Election du 3 mai 2006: A la rencontre du ridicule – LE TEMPS N° 477 du 3 au 9 mai 2006

CEUX QUI SE sont amusés à observer le vote du 3 mai savent le qualificatif qu’il faut donner à cette opération électorale: c’est ridicule. Les bureaux de vote du 9ème arrondissement de N’djamena que nous avons visités renseignent mieux à cet effet.

Le premier élément ridicule est la faible participation. Après trois heures de vote, vers 10 heures, 10 bureaux de vote des quartiers Walia Goré, Walia Ngoumna ont enregistré en tout 540 votants soit une moyenne par heure de 18 votants par bureau de vote. Appliquée aux 12 heures que durera le vote chaque bureau de vote n’aura fait voter que 216 personnes. Or le découpage donne une fourchette de 400 à 500 inscrits par bureau de vote sans compter les personnes en déplacement. Cela revient à dire en définitive que moins de la moitié des inscrits seulement se sera rendu aux urnes.

Ceux qui espéraient une forte affluence d’électeurs dans l’après-midi ont été déçus lors du dépouillement: sur ses dix bureaux de vote, un seul a atteint les 200 votants (219 au quartier Ngoumna Marba). La plus faible participation a été enregistrée aux bureaux D/B et A/A du même quartier avec respectivement 44 et 34 votants sur 450 inscrits. En somme, 10 bureaux de vote ont fait voter 1112 personnes sur 5000.

Le deuxième est lié aux irrégularités. A Nguéli malgré la fermeture officielle de la frontière Tchad/Cameroun, les populations des deux rives du Chari allaient et venaient comme de rien n’était. A quelques mètres du pont sur le Logone se dresse le bureau de vote 1C/1B. Ce qui tenait lieu d’isoloir est un tissu assez transparent cloué au mur par des pointes. Au moment où l’électeur s’y introduit, tous les membres du bureau peuvent avec précision savoir quel bulletin il a mis dans l’enveloppe. Pire derrière le mur, des jeunes garçons sont embusqués pour surveiller les votants au moment où ils font le choix de leur candidat. Au cas où le bulletin choisi n’est pas celui du MPS, ils se mettent à crier « il n’a pas pris Déby » ! L’autre irrégularité constatée à Nguéli c’est le vote des mineurs. Ils étaient là pour voter autant de fois qu’ils pouvaient. Un président de bureau de vote interrogé à ce sujet avoue son impuissance: « Ici c’est le désordre. Mais je n’y peux rien même les forces de l’ordre sont complices de ce jeu. »

Le fait que dans ce quartier tout le monde est nomade intrigue plus d’un. Les supposés Tchadiens résidant à Kousséri ont-ils traversé le fleuve pour voter comme ils l’ont souhaité la veille du vote? C’est possible. Mais là encore il reste à vérifier si ces derniers sont vraiment Tchadiens? Face à ce désordre, la sous-ceni du 9e arrondissement se résigne: « Je sais que Nguéli est un coin très dangereux. Il est possible que de telles choses peuvent se produire », nous explique un membre de l’institution. »

Le dernier élément ridicule dans cet arrondissement a été constaté dans les bureaux B/B et A/A de Walia Ngoumna. Lors du dépouillement, deux préservatifs ont été trouvés dans les enveloppes en lieu et place des bulletins. Ainsi va la démocratie au Tchad!

Antoine Adoum Goulgué
LE TEMPS N° 477 du 3 au 9 mai 2006


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