L’AVCRP lutte contre l’impunité – L’Observateur N° 383 du 5 juillet 2006
L’association des victimes des crimes pour les répressions politiques au Tchad a donné une conférence débat le 29 juin dernier au CEFOD, conférence ayant pour thème la lutte contre l’impunité et le dossier Habré.
Plusieurs personnalités dont la plupart sont des victimes des répressions de l’ex Président dictateur Hissein Habré ont fait le déplacement. La Conférence s’est tenue dans la salle multimédia du CEFOD. Trois orateurs ont tour à tour animé cette conférence. Il s’agit de Me Mahamat Hassane Abakar, juriste Président de la commission d’enquête pour les victimes de Hissein Habré, Dr Zakaria Fadoul Kitir Secrétaire Général de L’AVCRP et Me Padaré Albert, Avocat des victimes. Le premier orateur Me Mahamat Hassane Abakar a donné une approche juridique de la question. Pour lui, il y a déjà 16 ans après la fuite de l’ex dictateur Hissein Habré que les gens ont soif de voir leur dictateur traduit à la justice. Leur attente n’ayant pas eu gain de cause, et comme ils s’y tiennent, le dossier se trouve aujourd’hui en Belgique. Désormais le dossier se trouve entre les mains de l’UA. Et de poursuivre « nous attendons que des solutions concrètes soient sorties de ce dossier ». Pour Mahamat Hassane Abakar, l’UA doit prendre une position correcte pour les victimes et nous souhaitons des bonnes solutions. Le dossier Habré étant renvoyé devant l’UA et cette Institution qui le saisit, est-il vraiment compétent en la matière? L’orateur se pose la question. Surtout que le besoin de juger Habré a été posé depuis fort longtemps lorsque les victimes ont saisi le Sénégal pour le faire. Ce pays ayant signé à la convention contre la torture en 1984 même si le Sénégal ne peut le juger, pourquoi ne pas le renvoyer dans son pays, le Tchad. Il faut reconnaître que le 25 Janvier 2000, lorsque les victimes ont déposé une plainte contre Hissein Habré, ils ont donné de la considération au Sénégal mais malheureusement c’est la déception. Et c’est partant de cette déception que les victimes ont préféré choisir un autre pays pour juger Habré; c’est ainsi que la Belgique a répondu favorablement. Et la Belgique ayant accepté de juger Habré, le Sénégal à son tour refuse son extradition pourtant le Président Abdoulaye Wade avait déclaré qu’il est prêt à extrader Hissein Habré. Maintenant que l’UA a récupéré le dossier qu’en fera-t-il exactement, car l’UA est une organisation régionale, n’est-elle pas une dérogation ? Selon Me Hassane l’UA a commis une erreur et c’est une violation de la convention contre la torture. Quant au Docteur Zakaria Fadoul Kitir, Habré en tant que tortionnaire exécutait presque tous ceux qu’il arrête en brandissant le slogan Hissein Habré est ici, là-bas et partout. La philosophie de Habré se résume là « il est homme à éliminer tous ceux qui ne partagent pas son point de vu ». Mais pour lui, le fait de dire que le Sénégal s’est déclaré incompétent ne veut dire pas que HH est innocent. Le dernier orateur Me Padaré Albert a axé son intervention sur l’impunité par rapport au dossier Habré. Pour lui, les complices doivent être jugés ici même au Tchad. Car il suffisait de mettre un petit moyen à la disposition des juges d’instruction pour leur permettre de faire leur travail mais malheureusement ça n’a pas été le cas. Aux dernières nouvelles, le Sommet de Banjul a décidé que le tortionnaire Hissein Habré soit jugé au Sénégal. Mais Dohkot Abaïfouta Clément, Administrateur de L’AVCRP que nous avons rencontré se trouve satisfait en partie face à cette décision. « Je me dis que par rapport à la décision de Banjul, c’est une satisfaction pour nous victimes et pour tous les militants des droits de l’homme. Parce que pour arriver à cette décision, il a fallu beaucoup de sacrifices. Satisfaction aussi parce que depuis 16 ans, enfin nous sommes situés. Le deuxième sentiment que j’éprouve, est celui de méfiance; méfiance parce que le Sénégal nous a perdu du temps pour rien pendant 7 ans. C’est cette position que nous avons voulue depuis 7 ans et le Sénégal n’aurait pu céder n’eût été les pressions de tous les coins et recoins. Il faut aussi dire que la lecture que je fais de cette situation est que le Sénégal est compris dans son propre jeu, parce que la patate chaude qui était purement une affaire sénégalaise a été confiée à l’UA qui n’avait pas compétence de statuer sur le dossier Habré. Juridiquement, je ne dis pas que c’est un rappel à l’ordre. Le moment est venu pour que le Sénégal sache qu’il doit prendre ses responsabilités par rapport à tous ses engagements. C’est tout cela qui me fait dire qu’au nom de toutes les victimes tchadiennes, je suis en partie satisfait. Maintenant, en tant que victime nous voudrions prendre le Président Idriss Deby Itno au mot, car en écoutant sa déclaration, il se dit prêt à soutenir ou de tout mettre en oeuvre pour que cette décision aboutisse, mais nous avons aussi déposé une plainte au niveau de N’Djaména. Si le président Wade doit respecter les conventions internationales, il faut que notre Président et son Gouvernement tienne aussi parole parce que nous ne sommes que nourris de promesse, qu’on donne l’occasion de dire un jour que le Gouvernement nous a aidé à juger nos bourrots ». Et ça sera justice.
Mborou Talo
L’Observateur N° 383 du 5 juillet 2006