Une victoire empoisonnée – NDJAMENA BI-HEBDO N° 951 du 22 au 24 mai 2006
En cherchant vaille que vaille à organiser la présidentielle dans les délais requis, IDI avait deux objectifs en tête: d’une part, éviter un vide juridique et de l’autre, se donner une légitimité internationale. Il aura son pari. Mais, si l’on peut affirmer qu’il a confondu les uns et les autres sur le premier point, il est difficile de conclure que sur le second point, il y a de quoi pavoiser.
En effet, la réaction que l’on a enregistrée jusqu’à maintenant laisse penser que pour IDI, comme nous l’avons souligné, le plus difficile commence. En dehors de la France – et encore – dont la position est connue, les différents partenaires du Tchad semblent presser IDI à engager un véritable dialogue avec l’opposition. Tout en prenant acte des résultats proclamés le 14 mai, l’Union européenne, les Etats unis d’Amérique, ont plus qu’exprimé leurs vives préoccupations quant aux conditions dans lesquelles la consultation s’est déroulée. Leurs propres observations ont décelé les anomalies et manquements que chaque Tchadien a pu constater ce jour-là. En dehors des tripatouillages, les uns et les autres sont convaincus qu’il y a un grave déficit démocratique au Tchad. Ils en appellent à un dialogue devant permettre d’organiser dans de meilleures conditions la prochaine législative prévue pour l’année prochaine.
IDI, qui est passé maître dans l’art de fait accompli, peut aujourd’hui estimer qu’il est parvenu à ses fins : prolonger son bail à la tête du Tchad. Peut-être. Mais il semble que désormais, rien ne lui sera épargné. D’ailleurs, fidèle à son habitude, IDI met en joue l’ambassadeur des Usa, Marc Wall qu’il a copieusement fustigé lors de la rencontre qu’il a eue avec les caciques de son parti. Il oublie au passage que pour les Usa, la préoccupation majeure, pour l’heure est le Soudan pour lequel ils ont déployé tous les efforts pour parvenir, au forceps, à l’accord d’Abuja. C’est que l’opinion américaine est sensibilisée, à outrance, à la crise soudanaise. Celle du Tchad est bien lointaine des préoccupations du citoyen américain. Bien plus, à travers le projet pétrolier et les rodomontades de IDI contre la Banque mondiale et ses piètres performances économiques, la côte d’amour de IDI est bien basse dans l’opinion américaine.
Les jours à venir risquent d’être difficiles pour IDI. La France est pleinement engagée dans l’Union européenne qui a émis des réserves sur l’élection présidentielle. Or, il est désormais établi qu’en matière de politique étrangère, l’Union parle d’une seule voix. Louis Michel s’est prononcé sur cette consultation. Même en France où l’alternance est du domaine du possible, le parti socialiste a la dent très dure pour N’Djaména ces jours-ci.
Ainsi donc, après que moins d’un Tchadien sur trois se soit rendu aux urnes, et qu’il doive affronter des rebelles revigorés, c’est le gouvernement qui le dit, la position diplomatique du locataire du Palais rose est très fragilisée. Or, Mahamat Hissène l’a confirmé, Paris a toujours deux fers au feu.
La Rédaction
NDJAMENA BI-HEBDO N° 951 du 22 au 24 mai 2006