La guerre avant la campagne électorale(BI-HEBDO)

Le gouvernement est passé à l’offensive en attaquant lundi à l’aube les positions du scud et du Rpj. Après la tentative de coup d’Etat de la semaine dernière, l’objectif est de pacifier l’est du Tchad avant la campagne électorale.

Ce sont les rebelles qui ont pris le devant sur le plan de l’information en annonçant dans la journée avoir été attaqué de l’Est et de l’ouest par l’armée gouvernementale qui a contourné leurs positions en passant par le Soudan. Le gouvernement a attendu tard dans la soirée du 21 pour annoncer que c’est pour contrer une offensive d’envergure des auteurs du coup d’Etat du 14 mars dernier que l’offensive a été lancée et s’est soldée par la destruction de la base des insurgés.

Le gouvernement annonce aussi avoir saisi des véhicules et fait des prisonniers dont des officiers supérieurs. Les blessés de cette bataille sont soignés à EI-Ginéina au Soudan. Le communiqué du porte-parole du gouvernement ne mentionne ni le Scud ni le Rpj qui ont annoncé les affrontements. Des trois principaux mouvements rebelles opérant dans l’est tchadien depuis la fin 2005, ce sont les deux à dominance Zaghawa qui ont été visés par l’attaque du 20 mars: le Socle pour le changement, l’unité et la démocratie (Scud) de Yayah Dillo et le Rassemblement pour le progrès et la justice (Rpj) de Abakar Tollimi.

Les rebelles, Yayah Dillo notamment, annoncent avoir tué une centaine de gouvernementaux contre une dizaine de morts de leur côté alors que le gouvernement annonce avoir détruit une dizaine de véhicules des insurgés, récupérés 16 Toyotas. Ceci est une violation du territoire soudanais même si on tente de minimiser en annonçant que l’opé­ration a été menée avec l’accord des autorités soudanaises. Si c’est le cas, c’est que Khartoum y a vu une occasion de se débarrasser des Zaghawa qui ont sapé la mise en place du Fucd, la Fédération des mouvements rebelles que devrait piloter leur protégé Mahamat Nour. Surtout qu’il est difficile de distinguer les rebelles du Scud et du Rpj des mouvements rebelles souda­nais.

Le voyage de presse organisé par le service de presse de la présidence, annoncé pour les premières heures du 21 mars, a été ajourné. Ceci peut faire penser que la logistique n’a servi que de prétexte pour nettoyer le terrain et permettre aux journalistes de ne voir que ce que le gouvernement voudrait leur montrer.

La prudence du gouvernement sur le bilan de ces affrontements vise à éviter de répéter les bourrades comme celles commises après la bataille d’Adré quand les chiffres indiqués sur les bilans du porte-parole du gouvernement, du ministère de la Défense étaient aux antipodes.

L’offensive du 20 mars a été préparée par les stratèges de Déby depuis quelques semaines déjà. Début mars, juste après le départ du général Séby Aguid et Cie pour le maquis, le chef de l’Etat a reçu des officiers venus lui réitérer leur soutien. IDI leur a donné rendez-vous à Abé­ché après le sommet de la Cémac pour, selon lui, écraser la rébellion même s’il devait y mourir. Beaucoup y sont arrivés et l’y ont attendu comme convenu. Pendant ce temps, d’autres l’on attendu à N’Djaména, pour lui faire la peau.

Au nombre des frondeurs qui ne figurent pas sur la liste communiquée par le gouvernement, Ramadane Bokit, commandant du groupement blindé de Am sinéné, ancien baroudeur illettré qu’on présente comme un téméraire. C’est lui le meneur de la tentative de putsch qui a pris la clé des champs, selon nos sources, à bord d’une trentaine de Toyota. Quelques jours avant le putsch manqué, celui-ci aurait réussi à introduire au palais, des éléments à bord de Toyota et qui devaient cueillir IDI au cas où le coup de l’aéroport aurait raté. Ces derniers ont été mis aux arrêts après l’échec du putch. Mais le groupe des insurgés, qui a pris la direction de l’Est bien que signalé par les services de sécu­rité, n’a nullement été inquiété jusqu’à la frontière. Mais IDI ne s’est pas endormi sur ses lau­riers depuis la bataille d’Adré. Il a fait réhabiliter la piste d’atterrissage de Kalaït. Des Antonov atterrissent régulière­ment à Abéché pour débarquer du matériel. On annonce aussi le recrutement des mercenai­res qui, ajouté à l’appui qu’ap­portent les Eléments français au Tchad, lui donne un avan­tage certain.

Les morts Zaghawa de la ba­taille du 20 mars et les humiliations des familles des officiers partis en rébellion n’augurent rien de bon quand on sait que dans cette communauté le sang se lave dans le sang. Surtout qu’autour d’IDI, il reste encore des Zaghawa. Et même si du côté des forces gouvernementales, il pourrait y avoir des morts d’autres ethnies, il ne peut être autant du côté des rebelles qui sont majoritairement des Zaghawa ayant déserté les rangs de l’armée.

En cherchant à déloger le Scud et le Rpj des grottes de Hadjer Marfaïne, le gouvernement les met dans une situation de non ­retour dans laquelle on se défend avec l’énergie du désespoir. Et si les rebelles prennent le dessus la route d’Abéché leur est ouverte parce que Farachana où est située le poste de commandement n’est qu’à 80 kilomètres d’Abé­ché. Pour tout dire, l’issue de ces hostilités permettra de savoir si la meute de généraux, colonels et autres intellectuels qui prétendent être le fondement du régime de Déby le sont vraiment.

L’autre danger est que le Rdl, composé des Tama, n’entre dans la danse en attaquant soit Adré ou une autre localité. IDI s’est certes réarmé mais pourra-il soutenir plusieurs fronts en un mois. Car l’objectif est de pacifier l’Est du Tchad avant le début de la campagne électorale.

Madjiasra Nako
N’DJAMENA BI-HEBDO N° 936 du 23.03.06


Commentaires sur facebook