Tribulations d’un N’Djamenois éploré – N’DJAMENA BI-HEBDO N° 952 du 25 au 28 mai 2006

trib Tout cas de décès survenu à N’Djaména est une épreuve difficile à surmonter par les parents pro­ches. Ndjh raconte les tribulations de MD suite au décès de son cadet, un exemple qui met en exer­gue une assistance agissante, sans quoi, les obsèques seront pénibles à organiser.

En perdant un frère des sui­tes de maladie dans l’un des hôpitaux de N’Djaména, MD ne s’imaginait pas qu’il allait vivre ce calvaire.

Quelques semaines durant, le frère de MD a été admis à l’hôpi­tal. En espérant au rétablissement de son cadet, MD s’est endetté, jusqu’au cou. Et c’est complète­ment saigné à blanc que l’irrépa­rable se produit. Comme à l’ac­coutumée, quand un décès sur­vient à l’hôpital, le corps est d’abord acheminé à la maison, nettoyé et éventuellement formolé avant d’être conduit à la morgue. Il faut conserver le corps en atten­dant l’arrivée des parents proches. Dans ce cas, MD aura à débour­ser 10.000 FCFA par jour, pour la conservation du macchabée à la morgue, si d’avance, du formol lui a été administré. Au cas échéant, si le corps est directement trans­féré de la salle d’hospitalisation à la morgue, les services lui revien­dront plus chers. II payera 25.000 FCFA la « nuitée » de son frère à la morgue. C’est-à-dire 10.000 FCFA la conservation, 5000 FCFA de nettoyage à quoi s’ajoutent les deux litres de formol à 10.000 FCFA.

MD se décide de transporter le corps de son cadet à la maison. Après plusieurs coups de fil infruc­tueux, il réussit à joindre un collè­gue possédant un véhicule pick­up. Celui-ci accepte de l’aider. Sans cela, il allait être obligé de louer un véhicule. Or, MD et son cadet défunt habitent une maison en location. A la vue du cadavre, le propriétaire lui ferme la porte au nez. Que faire avec un maccha­bée entre les bras? Pour solution, il faut recourir aux parents. Enfin un oncle paternel offre sa cour pour l’organisation des obsèques.

Entre nettoyer le corps et le dé­poser à la morgue, il faut songer à un communiqué radio annonçant le décès aux parents proches et lointains, aux amis, etc. Dans ce communiqué, certains parents exigent que tous les noms des membres de la famille y figurent, pour ne pas mécontenter ceux qui seront omis. Personne ne doit être oublié. Or, de la longueur du com­muniqué dépend le coût de sa diffusion. MD assiste muet à la rédaction du communiqué, qui a tout l’air d’une page d’un livre. A la radio, MD se mord le doigt face à la facture salée de la régie. Le communiqué est diffusé en deux langues, donc les frais multipliés par deux.

Retour à la maison. MD doit déposer le corps à la morgue. Non sans peine; le véhicule du collègue manque du carburant. Il achète dix litres d’essence pour la circonstance. Sa poche en prend encore un coup.

Après la morgue, la fabrication d’un cercueil s’impose; le creu­sage de la tombe également. Mais après concertation, on se résout à envoyer le lendemain matin des jeunes fossoyeurs à Ngonn-ba. Entre-temps, il faut assurer l’inten­dance qui leur permettra de par­faire la tombe. L’urgence pour le moment est de trouver un cercueil. MD et son oncle font recours à d’autres parents qui s’y connais­sent en bois. Et cela ne se pas­sera pas gratuitement. Les char­pentiers exigent l’argent pour l’achat du matériel et leur main d’oeuvre. Assis à côté, un autre parent d’un certain âge, sans mettre la main à la poche, n’ad­met pas qu’on parle d’un cercueil en bois blanc. « Ils ne l’ont pas en­terré » le rejoindront deux femmes parmi les autres en sanglot, à la vue des planches en bois blanc transportées dans un porte-tout pour la fabrique du cercueil.

En attendant de sortir le corps de la morgue, ceux qui veuillent à la place mortuaire doivent manger. Aux frais de la famille affligée. A cette occasion, les femmes sur­tout, confondent compassion et estomac. Elles n’hésitent pas à critiquer, en cas de non observa­tion tout autour d’elles des têtes de moutons ou de boeufs, prêts à passer dans la casserole. Pour une famille sans ressource, ces tribulations causent plus de cha­grin que la disparition du regretté.

Le jour de l’inhumation, les fos­soyeurs sont servis au cimetière: C’est après l’enterrement qu’ils seront ramenés à la maison – parfois on les oublie -, ce qui n’est pas normal, mais certains exigent de vendre leur service. Cette tra­casserie n’est pas ressentie au cimetière de Lamadji où l’inhu­mation se fait sans cercueil, en­core que ce cimetière dispose de six fossoyeurs payés par la mai­rie, qui offrent gratuitement leur service. Là ne s’arrêtent pas les tribulations des familles éplorées. L’accompagnement du défunt à sa dernière demeure est une autre épreuve à endurer. Des deux cor­billards poussifs dont disposent la mairie et un particulier, il faut avoir la chance de tomber sur l’un d’eux en marche. Ainsi, pour contourner cette difficulté, les N’Djaménois op­tent de plus en plus pour les véhi­cules pick-up. Mais l’autre difficulté, c’est qu’il faut prévoir des minibus aux femmes, qui exigent d’accom­pagner le corps au cimetière. Cette pratique n’existe pas dans la com­munauté musulmane. Tout compte fait, le décès d’un parent à N’Djaména est une véritable épreuve à laquelle sont soumises les familles du défunt. Et comme si cela ne suffisait pas, après trois ou quatre jours d’endurance des caprices des uns et des autres, la famille éprouvée doit encore se préparer à rapatrier les parents qui ont accouru du village pour pré­senter les condoléances. Le com­muniqué radio a fait ses effets, mais il y a lieu de dire que c’est grâce à une certaine assistance que les N’Djaménois organisent les obsèques. Sans quoi, il sera difficile d’inhumer un mort.

Djéndoroum Mbaïninga
N’DJAMENA BI-HEBDO N° 952 du 25 au 28 mai 2006

Des macchabées qui pourrissent

Une odeur pestilentielle vous frappe à l’approche de la cour de la morgue de l’hôpital gé­néral de référence nationale (Hgrn). A la réception, cette odeur s’accentue et parfume tous ceux qui cherchent à y conserver l’un des leurs avant sa mise en bière. Signe cer­tain d’un manque d’égard ac­cordé à ce service tant sollicité. La puanteur de la morgue donne du dégoût à y conserver un macchabée.

Il y a à peine deux ans, Ndjh no­tait dans ses colonnes que cer­tains N’Djaménois rechignaient à envoyer les cadavres à la mor­gue. Faute de moyens ou par habitude, ils ont délaissé les deux morgues: celle de l’hôpi­tal général de référence nationale et de l’hôpital la Liberté. Face à une forte demande de conserva­tion, ces deux morgues ne peu­vent plus offrir de place à leurs clients. C’est le plus chanceux des cadavres, qui peut y avoir ac­cès…, et en plus, dans des con­ditions d’accueil déplorables. La capacité d’accueil de ces mor­gues ne dépasse guère 12 pla­ces. Les victimes des affronte­ments du 13 avril dernier ont été jetées à même le sol, faute de place. Bien plus, le système froid n’y fonctionne pas, faute soit d’entretien ou d’électricité. La conséquence, la plupart des macchabées qui en sortent en­trent en décomposition. Cela ne gêne personne.

Djéndoroum Mbaïninga
N’DJAMENA BI-HEBDO N° 952 du 25 au 28 mai 2006


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