Le triomphe modeste – N’Djamena BI-Hebdo Spécial du 13 avril 2006
Alors que les prisonniers du Front uni pour le changement démocratique (Fucd) installés à côté de leurs véhicules de guerre récupérés et exhibés pour la circonstance attendaient d’être présentés à la presse, ce 14 avri12006, à la place de l’indépendance, un ordre renvoie tous les militaires dans leurs casernes. Tout n’est donc pas fini!
13 véhicules Toyota équipés d’armes lourdes et de munitions, 36 armes de divers calibres, notamment des antichars, des bazookas, des kalachnikovs, des Sig. des Sks…. exposés à même le sol.
Environ 200 prisonniers, parmi lesquels quelque quatre quinquagénaires, mais surtout des jeunes ont été présentés à la presse et au public. Selon le ministre de l’Administration du territoire, le général Mahamat Ali Abdallah Nassour, le bilan
exhaustif des affrontements du 13 avril se chiffre entre 350 à 400 morts. Au sein de la²population civile n’djaménoise, le ministre minimise les cas survenus, tandis que de nombreuses familles continuent à pleurer les leurs fauchés ce jour.
Ainsi, un jour après les affrontements qui ont opposé les rebelles du Fucd aux soldats gouvernementaux, la place de indépendance a été le théâtre d’une cérémonie de triomphe sur l’ennemi. Un triomphalisme sans enthousiasme que montre la suite de la cérémonie.
Le rappel des troupes dans les casernes a démoralisé plus d’un. Sur la pointe des pieds, les plus prudents se sont retirés de la tribune. Le retard accusé dans le démarrage de la cérémonie a dissuadé bien d’autres à s’en aller. Et la canicule de cette journée n’a pas été de nature à alléger la souffrance des prisonniers assis à même le bitume en face de la tribune. « .Almi, almi,… (de l’eau à boire,,..) », ont imploré certains d’entre eux visiblement épuisés par leur longue marche sur N’Djaména. Dans les rangs des prisonniers, se sont écroulés ceux qui n’ont plus la force de tenir debout. Des blessés, des malades, qui devaient être admis dans les hôpitaux et qu’on tenait à tout prix à présenter, se sont tordus de douleur.
Enfin les membres du gouvernement sont apparus au portail de la présidence de la République derrière lequel est immobilisé un char de combat. Les ministres venaient de sortir d’un conseil extraordinaire à l’issue duquel Idriss Déby Itno a rompu les relations diplomatiques avec le Soudan. A la place de l’indépendance. les gesticulations du ministre délégué à la Primature, chargé des libertés et droits de l’homme, Abdéramane Djasnabaille en vue d’obtenir des ovations de l’assistance, n’ont pas produit l’effet escompté. Quand bien même certains de ses collègues lui recommandaient le calme. Djasnabaille n’a pas tari d’éloges à l’endroit de son président et des forces de sécurité. « ll n’y a pas de censure, rétorquait-il à ses collègues, un ministre des droits a le droit de sensibiliser » a-t-il clamé dans un one man show. pour le moins déconcertant.
Après ses ministres, l’arrivée sous haute surveillance sécuritaire du président de la République à la place de l’Indépendance n’a rien changé à l’éclat qu’on tenait à donner à la cérémonie. A part le « oyé Mps » d’une militante zélée du parti exhibant le fanion bleu, ce qui semble d’ailleurs gêner l’entourage, un silence s’est emparé des lieux durant la présence de IDI. L’assistance a plutôt retenu son souffle. Idriss Déby Itno a inspecté le matériel récupéré, s’est entretenu en arabe avec certains prisonniers de nationalité soudanaise. Autour de lui, c’est une rude bagarre engagée entre les agents de sécurité et les journalistes nationaux renforcés par un effectif assez impressionnant de leurs confrères occidentaux. L’interview que IDI a accordée à la place de l’indépendance n’a été qu’une occasion de fustiger le Soudan. Aussi, IDI n’en veut pas à ces prisonniers, ces enfants que le pouvoir de Khartoum a recrutés pour déstabiliser le Tchad. IDI s’engage à les remettre aux organisations humanitaires.
Djéndoroum Mbaïninga
N’Djamena BI-Hebdo Spécial du 13 avril 2006