La population semble oublier la grippe aviaire: Le poulet revient dans les assiettes à N’D’jaména – Le Progrès N° 1965 du 23 mai 2006
«Je mange la chair de poulet depuis toujours. A la maison comme dans les restaurants, je consomme sans crainte. D’ailleurs, tu me voies en train de manger».
Adam Djouma est un accro de poulet. Il déguste une cuisse de poulet rôti, au restaurant Choix des Jeunes, au quartier Mardjan-Dafack. C’est depuis nos arrières grand-parents que la grippe de poules existe, justifie-t-il. Pour lui, la souche H5N1, qui s’avérerait dangereuse pour la santé de l’Homme, est une pure invention des Blancs. «Ce n’est pas mon problème, cette histoire de grippe aviaires», indique-t-il. Il pousse son plat de poulet fini et tire un deuxième contenant un autre menu. Le poulet revient petit à petit dans les assiettes à N’Djaména.
Quelques mois après l’annonce de la grippe aviaire de souche H5N1 à la porte de N’Djaména, les Tchadiens semblent avoir surmonté leur peur. L’arrivée de la maladie au Cameroun et au Nigeria voisins a suscité la peur de la population, créant une baisse de la demande de la volaille. Le bon dieu a, peut-être, exaucé la prière du ministre de l’Elevage, M. Mahamat Alamine Bourma Tréyé, lui demandant d’épargner le Tchad de cette maladie. Jusque-là, le Tchad l’a échappé belle. Les médias en parlent de moins en moins. La population l’a oubliée. Elle reprend, timidement, à grignoter de volaille. Le prix du poulet au marché repart doucement à la hausse. Il oscille aujourd’hui entre 1250 Fcfa et 2500 Fcfa sur les marchés de la capitale. Au plus fort des rumeurs sur l’épidémie, ce prix avait baissé jusqu’à 500 Fcfa. Issaka Ahmat, commerçant à Démbé, témoigne : «nous n’avions pas le choix. On prenait ce que nos rares clients nous proposaient». Trois a 1000 Fcfa… «L’essentiel pour nous était de tout vendre. C’était vraiment la perte».
Le gérant du restaurant Choix des Jeunes, M. Youssouf Issa, informe que le plat de poulet est demandé, ces derniers temps, mais pas encore comme avant la grippe aviaire. Issaka Ahamat, la cinquantaine est revendeur de poulets au marché de Dembé. D’après lui, « maintenant, les poulets se vendent très bien ici ». Il s’en prend aux « radios FM ». « C’est elles qui nous ont mis dans le problème en annonçant la grippe aviaire à N’Djaména». Pour lui les radios émettant en Fréquence Modulée ont annoncé l’existence de la maladie à N’Djaména sans l’ordre des médecins et des autorités. «Allez-y dire à la population de venir payer les poulets. Dites qu’il n y a rien», prie-t- il. «Ce, qu’ils ont fait n’est pas bien», dit un autre marchand de poulets. D’après les revendeurs de poulets au marché de Dembé, une équipe du ministère de l’Elevage est passé dans les marchés pour les sensibiliser à ne pas importer de la volaille. Les revendeurs de la volaille disent qu’ils paient leurs poulets dans les villages environnants de N’Djaména. Ils affirment que, beaucoup de restaurateurs viennent de la ville camerounaise de Kousseri pour acheter de la volaille de villages tchadiens aux marchés de N’Djaména.
Evariste Romnelem
Le Progrès N° 1965 du 23 mai 2006