La grève syndicale a du vent en poupe – L’Observateur N°382

La grève générale lancée il y a 3 semaines par la centrale syndicale UST pour revendiquer l’augmenta­tion les 5% de salaire des travailleurs « est bien suivie ». C’est le constat qui a été fait lors de l’Assemblée Générale du 22 juin dernier à la Bourse de Travail. En tout cas, cette grève a bien l’air de s’inscrire dans la durée à cause des atermoiements du gouvernement qui refuse de jouer franc jeu.

Dans ce mouvement de grève, l’UST est rejoint par une dizaine d’autres organisations syndicales affiliées notamment: la FESTASS, le SYN­TASS, le SAAGET, le SADR, la FENET et bien d’autres. Cette Assemblée Générale organisée pour une mise au point et une concertation en vue de la recherche de nou­velles stratégies de lutte, a drainé un grand nombre de travailleurs.

Faisant le point de la situation, Mme Rachel Nathy du comité de suivi de grève, a déclaré que malgré les faux bonds observés dans certains ministères comme celui des Infrastructures, des Impôts et du Pétrole où des stagiaires sont conviés à certaines petites tâches, « la grève de manière générale est jus­qu’à présent bien suivie ».

Pour le président de l’UST M. Barka Michel, l’indifférence du gouvernement face à la gro­gne sociale est incompréhensible et il ne cache pas son indignation: « Dans les pays qui se respectent, le ministre de la Fonction Publique ne peut dormir tranquillement et le Premier Ministre également ne peut être à l’aise lorsque foute l’administration est quasi paralysée. Cette paralysie entraîne des morts d’hommes. Nous sommes en face des gens de plus en plus inhumains ». En effet, la situa­tion dans les centres hospitaliers à l’heure actuelle est dramatique voire tragique malgré le service minimum exigé. La plupart des malades ont déserté ces centres. Selon le témoignage d’un militant venu de province, la situation est durement vécue dans les centres comme Sarh, Kélo et Moundou où les acci­dentés de la route ne pouvant être soignés dans les hôpitaux sont obligés de faire recours au tradi-praticiens et autres guéris­seurs dans les quartiers. Ce militant s’indigne sur le comportement du gouvernement qu’il juge irresponsable car selon lui: « Comment comprendre que le gouvernement qui n’arrive pas à nous verser nos 5%, qui sont un droit, n’hésite pas à demander à ses employés de donner les 50% de leur salaire pour l’organi­sation de la fête du 1er décembre à Kyabé ». Ceci frise l’absurde et sort de toute logique. « C’est bien dommage a fait remarquer, le pré­sident de l’UST, que le pouvoir nous ait pous­sé à l’extrême jusqu’à fermer hermétiquement l’administration ». Au lieu d’aller au dialogue, le gouvernement cherche plutôt à torpiller la grève, par des manoeuvres dilatoires a souli­gné le SG de l’UST François Djondang.

L’attitude du gouvernement est inhumain

En effet, lors de la grève, le Premier Ministre par une note a demandé à tous les départe­ments ministériels de prendre les noms des absents afin d’ôter de leur salaire, les jours non payés. Ensuite, lors de son conseil de ministre de la semaine dernière, le gouverne­ment a décidé unilatéralement, d’octroyer les 5% à partir du lerjuin 2006 et non en janvier 2006 comme l’UST l’avait demandé. « Ces mesures sont illégales le gouvernement entre encore dans l’arbitraire . Parce que notre grève est une grève légale » a souligné le SGA de l’UST. En effet, les 5% ne font pas partie des revendications des travailleurs, mais c’est plutôt une promesse du chef de l’ Etat.

« Les 5%, ce n’est rien du tout » Et au-delà des 5% que réclament les tra­vailleurs il y a d’autres raisons bien valables pour aller en grèves a déclaré François Djondang : notamment en décidant unilatéra­lement le gouvernement n’a pas respecté l’esprit de partenariat et l’engagement pris devant l’UST; II y a aujourd’hui des travailleurs dans certaines localités des provinces qui totalisent 3 à 4 mois d’arriérés ; Au niveau de la Santé, des Affaires Sociales il y a 10% du statuts particulier qui traînent depuis l’an 2000… Toutes ces raisons avancées sont suffisantes pour aller en grève a fait remar­quer François Djondang. « Et les jours de grève ne doivent pas être coupés ». II appelle également ses camarades à être vigilants car à travers les 5% proposés par le gouverne­ment, ce dernier cherche à les divertir. En effet cette augmentation se faisant sur la base indiciaire sera encore frappée par les impôts et autres taxes. Ce qui en fin de compte, loin de résoudre les problèmes risquent de les accentuer. C’est pourquoi François Djondang préfère parler d’une augmentation réelle des salaires. M. Andakeizou président du SYNA­GREF abonde dans le même sens pour dire que; « les 5%, ce n’est rien du tout. Ce qui nous intéresse c’est amener les gens à s’as­seoir à la même table que nous ». II a cité en exemple la Guinée Equatoriale qui est, autant que le Tchad un pays producteur de pétrole, ne connaît pas une telle misère comme chez nous. Là bas, avec une vison politique éclairée, le gouvernement n’a pas hésité à faire appel aux syndicats pour l’aider dans la gestion des revenus pétroliers et trou­ver une solution à une augmentation substan­tielle du salaire des travailleurs et agents de l’Etat. Ce qui a permis à ce petit Etat africain d’hier d’être aujourd’hui parmi les grands de ce continent. Et de s’interroger pour quoi ceci ne pourrait pas se passer chez nous?

Très bien informé de la situation économique du pays, le président de l’UST, demande à ses militants de commencer à réfléchir dès maintenant sur l’augmentation directe de salaire car dans un proche avenir, grâce à la faveur des partenaires du Tchad une pluie de milliards va s’abattre sur le pays. Et d’ajouter « Si nous ne faisons pas attention, nous allons entrer dans cette situation avec le même salaire de misère ». II entend étendre ce mou­vement à tout le monde car c’est avec l’argent des salariés de l’Etat que les commerçants arrivent à faire tourner leurs affaires. En un mot, tout le monde est concerné par cette grève. Nous sommes tous les maillons d’une même chaîne…

Appel à la vigilance

La représentante du SAAGET Mme Jacqueline, elle, appelle ses camarades mili­tants à plus de vigilance et à prendre cons­cience du danger qui les guette tous, car s’ils ne font pas attention ils risquent dans un pro­che avenir de vivre le même calvaire que connaissent aujoud’hui les retraités. Une action active de sensibilisation auprès de leurs camarades et dans leur entourage est nécessaire pour la bonne marche de la grève a-t-elle conclu.

Quant au Secrétaire Général de la fédération des fonctionnaires retraités civils et militaires, il reste attentiste, mais prêt à mettre le pied dans le plat avec la centrale syndicale. « Nous avons récemment adressé un préavis au gou­vernement pour réclamer les arriérés de 2003, 2004 et 2005 et que désormais la paie doit être régulière. Et qu’en cette année nous allons poser le problème des 30 milliards et demi qui remonte à 1993 ».

D’autres militants ont même préconisé d’en­treprendre une marche sur la ville pour attirer l’attention des autorités et faire comprendre à la population qu’il y a une frange de la socié­té qui se bat pour ses droits et une telle indif­férence du pouvoir est incompréhensible. Pour finir le président de l’UST Barka Michel invite tous ses camarades à sensibiliser tout le monde autour de soi sur le bien fondé de la grève et que personne ne doit rester indiffé­rent

Face à ses diverses et multiples revendica­tions la question des 5% n’est en fait que l’ar­bre qui cache la forêt et le bon sens nous obli­ge à reconnaître que les travailleurs ont bien d’autres raisons pour aller en grève et exiger du gouvernement d’être plus conséquents et responsables.

Samory Ngaradoumbé
L’Observateur N°382


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