Le Sénégal suspend l’expulsion d’Hissène Habré au Tchad – Le Monde
Hissène Habré , l’ex-dictateur tchadien, est accusé de crimes contre l’humanité par des ressortissants de son pays qui ont saisi la justice sénagalaise.
L’ancien président tchadien Hissène Habré, réfugié au Sénégal depuis sa chute en 1990 et poursuivi pour crimes contre l’humanité, devait être renvoyé dans son pays d’origine, lundi 11 juillet, pour y être jugé. Mais dimanche, le Sénégal a décidé de suspendre son expulsion pour répondre à une requête de l’ONU qui s’était demandé si une telle mesure ne constituait pas « une violation du droit international » .
Le Haut commissariat aux droits de l’homme et plusieurs organisations de défense des droits de l’homme avaient en effet vivement critiqué sa possible expulsion au Tchad, doutant qu’il puisse y bénéficier d’un procès équitable.
Lundi, le ministre des affaires étrangères sénégalais, Madické Niang , a déclaré que son pays allait engager « immédiatement des consultations avec l’ONU, l’Union africaine et la communauté internationale » pour « qu’une solution puisse intervenir rapidement » .
VERS UNE EXTRADITION DE HABRÉ EN BELGIQUE
Le Sénégal avait annoncé vendredi qu’il allait renvoyer M. Habré à N’Djamena, faisant valoir la nécessité de se conformer à la demande de l’Union africaine de « le juger ou l’extrader » . Or, pour le Sénégal, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), en suggérant en 2010 la création d’une juridiction spéciale pour juger Hissène Habré, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pendant ses huit ans au pouvoir (1982-1990), « interdit » au Sénégal de le juger.
Lundi, le gouvernement tchadien a aussitôt réagi en exprimant « ses vifs regrets face à ce revirement du Sénégal, car toutes les dispositions ont été prises pour assurer la sécurité de Hissène Habré et pour programmer un procès équitable » , selon un communiqué du gouvernement lu par le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, Kalzeubé Pahimi . Selon lui, N’Djamena « n’exclut pas l’hypothèse de transfèrement de M. Hissène Habré en Belgique. L’essentiel pour le gouvernement tchadien c’est que le procès ait lieu pour rendre justice à la mémoire des victimes et pour consoler » leurs familles.
L’avocat américain Reed Brody , de Human Rights Watch, s’est déclaré heureux que le président Wade ait suspendu cette expulsion mal préparée . « L’extradition de Habré en Belgique est désormais la seule option pour s’assurer qu’il répondra des accusations contre lui lors d’un procès équitable » , at-il ajouté.
La Belgique, qui réclame l’extradition d’Habré pour le juger, ainsi que plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, avaient également déploré son renvoi prévu vers le Tchad.