarrage de la procédure. Un accord est trouvé lors d’une table ronde des bailleurs. Mais une décision de la cour de justice de la Cédéao vient tout remettre en cause. Le Sénégal, selon cette cour, ne peut juger Habré seul.
L’Union africaine remet l’ouvrage sur le métier, propose la création d’une cour internationale ad hoc. Les autorités sénégalaises participent à un premier round de discussions, puis annoncent le 30 mai dernier qu’elles suspendent leur participation. Sans dire pourquoi. « En prétendant vouloir juger Habré, le Sénégal nous a bercés d’illusions », avait alors estimé Jacqueline Moudeïna, la présidente d’une organisation de victimes.