Raids rebelles sur les camps des réfugiés -Le Temps N° 479 du 17 au 23 mai 2006

Dans son édition du 17 mai der­nier, la célèbre chaîne câblée américaine, CNN a annoncé que le mouvement re­belle soudanais, MLS mène des opérations d’enrôlement forcé des enfants réfugiés installés dans les camps à l’est du Tchad. Selon Nie Robertson, des enfants âgés d’environ 13 ans sont con­traints de prendre les armes aux côtés des forces rebelles pour combattre au Darfur.

Selon les témoignages rapportés par le journaliste américain, il y a deux mois, environ 100 éléments rebel­les ont fait incursion dans les camps situés à la frontière Tchad­-Soudan. Ils ont opéré le recrute­ment forcé de 4000 enfants soldats. Ceux des enfants qui refu­sent de rejoindre le rang de la ré­bellion sont sauvagement battus. Et ce, au vu et au su des forces de sécurité tchadienne sensées protéger les populations réfu­giées vivant dans les camps. Plu­sieurs raisons expliqueraient l’im­puissance des forces de sécurité à protéger ces personnes vulné­rables : les éléments de sécurité manquent cruellement d’armes et de véhicules pour contrecarrer les incursions menées par des forces rebelles armées jusqu’aux dents. Ce qui a poussé les villageois à prendre en main leur propre dé­fense en utilisant des armes blan­ches telles que les flèches et les arcs pour faire face aux Djandjawids et autres bandits de grands chemins réputés dans les vols des animaux.

Les agences humanitaires onusiennes tout comme les per­sonnes réfugiées sont très in­quiètes des incursions et recru­tement forcé des enfants soldats dans les camps installés dans la partie septentrionale du Tchad. Cette peur n’est pas sans raison car tous redoutent des attaques des Djandjawids contre les camps de réfugiés en représailles à l’enrôlement des enfants soldats dans les rangs des forces rebel­les.

Pour sa part, Minni Arcu Ntinnawi, le leader du Movement 3e Libération du Soudan(MLS) dément les informations selon lesquelles son mouvement utili­serait les camps de réfugiés pour recruter des bras valides pour combattre dans ses rangs au Dar­four. Mais le chef du MLS tient les deux petits mouvements re­belles qui ont refusé de signer l’ac­cord de paix d’Abuja le 5 mai der­nier d’être responsables des raids et recrutement forcé opéré dans les camps de réfugiés.

L’ONU s’oppose à tout recru­tement pour le compte des forces belligérantes Ainsi elle interpelle les réfugiés à ne pas s’engager dans la lutte armée aux côtés des forces rebelles, et au gouverne­ment tchadien qu’il doit empêcher les éléments rebelles de faire des incursions dans les camps de ré­fugiés. Pour mémoire, le conflit Si hier, les populations civiles du Darfour ont peur des milices Djandjawids – appuyées par les forces gouvernementales souda­naises – qui pillaient, brûlaient et violaient tout sur leur passage. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que ces populations ont aussi peur des exactions commi­ses par des forces rebelles du MLS après leur éclatement. Les deux têtes pensantes du MLS, Minni Arcu Minnawi et Abdul Wahid al-Nur sont devenus des ennemis jurés. Le premier est un Zaghawa, une communauté des éleveurs nomades vivant au Sou­dan, Tchad et Libye. Le second est un Fur, une communauté des cultivateurs composant le groupe ethnique dominant du Darfour. Les membres de ces deux com­munautés se sentant marginalisés ont pris des armes contre le ré­gime central de Khartoum en 2003. Ils combattaient côte à côte le pouvoir de Oumar Hassan Al­Bachir et ses redoutables mili­ciens, les Djandjawids. Ils vou­laient une grande autonomie et un substantiel partage du pou­voir et des richesses en faveur des populations démunies du Darfour. Selon Nie Robértson, le parfait partenariat entre les Fur et les Zaghawa se caractérise par le fait les premiers proviennent des tribus majoritaires – mais qui man­quent d’expérience militaire- et les seconds, bien que minoritaires, ont une bonne expérience dans la lutte armée tout comme ils bé­néficient de l’appui financier et militaire fourni par le Tchad qui est aussi dirigé par les Zaghawa. Une subite et vive tension a an­nihilé la parfaite harmonie entre les deux communautés dans leur lutte contre le pouvoir de Khar­toum. Pour cause, les Fur suspec­tent les Zaghawa de vouloir de créer une nation Zaghawa dans le Darfur et dominer les autres tri­bus qui y vivent. Mais selon certains analystes politiques, cette suspi­cion a été créée par le gouverne­ment de Khartoum pour faire vo­ler en éclat la cohésion qui existe entre les différentes composan­tes de la rébellion de l’Ouest Sou­dan.

Malgré l’accord de paix signé récemment à Abuja entre le gouvernement soudanais et la plus importante branche de la rébellion du Darfour, le MLS, beaucoup de gens pensent que la paix n’est pas pour demain dans cette partie occidentale du Soudan, ce, pour plusieurs raisons, entre autres, la lutte fratricide entre les éléments rebelles sur la base tribale, la récurrente violation des accords de paix ou de cesser- le-feu.

Pour mémoire, depuis son éclatement en février 2003, la guerre fratricide du Darfour a causé la mort de plus de 200.000 personnes et plus de deux millions de réfugiés et personnes déplacé à l’intérieur du Soudan et à l’est du Tchad.

Abba Ngolo Moustapla
Le Temps N° 479 du 17 au 23 mai 2006


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