Putsch raté du 14 mars — La baraka…Epervier — (Suite)

Barara La tentative de coup d’Etat contre le président Déby Itno dont l’avion devait être abattu à son retour de Bata le 14 mars dernier a échoué in extremis parce que les éléments français de l’opération Epervier lui ont assuré la protection de Paris.

Une fois de plus, le pouvoir d’Idriss Déby Itno a failli basculer dans les mains de ses anciens parents entrés en dissidence depuis octobre dernier par des vagues de désertions continues. N’eût été une baraka venue de la chancellerie et de la force française prépositionnée à N’Djamena, les événements se seraient précipités ce mardi 14 mars 2006 où des éléments de l’escadron blindé d’Am-sinéné, sous la conduite du colonel Bokhit Ramadan, mijotaient de faire exploser son avion à l’aéroport Hassan Djamouss, à son retour de Bata (Guinée Equatoriale) où il avait pris part au dernier sommet des chefs d’Etat de la Cémac. Considéré comme l’un des derniers du carré des fidèles d’IDI, le colonel Bokkit Ramadan qui semble, de loin, l’exécuteur de cette action, avait l’intention au départ d’organiser une importante désertion des éléments des escadrons blindés et légers d’Am-Sinéné à l’absence du maître des lieux. Mais une forte incompréhension entre les différents acteurs de la conspiration a dû faire changer au colonel Bokhit le schéma en accord avec des tireurs de ficelles du SCUD retranchés à la frontière soudanaise, disent les sources qui le soutiennent. Une partie des éléments d’Am-Sinéné auraient conseillé à Bokhit de la retenue et d’attendre que les choses se gâtent sérieusement et atteignent le point de non retour avant une telle option. Le colonel Eggrey Mahamat, pourtant cité parmi les complices puis arrêté, serait de ceux-ci. Devant le refus obstiné mais clément du camp de la retenue, le colonel Bockit et ses partisans qui n’avaient plus le temps de tergiverser décident alors de changer d’option, prenant celle d’aller cueillir, par le feu, le président Idriss Déby Itno à son arrivée à l’aéroport prévue dans la soirée. Ils mettent ainsi en branle leurs éléments, des mouvements de combattants commencent alors tout doucement dans le secteur nord de la ville. Pendant ce temps, les fonctionnaires et autres travailleurs qui ne soupçonnent rien, finissent le boulot et rentrent tranquillement vers les quartiers populaires pour vider le quartier administratif, théâtre annoncé d’un putsch avorté en route. Car les éléments français de la base Adji Kosseï, intrigués par des va-et-vient perceptibles entre Am-Sinéné et N’Djamena, alertent leur chancellerie qui donne l’ordre de quadriller mais discrètement le secteur de l’aéroport avant de sonner à son tour l’alerte au président Déby joint directement à Bata. L’urgence de la situation amène ce dernier à renoncer au banquet offert, en début de soirée, par le président Obiang Nguéma à ses pairs de la Cémac et quitte Bata à bord de l’avion du président congolais Denis Sassou Nguesso, et non gabonais comme indiqué par certaines sources. IDI et un nombre restreint de ceux qui l’ accompagnaient (car le gros de la troupe y compris l’égérie Hynda Déby Itno, était rentrée après) arrivent vers 20 heures à l’aéroport Hassan Djamouss où ils sont accueillis par un officiel de la chancellerie française dont nous taisons le nom et les éléments de l’opération Epervier qui les conduisent à la base Adji Kosséi, refuge sous haute protection de près de trois heures d’IDI qui ne revient au Palais Rose que après 21 heures, heure à laquelle il était censé rentrer officiellement de Bata. Entre-temps, à la faveur du crépuscule, des éléments Eperviers étaient détachés sur des points sensibles allant de la zone de l’aéroport au Palais Rose en passant par l’ancienne présidence de Hissein Habré. Ils ne quitteront les lieux que vers 1 heure du matin après que le président Déby Itno, rentré au palais vers 23 heures, ait retrouvé un peu ses esprits. Les putschistes qui, eux, empêchés pour la plupart de se pré positionner à l’aéroport où ils attendraient leur cible pour 21 heures, paniqués par la mise en échec de leur plan par les éléments français, prendront alors la poudre d’escampette. Direction, l’est et sans doute la frontière soudanaise où ils seront bien accueillis par leurs parents du Scud qui ont nié toute implication dans une action qui n’était pas aussi un putsch mais une tentative de désertion massive. Ceci, par la voix de Tom Erdimi dont on connaissait déjà les accointances avec les déserteurs du Scud, interrogé depuis son exil de Houston par nos confrères de la Voix de l’Amérique et de BBC.

Les N’Djaménois qui n’auront pratique¬ment rien soupçonné, ne s’ interrogeront sur la situation que le lendemain, mercredi, au constat du bouclage des axes d’accès et de sortie de la ville et de la coupure des réseaux de téléphonie mobile. Dans l’après-midi du mercredi 15 mars 2006, le gouvernement, par la voix du ministre de la Communication, Hourmadji Moussa Doumngor, confirme alors la thèse du complot et accuse les frères jumeaux Erdimi, « l’ex-général» Séby Aguid, Abakar Tolli, le général en retraite Adoum Togoï et Moctar Mehédi d’être les commanditaires à distance du putsch. Les colonels Eggrey Mahamat, Abdéraman Djiddo, Bokhit Ramadan, le lieutenant-colonel Ali Bokor, le capitaine Haroun Abakar et les commandants Ali Anour et Ousmane Kessou Djongos, seront accusés, eux, de complices et exécuteurs du coup d’Etat. Les rescapés auront fui « à bord de 7 véhicules dont deux interceptés et les occupants neutralisés », indiquera le gouvernement qui a mentionné le colonel Eggrey Mahamat et le commandant Ali Anour au nombre des quelques éléments faits prisonniers. Ces derniers, faisant plutôt partie de ceux qui refusaient de suivre Bockit et Cie dans leur conspiration, ont été, en réalité arrêtés le mercredi, jour où le président Déby Itno a fait une descente personnelle dans la caserne d’Am-Sinéné, indiquent aujourd’hui certaines sources bien renseignées. Pour n’avoir pas neutralisé Bokhit et les autres à l’égard desquels ils étaient cléments parce que parents, préférant tout simplement se désolidariser de leur action ils ont été considérés comme complices et mis ainsi aux arrêts. On craindrait par ailleurs pour leur vie car certains auraient même déjà été passés par les armes sans aucune forme de procès pourtant promis par le gouvernement dans son adresse à l’opinion publique nationale et internationale. « Une enquête est ouverte pour déterminer les tenants et les aboutissants de cette tentative, en déceler tous les auteurs et complices en vue d’une poursuite judiciaire pour que ces auteurs et leurs complices puissent répondre de leur acte de déstabilisation des institutions de la République », affirmait le porte parole du gouvernement.

Sur la lancée, des mandats d’arrêts internationaux ont été aussi lancés à l’encontre des commanditaires extérieurs accusés et cités plus haut a ajouté le porte-parole du gouvernement qui a fait part de l’espoir du Tchad de bénéficier de la coopération des pays où se sont réfugiés ces derniers. Ceci, « en les remettant à la disposition de la justice tchadienne pour qu’ils répondent de leurs actes conformément aux con ventions et traités internationaux en matière de coopération judiciaire. entre Etats », a-t-il souligné. Demande à laquelle il n’est pas sûr que ces pays accèdent. Encore que la diligence qui semble la caractériser semble aussi de nature à causer quelques entorses à la procédure. Mais là n’est pas le débat, c’est le climat de plus en plus délétère actuellement qui est préoccupant. Ce, d’autant plus que la situation reste incertaine et que rit ne dit que la prochaine fois la baraka. . . française agira encore.

Maxwell N, Loalngar,
LE TEMPS N° 471 22.03.06


Commentaires sur facebook