Tchanguiz victime du racisme des Tchadiens – N’DJAMENA BI –HEBDO N° 951 du 22 au 24 mai 2006

Détenu arbitrairement pendant trois semaines à la Police nationale, Tchanguiz Vatankah est libéré le 19 mai dernier. Cette libération était attendue après la conférence de presse deux jours auparavant du ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des droits de l’homme.

La conférence de presse, animée par Abdéramane Djasnabaille, a porté sur tou­tes les questions des droits de l’homme au Tchad. Mais l’af­faire Tchanguiz a dominé les discussions qu’a eues le mi­nistre avec les journalistes.

Cette conférence de presse, il faut le souligner, a été tenue au lendemain du transfert de Tchanguiz Vatankah du service des Renseignements géné­raux au commissariat central où, sous la pression et la pro­messe de sa libération immé­diate, il a pris un engagement écrit de démissionner de la pré­sidence de l’Union des radios privées du Tchad (Urpt) et sur­tout de ne plus se mêler des affaires politiques du Tchad. A quand la libération de M. Tchanguiz? ont demandé avec insistance les journalistes qui voulaient voir leur confrère li­béré séance tenante.

Pendant la grève de faim de 19 jours qu’il a entamée au ser­vice des renseignements gé­néraux, le détenu a fait une chute en se déplaçant de sa cellule vers les toilettes. « Il a mal au dos et dans d’autres parties du corps. Il faut chercher à le soigner avant tout« , a in­formé le ministre. Abdéramane Djasnabaille d’ajouter que libé­rer Tchanguiz est une question de procédure. Indiscret, il a con­fié qu’il faudrait attendre même l’investiture du président Idriss Déby Itno qui pourrait prendre une décision le concernant. Mais son collègue de la Sécu­rité publique et de l’immigra­tion, sur ordre de qui Tchanguiz a été arrêté, a ordonné à la po­lice de le libérer deux jours plus tard. Routouang Yoma Golom, satisfait de l’engagement de Tchanguiz à ne plus s’immis­cer dans la politique intérieure du Tchad, ne voit plus de rai­son de le garder jusqu’à l’in­vestiture du PR!

Après tout, comment Tchanguiz s’est-il retrouvé à la police? Le 28 avril, alors qu’il organisait le mariage de son fils adoptif, des agents de la police se sont présentés à son domicile pour l’arrêter. Il fut con­duit au commissariat du 7ème arrondissement puis au com­missariat central avant de se retrouver au service des rensei­gnements généraux. Aux Rg, il a été soumis à un interrogatoire musclé. Pour­quoi a-t-il signé un communi­qué de presse de l’Urpt de­mandant le report de l’élection présidentielle? Pourquoi était-­il le seul Blanc (donc étranger) aperçu parmi les gens qui ont accompagné à pied, et chan­tant l’hymne national, les jour­nalistes Sy Koumbo Singa Gali, Michaël Didama, Samoringar Ngaradoumbé et leur collabo­rateur Garondé Djarma, du pa­lais de justice à la maison d’ar­rêt pendant le procès qui les opposait en 2005 à l’Etat tcha­dien?

Ces deux arguments, avan­cés par les autorités tchadien­nes pour faire arrêter ce réfu­gié iranien qui vit depuis plus de 30 ans au Tchad, ne sont pas fondés en matière des droits et libertés. En ce qui con­cerne le communiqué de presse de l’Urpt, Tchanguiz l’a signé en tant que président d’une association reconnue par le ministère de l’Administration du territoire. Bien plus, lorsqu’il a été élu à la tête de l’Urpt, la liste des membres du nouveau bureau a été déposée au ministère de l’administration du territoire sans qu’aucune auto­rité ait contesté cette élection qui s’était déroulée selon les statuts de l’association qui n’in­terdisent pas non plus à un étranger d’être élu au poste de président de l’Urpt. Et en tant que président, les textes de l’Urpt l’autorisent bien à agir au nom de l’organisation. Qu’on dise que l’Urpt a outrepassé ses prérogatives en publiant ce communiqué de presse se comprendrait. Mais s’en pren­dre uniquement à la personne de son président, parce qu’il est un étranger, fait penser à un règlement de comptes. C’est donc à juste titre que les responsables des radios pri­vées, réunis en session extra­ordinaire à N’Djaména le 13 mai, ont estimé que « les tribu­lations de M. Tchanguiz sont orchestrées par le ministre de la Sécurité publique et de l’im­migration pour des raisons per­sonnelles ».Pour protester con­tre « l’arrestation arbitraire de M.Tchanguiz et les menaces qui pèsent sur les radios privées », l’Urpt a observé le dimanche 14 mai une journée silence radio.

Que Tchanguiz soit le seul étranger aperçu dans le groupe des manifestants qui enton­naient l’hymne national pour réclamer la libération des con­frères embastillés en 2005 fait rigoler. Etant dans la corpora­tion journalistique, Tchanguiz est directement concerné par les questions qui touchent à la liberté de la presse ou aux in­térêts de la profession. Consi­dérant cet argument, on peut af­firmer que Tchanguiz est sim­plement victime du racisme pri­maire de nos gouvernants

Hubert Bénadji
N’DJAMENA BI –HEBDO N° 951 du 22 au 24 mai 2006


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