A cause d’une portion de terre: Lougoun-Gana attaque Zakora: 5 morts – Le Progrès N° 1965 du 23 mai 2006
Le village de Zakora, situé à quelque 80 kilomètres de la capitale, ne pleure pas seulement ses quatre morts tués lors de l’attaque menée par les habitants de Lougoun-Gana, le dimanche 21 mai 2006. Une vingtaine de cases et autant de greniers sont partis en fumée.
Trois Mousgoums sont tombés sur le champ. Un autre a succombé peu après. Les cases, les greniers et même des vélos sont brûlés. Les Kotokos enregistrent un mort dans leur rang. Plusieurs blessés sont comptés dans les deux côtés. Pour ces actes, 48 personnes sont interpellées. N’eut été l’arrivée du renfort des forces de l’ordre conduit par le préfet du Baguirmi, le colonel Youssouf Oumar Bahar, le bilan allait être plus lourd. La furie des Kotokos de Lougoun-Gana contre leurs frères Mousgoums de Zakora, à cause d’une portion de terre que ces derniers refusent de quitter, n’a pas surpris les autorités locales, mais elle les a prises au dépourvu. «J’étais devant la masse des jeunes kotokos en colère, s’acheminant vers Zakora, avec un Coran en main, pour les dissuader de commettre un crime», explique le sous-préfet adjoint de Lougoun, M. Mahamat Sossal. Ce crime, «ignoble et barbare», selon le gouverneur, ne sera pas répété. «Non seulement que les fautifs seront jugés sévèrement, mais toute nouvelle tentative d’attaque sera neutralisée. Nous avons donné des consignes fermes aux forces de l’ordre pour que la loi soit respectée», assure le gouverneur. II est allé, accompagné des autorités locales, présenter ses condoléances aux familles éprouvées Mousgoums et leur donner de quoi assurer les funérailles. A la communauté kotoko, qui a également perdu un de ses membres pendant cette attaque, M. Kedela Younous Hamid a tenu un discours ferme.
«Ce n’est pas seulement aux Mousgoums que vous vous êtes attaqués, mais, vous avez défié l’autorité de l’Etat Et, vous répondrez de vos actes devant la justice». Les Kotokos, les Kabalaye et les Mousgoums vivaient depuis fort longtemps en paix dans la zone de Lougoun, érigée en sous-préfecture depuis quelques années (le premier sous-préfet a été installé en novembre 2003). Les Kotokos, «autochtones», avaient pour principale activité la pêche. Des Mousgoums sont venus s’installer à Zakora, situé à quelque 3 kilomètres de Lougoun-Gana, village habité en majorité, sinon principalement par les Kotokos. Une autorité locale indique que cette installation date de 1987. Cependant, un vieillard Mousgoum approché indique que, lui-même est venu, jeune, dans le village de Zakora. Son fils aîné, âgé aujourd’hui de 36 ans, serait né dans la localité. Depuis cette installation, les deux communautés vivaient en paix et s’adonnaient toutes deux à des activités comme la pêche et la culture de riz. D’après l’autorité locale, depuis quatre mois, les Kotokos ont commencé à réclamer une portion de «leur» terre pour en faire un jardin. Des sources indépendantes informent que cette portion de terre est offerte à une haute autorité du pays par les Kototos. La portion de terre est pratiquement située dans le village Zakora. C’est pourquoi, les Mousgoums refusent de la quitter.
Ce n’est pas parce qu’on a offert «gracieusement» ce terrain à un baron de la capitale qu’on viendra chasser ceux qui l’occupent depuis de décennies, argumente un Mousgoum. L’affaire atterrit devant les autorités locales, qui tenter de trancher. Entre-temps, un groupe de Kotoko part fixer les limites du terrain dans le village Zakora, en creusant des trous. Les Mousgoum font savoir qu’ils ne comptent pas bouger d’un pouce. Quand les Kotokos apprennent ce refus formel, ils décident d’aller régler les compte: Informés, les autorités locales essayent de calmer les esprits afin de régler l’affaire. Peine perdue. Le dimanche à 8 heures, «tout le village Lougoun-gana», d’après une source, prend le chemin de Zakora. Le sous-préfet adjoint, quelques éléments de sécurité et autres bonne volonté tentent, en vain, d’arrêter la marche. «Nous avons supplié, brandi le Coran… », explique un élément de la sécurité. «Il y a eu d’abord de jets de sagaies, de tirs à l’arc, puis une arme Gourloum a retenti». La furie s’arrête avec l’arrivée du renfort.
Béchir Issa Hamidi, Naïm Ahmat Baba
Le Progrès N° 1965 du 23 mai 2006