La Cpdc et le Far interdits d’activités politiques: N’DJAMENA BI-HEBDO N° 940 du 6 avril 2006

Yor Avec la signature du décret n0216 du 31 mars 2006 portant modalités d’organisation de la campagne électorale pour l’élection présidentielle du 3 mai 2003, les chefs de l’exécutif nous entraînent sûrement dans la situation que connaît actuellement la Côte d’Ivoire.

En Côte d’Ivoire, pour mettre hors compétition Allassane Dramane Ouattara, qui aspirait à la magistrature suprême, sous prétexte de sa double nationalité, on a dû recourir à la révision de la Constitution pour exiger que tout candidat aux élections présidentielles soit de père et de mère ivoiriens d’origine. Cette ivoirité a eu les conséquences qu’on connaît. Aujourd’hui chez nous, le pas n’est pas loin d’être franchi. Une lecture diagonale du décret 216 montre clairement que c’est la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (Cpdc) qui est la cible des chefs de l’exécutif qui ont, par ce décret, fixé les modalités de la prochaine présidentielle conformément à l’article 119 du code électoral.

En effet, l’article 2 de ce décret énonce que: « Seuls sont autorisés à organiser les réunions électorales les partis politiques ayant présenté ou soutenant un candidat ». Doit-on encore chercher pour savoir que ce sont les partis politiques regroupés au sein de la Cpdc et le Far de Yorongar Ngarlejy, parce qu’ils prêchent le boycott actif du scrutin présidentiel du 3 mai, qui sont interdits de s’immiscer dans cette élection à laquelle ils ne participent pas? Pour la Cpdc particulièrement, il est hors de question que ces élections aient lieu, comme le veulent Déby et le Mps, le 3 mai.

Les partis politiques de l’opposition, de façon unanime, exigent, comme préalable à leur participation au processus électoral, la révision, de fond en comble, du système électoral qui a toujours permis à Idriss Déby Itno de se maintenir au pouvoir contre la volonté du peuple. Pour en arriver là, la Cpdc et les autres partis de l’opposition exigent la tenue d’un forum des acteurs politiques. N’ayant pas reçu une oreille attentive du côté du président de la République, les partis politiques de l’opposition font montre d’une solidarité sans précédent en boycottant unanimement l’élection présidentielle du3 mai 2006.

Le problème, qui dérange le Mps d’Idriss Déby Itno, est que l’opposition compte « empêcher » la tenue de cette présidentielle. Comment empêcher? La Cpdc n’a pas encore dévoilé ses stratégies alors que la campagne électorale est ouverte. La manœuvre consiste à l’interdire de mettre en œuvre ces stratégies restées jusque-là cachées par l’interdiction d’organiser des réunions portant sur l’opération en cours pendant cette période de campagne. On sait en effet que les partis politiques de l’opposition qui comptent empêcher la tenue de cette élection ne soutiendront aucun candidat. Par conséquent, s’ils se réunissent ou organisent un meeting pendant cette période de campagne, c’est pour mettre en œuvre leurs stratégies.

Malheureusement pour le Mps, qui tient à l’organisation de cette élection en dépit de la désapprobation des acteurs politiques et de la société civile, aucun texte législatif ne fait interdiction aux partis politiques, quels qu’ils soient, de tenir des réunions pendant le déroulement de la campagne électorale. Mieux, l’article 119 du code électoral énonce que: « Seuls sont autorisés d’organiser des réunions électorales, les partis politiques légalement reconnus ainsi que les candidats indépendants régulièrement déclarés ». Cette disposition ajoute que les modalités d’organisation de la campagne électorale sont par décret après avis de la Ceni.

C’est donc sur la base de ce deuxième alinéa de l’article 119 que les deux têtes de l’exécutif ont cru bon d’interdire que les partisans du boycott participent à l’opération en cours. Mais ne sont-ils pas en contradiction avec le code électoral dans la mesure où un décret ne peut que compléter une loi et non la contredire? En l’occurrence, interdire aux partis politiques légalement reconnus, fut-il en période de campagne électorale, de tenir des réunions électorales relèverait d’une illégalité notoire. Faut-il rappeler que notre Constitution, dans on préambule, permet de s’opposer à quiconque se maintient au pouvoir par la force?

Par conséquent, ce décret est de nature à envenimer le climat politique déjà tendu. La Cpdc, en tant que regroupements d’une vingtaine de partis politiques de l’opposition, et le Far, parti fédéral, constituent une force non négligeable sur l’échiquier politique. A vouloir les frustrer jusqu’au bout, le Mps risque de créer une situation qu’il ne saurait maîtriser. Ce n’est en effet rien d’autre que l’exclusion dans la mesure où les autres partis, parce qu’ils sont alliés au Mps et le soutiennent, peuvent tenir des réunions sans être inquiétés.

C’est d’ailleurs dans l’optique de cette participation que les partis alliés, au nombre de 36, ont fait, le 3 mai, une « déclaration commune de soutien des partis politiques alliés au candidat du Mps, Monsieur Idriss Déby Itno à l’élection présidentielle du 3 mai 2006′, Dans cette déclaration, les signataires disent qu’ils battront campagne » en faveur du candidat commun, Idriss Déby Itno, pour une victoire éclatante ». Cela, en vue de participer à la gestion publique en cas l’élection de leur candidat.

Ainsi exclus d’activités politiques pendant cette période de campagne, les partis politiques de l’opposition sont fondés à attaquer le décret 216 en justice. Auront-ils le temps de le faire pendant que les candidats sont déjà en campagne? Encore qu’il faut compter aussi avec la lenteur de la justice…

Alladoum Nadingar
N’DJAMENA BI-HEBDO N° 940 du 6 avril 2006


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