Mot d’ordre du boycott: la moisson est bonne – LE TEMPS N° 477 du 3 au 9 mai 2006
MALGRÉ LES moyens colossaux et autres stratagèmes mis en œuvre par les partisans du pouvoir pour séduire la population afin de l’amener à sortir voter le 3 mai 06 celle-ci a observé à la lettre le mot d’ordre de boycott lancé par l’opposition et la société civile. Elle a préféré rester chez elle. Cette fois-ci elle ne veut pas se faire gruger par les affidés du régime.
Tous les arrondissements de la capitale n’ont pas enregistré du monde comme lors des précédents scrutins. C’est un désintéressement total que l’on a observé à travers les bureaux de vote. Certaines citoyens interrogées répondent que même s’ils votent cela ne changera rien dans leur vie. L’injustice, l’insécurité, la corruption et le tribalisme se renforceront encore davantage avec ce régime alors autant s’abstenir déclare un enseignant de Diguel. Un tour dans le 3ème, 4ème, 5ème et 9ème arrondissement nous a permis de nous rendre à l’évidence.
Au quartier Naga II situé à l’ancienne gare routière sur les 520 électeurs inscrits, l’on a enregistré 20 votants pour le compte des sédentaires et curieusement les nomades sont plus nombreux. Ils sont 47 à voter. Idem pour Diguel C où sur les 413 inscrits sur la liste électorale, 60 « nomades » ont pu accomplir leur devoir de citoyen pour 30 sédentaires. Même son de cloche à Djari où les membres du bureau de vote sirotent tranquillement leur thé en attendant un hypothétique électeur. Et là-bas sur 410 inscrits 30 ont voté.
Autre fait qui intrigue à ce niveau, il y avait un car de couleur bleue immatriculée 18 A 1854 A transportant plusieurs femmes et enfants faisaient le tour des bureaux de vote pour permettre à ses occupants de voter autant de fois qu’ils veulent. Et cette opération se passe sous l’œil et à la barbe des forces de l’ordre et des soi-disant observateurs qui n’ont même pas bronché. Ils préfèrent laisser ces intouchables frauder comme bon leur semble.
De chagoua à Goudji en passant par Klémat les rues de 30m, 40m, Diguel et Djari, l’ambiance est la même. La population désabusée par les 16 ans de règne de Déby a voulu à travers ce scrutin lui exprimer son ras le bol et son sentiment de rejet du pouvoir clanique.
Les populations de Moundou, Doba et sarh connues pour leur fronde n’ont pas fait dans la dentelle pour infliger une raclée mémorable à certains godillots du MPS. Ces propagandistes du temps nouveau n’ont que les yeux pour pleurer. Ce qui fait dire à un observateur de la scène politique tchadienne que si le président Deby est courageux il pouvait tirer sa révérence comme l’a fait l’ancien Premier ministre français Lionel jospin parce qu’il n’est pas estimé par son peuple.
Ngonka Wague
LE TEMPS N° 477 du 3 au 9 mai 2006