Tchad/France: Déby ne veut pas lâcher Berçot – L’Observateur N° 393 du 11 octobre 2006

Normalement c’est le dimanche prochain, 15 octobre 2006, que l’Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République Française au Tchad, Jean Pierre Berçot, prendra son dernier vol Air France N’Djaména-Paris en tant que représentant de l’ancienne puissance colonisatrice. Pour le remplacer, Jacques Chirac, chef de l’Etat français a pensé à Monsieur Bruno Foucher. Ce dernier a attendu presque trois mois avant d’avoir l’agrément de N’Djaména, c’était le mercredi 4 octobre dernier.

« Il s’appelle Fouché, mais je ne peux pas vous en dire plus. Nous avons cinq Foucher dans le corps du per­sonnel diplomatique au ministère des Affaires Etrangères. Tout ce que je peux vous dire, c’est que ce n’est pas l’Ambassadeur Michel Fouché qui était jusqu’en décembre 2005, ambassadeur de France en Lettonie », concède-t­-on dans l’entourage de l’Ambassadeur Jean Pierre Berçot. La même source met en garde contre « la divulgation de cette information dans la mesure où le Gouvernement tchadien n’a pas encore donné son agrément pour l’accréditation du nouvel ambassadeur ». C’est là où résulte tout le nœud du problème. En effet, malgré que le président de la République, Idriss Déby Itno, ait réussi la prouesse d’expulser un ambassadeur français, du Boispéans, dans la foulée du retrait d’Elf et de Shell du consortium, il est toujours un événement qu’un ambassadeur de la France soit ainsi mis en attente.

Selon des sources très proches du dossier, le chef de l’Etat, Idriss Déby Itno, a mis en branle toute sa force de persuasion auprès de Jacques Chirac afin de l’amener à surseoir au remplace­ment de Jean Pierre Berçot. Cette question aurait été au centre de la plupart des rencontres qu’il a eues à Paris lors de son dernier séjour. Notamment, avec Jacques Chirac, il aurait plai­dé, tout au moins, faute de pouvoir retenir Berçot, pour son retour au Tchad dans 3 ans. Idriss Déby Itno éprouve une certaine sympathie pour son frère d’armes. Sympathie entretenue par les différentes prises de positions de l’ancien officier de l’armée française. Durant son séjour au Tchad, Jean Pierre Berçot est devenu l’allié le plus sûr d’Idriss Déby Itno. Non seulement, il ne se cachait pas pour apporter son soutien à Idriss Déby Itno au point où, il est considéré aujourd’hui comme le proconsul de France, mais il a réussi le tour de force de faire taire l’opposition tchadienne qui a perdu toute confiance aux institutions françaises représentées par Jean Pierre Berçot. Alors que, jusqu’alors, la France a tenu le rôle de dernier rempart pour les opposants à Déby Itno, l’arrivée de Berçot a sonné le glas à cette propension des politiciens tchadiens à trou­ver refuge dans le consulat de la patrie de De Gaulle. Désormais, c’est vers les Etats-Unis que les partis politiques tchadiens se tournent pour se faire entendre par Idriss Déby Itno.

Un diplomate tchadien explique l’arrivée d’u nouvel Ambassadeur de France par: « la nécessité pour la France de redorer son blason auprès des différentes opinions tchadiennes. Vous comprenez que la France ne peut se payer le luxe, dans un pays comme le Tchad, qui est l’un de ses bastions essentiels, avec des enjeux géostratégiques certains, d’avoir un ambassadeur qui ne fait pas l’unanimité. Le fait que la société civile, la presse, et les partis politiques considèrent Berçot comme un adversaire, joue en sa défaveur. La France, à coup sûr, emmènera un homme nouveau, avec un style plus conciliant qui pourra faire renaître la confiance entre la classe politique tchadienne et son ambassade ».

Le personnel de l’Ambassade qui s’inquiétait du fait que « les travaux de rénovation de la résidence et du bureau au goût du nouvel ambassadeur, n’ait pas commencé », pourra retrouver sa sérénité. Son nouvel ambassadeur qui s’occupe déjà de l’Afrique au quais d’Orsay, arrivera dans bientôt. Vamos Béné, Senior Berçot.

Abakar Saleh
L’Observateur N° 393 du 11 octobre 2006


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