"Idriss Déby s’en ira" – N’DJAMENA BI-HEBDO N° 952 du 25 au 28 mai 2006
Le président de l’Urd, Wadal Abdelkader Kamougué, fait le bilan de 14 ans de présence de son parti sur la scène politique. Il demande aussi que les bases de gestion de la République soient revues pour arriver à réhabiliter l’Etat que Déby a effrité.
Nos quatorze années à la tête de l’Union pour le renouveau et la démocratie ont été des années d’apprentissage de la démocratie parce que le multipartisme était nouveau suite à l’initiative de la Baule. Nous avons donc créé des partis que nous avons essayé d’implanter à travers le pays. Je ne peux pas dire, en ce qui nous concerne, que cela a été difficile relativement à ma personne. J’ai eu à gérer la zone méridionale à un moment et beaucoup des gens sont venus dans le parti parce que c’est Kamougué. L’implantation dans la zone méridionale n’a pas été pour nous un problème.Sauf qu’aujourd’hui les gens nous combattent, mais c’est autre chose. Par contre dans la zone septentrionale nous avons eu beaucoup de difficultés à nous implanter dans le Guéra et le Ouaddai à cause de l’obstruction que le Mps fait aux autres partis. Les autorités administratives et militaires entrent dans ce jeu qui est anti démocratique. Néanmoins nous avons quelques structures mais nous n’en sommes pas satisfaits. Il faut qu’on nous laisse la possibilité de nous implanter où on veut.
En quatorze ans, quel est votre plus beau souvenir?
Ah! la présidentielle de 1996. Nous avons damé le pion à tout le monde mais on a manipulé les chiffres en faveur de Déby
Le lion du sud a-t-il perdu ses crocs?
J’ai pris de l’âge, c’est vrai, mais je suis encore solide. Je suis encore en mesure de diriger une troupe.
Et ce débat pour le renouvellement de la classe politique?
On ne renouvelle pas la classe politique à coups de décrets. Le renouvellement la classe politique est le fait des jeunes qui s’organisent et bousculent au sein des partis. Or je ne vois pas cela dans les partis aujourd’hui. Les jeunes préfèrent la société civile où c’est moins difficile. La classe politique se renouvelle au sein des partis, mais pas dans la société civile. Cela peut être un raccourci mais l’idéal, c’est le combat au sein d’un parti.
Il n’y a plus d’émulation et on a l’impression de faire du sur place…
Le problème aujourd’hui c’est que l’Etat n’existe plus. Les institutions ne fonctionnent plus. On ne peut compter sur aucune d’elles pour entrer dans ses droits ou se protéger quand on est agressé. Le Tchad mérite qu’on le réhabilite. Il faut des gens capables de conduire les affaires de ce pays.
Mais Déby est là et continue de gérer la République…
C’est un type qui avait toutes les chances, malheureusement il n’a pas su les saisir. Vous me dites que malgré tout il est là. C’est vrai, mais c’est parce qu’il a toujours trouvé des courtisans parmi les sudistes. On écoute ce qu’ils s’en vont raconter au Sud. Mais ce qui me réconforte, c’est que ce sont des paroles en l’air. La population est suffisamment mature.
Oui, mais il demeure président de la République?
C’est pour çà qu’il n’a pas voulu mettre en place une armée nationale. Il a désarmé tout le monde. Aujourd’hui, ceux qui ont des armes ne sont que ses parents. Il a mis en place des milices armées à son entière dévotion. Aujourd’hui, même les militaires professionnels ne possèdent pas d’armes. Dans ces conditions que peuvent faire les partis politiques qui veulent l’alternance par les urnes? Nous nous sommes aperçu que la fraude devient de plus en plus scientifique. On n’obtiendra jamais une alternance dans ce pays.
Mais il y a eu élection le 3 mai et le président est réélu?
Il n’y a pas eu élection le 3 mai. C’est de la plaisanterie. D’ailleurs il s’en ira.
Quand?
Je ne sais pas, mais les éléments perceptibles par l’homme politique que je suis permettent de dire qu’il s’en ira.
Comment? Il vient d’être réélu.
D’une manière ou d’une autre, mais je ne peux pas le savoir:
L’opposition politique attend que les rebelles fassent tomber Déby?
Pas du tout. Au niveau de la Cpdc nous continuerons notre lutte jusqu’à le renverser, soit que d’autres règlent le problème à notre place. Mais il faut qu’on se rencontre pour ne plus prendre du faux pour continuer.
Mais si les rebelles arrivent et s’imposent par les armes?
Non, cette fois-ci les choses ne seront plus comme avant. Nous avons rencontré la communauté internationale à qui nous avons dit beaucoup de choses.
Mais la communauté internationale a pris acte de la réélection de Déby. Les Etats Unis se préparent à vous aider à discuter mais pour les législatives?
La communauté internationale a souhaité que le 3 mai n’ait pas lieu. Déby a persisté et vous me parlez de législatives. C’est dans une année et d’ici là beaucoup de choses vont se passer. Ce que nous demandons, c’est refaire l’autopsie du Tchad. Nous parlons de dialogue, la société civile demande le forum, c’est la même chose. Il faut créer les bases d’une vraie nation. Pour qu’il ne soit plus question de Sudistes maintenus prisonniers au Bet, que des gens ne soient plus lapidés à Abéché quand ils y vont pour battre campagne. II faut que les Tchadiens se sentent chez eux sur toute l’étendue du territoire. Vous voulez qu’on continue avec les scores ridicules? La première place au monde en matière de corruption?
Interview réalisée par Madjisra Nako
N’DJAMENA BI-HEBDO N° 952 du 25 au 28 mai 2006