Le petit frère de Gazonga est décédé: L’artiste Youssouf Saleh s’en est allé – Le Progrès N° 1982 du 15 juin 2006

Il était ce Lamifortain cool, plein d’anec­dotes, jamais en colè­re, toujours prêt à rendre service. Mais, il n’était pas que cela. Youssouf Saleh était artiste… artiste musi­cien comme son gran­de frère Maître Gazonga, avec lequel il a fait toute sa carriè­re musicale, depuis 1976, à la création de l’International Chalal. Artiste comédien, comme un autre de ses grands frères, Guérébaye Adoum Saleh, qui l’a initié au théâtre dans la troupe Daballaye.

Youssouf Saleh, alias Pappa You, était un artiste guitariste comme ses amis Oumar Ladar ou Elvis. Artiste dessina­teur, artiste bricoleur… artiste à tout faire. Car, il a l’art dans le sang. Son père jouait déjà du balafon, sa mère meilleure danseuse, incomparable en son temps. La plupart de ses grands frères, étaient musiciens, comédiens, chanteurs… «Pappa You», ce surnom prononcé en doublant la lettre P, par ses proches, témoigne de la sym­pathie qu’il communique à son entourage. Il n’est plus depuis avant-hier soir, ce compa­gnon jovial. Pappa You était au journal LE PROGRES depuis 1999, comme archi­viste, coursier, pigis­te, dépanneur… quoi encore ? En réalité, rares sont ceux qui savent exactement sa fonction au quoti­dien, tant ses compé­tences sont multiples et sa disponibilité constante quand il se présentait. Il n’était pas journaliste. D’ailleurs, il les raillait et mettait en scène leurs infortunes. Mais, il était avec nous. Il apportait à la rédaction cette convi­vialité qui manque aux journalistes au bord de la dépres­sion, esclaves de l’actualité.

Même s’il est né le 8 juillet 1960, Pappa You n’a pas d’âge. Bien mûr pour être rejeté par les plus âgés, assez cool pour ne pas être accepté par les plus jeunes, l’artiste jouait tous les rôles. Le matin, il venait, un cartable sous les bras, et commençait la journée par ses multiples anecdotes, «Nadoum», commençait-il. Artiste, pour parler en son nom, Pappa You utilisait la troisième personne : «Nadoum». Ce qui explique le rôle effacé qu’il a toujours occupé auprès de son aîné, Maître Gazonga. Il se mettait rarement en avant et toujours fidèle à son grand frère, qu’il accompagnait dans la plupart des tournées.

Jaloux saboteur

Il était avec le maître dans les années 80 à Abidjan, où ils enre­gistrèrent «Fatoumata Koité», «Jaloux saboteur»… Il était la seconde voix sur la quasi-totalité des titres de Gazonga. Quand le maître commence «Haï, gourouss semé», Pappa You complète «Tchok-tchok, Chokhol Chia». Une seule fois Pappa You tenta l’aven­ture en solo. Il enregistra «I Love you…Chalal». Dernièrement, après la mort du grand frère le 1er avril dernier, Pappa a décla­ré à une apparition publique «Maître Gazonga est, certes mort, mais son petit frère que je suis est là pour continuer son oeuvre». La doublure de Gazonga (en plus des cheveux en dread lock et des timbres proches, les deux frères ont une ressemblance physique très marquée) n’a pas eu le temps de remplacer l’aîné sur scène. Rongé par une hépatite avant que la maladie ne soit détectée, l’artiste mettait en scène ses souffrances, à tel point que nous, au journal, ne croyions même pas à ses maladies. Dernièrement, au banquet du MPS après la proclamation des résultats définitifs, Pappa You qu’on attendait à la place de Maître a été remplacé par son complice et ami d’enfance Oumar Ladar. Cette absence a alerté certains sur sa maladie. Il a été conduit aussi à Maroua. Quelques jours après son retour, admis à l’Hôpital Général de Référence Nationale, l’ar­tiste a quitté la scène, laissant cinq enfants derrière. Eternellement…

Béchir Issa Hamidi
Le Progrès N° 1982 du 15 juin 2006


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