HH: juristes et politiques sont interpellés – N’DJAMENA BI-HEBDO N° 952 du 25 au 28 mai 2006

Le Sénégal s’est débiné honteusement, en refilant la patate chaude à l’Union africaine. Mais ce faisant, il ouvre une véritable boite à pandore. En effet, les chefs d’Etat ont confié le dossier à un co­mité d’experts pour leur faire des propositions sur la meilleure manière de résoudre cet épineux et embarrassant problème.

En choisissant ce procédé, les chefs d’Etat n’entendent pas porter seuls la res­ponsabilité de décider comment et où juger Hissène Habré. Ils optent de renvoyer les juristes africains à leur responsabilité. Il n’est un secret pour personne que les juristes africains sont parmi les cadres qui ont le plus contribué en tout cas, au-delà de toute espérance des futurs dictateurs, d’abord à produire les différents textes qui avaient instauré les régimes d’exception qu’a connus l’Afrique. Par la suite, leur science a été amplement sollicitée pour consolider les pouvoirs en place. Certains responsables actuels comme Paul Biya et autre Edem Kodjo comptent parmi ceux-là. Le Tchad ne fait pas exception. Il s’agit donc aujourd’hui pour eux de faire face à leur res­ponsabilité devant l’histoire et devant les peuples africains. Ils ont souvent manqué à leur devoir d’en­gagement en tant qu’intellectuels. Ils sont interpel­lés et il leur est demandé de trouver les arguties juridiques, comme ils en ont bien l’habitude, pour qu’enfin justice soit rendue aux victimes.

Quant aux chefs d’Etat, qu’ils ne croient pas s’en sortir à si bon compte. La décision de massacrer, de violer ou de torturer a été prise pour des motifs ou des visées politiques. Les exécutants n’ont accompli leurs forfaits que parce qu’ils étaient convaincus que l’autorité politique couvrait ces actes. Il est dif­ficile de penser que la plupart des chefs d’Etat afri­cains, dont certains sont encore en poste, ignoraient ce qui se passait au Tchad sous le règne de HH. Qu’avaient-ils fait pour empêcher que cela ne se produise? Ce n’est pas par pure invention que l’on a parlé de syndicat de chefs d’Etat. La roue de l’his­toire tourne: Charles Taylor sera jugé pour les mê­mes crimes que ceux reprochés à HH. Il ne peut donc y avoir deux poids deux mesures. Le jugement de HH sera une véritable preuve que quelque chose a changé en Afrique. En effet, en choisissant d’envoyer HH devant ses juges, les chefs d’Etat africains indi­queront clairement que le règne de la complicité est révolu et que désormais, le langage de la vérité pren­dra le dessus sur la flagornerie et la connivence. Le jugement de HH sera l’occasion d’un profond exa­men de conscience salutaire pour tous et consacrera la fin du règne de l’impunité. La renaissance afri­caine que l’Union africaine appelle de tous ses voeux est à ce prix. En résumé, l’affaire est d’abord politi­que avant d’être un cas juridique.

La Rédaction
N’DJAMENA BI-HEBDO N° 952 du 25 au 28 mai 2006


Commentaires sur facebook