Flambée des prix au Tchad : A qui la faute ?

Les prix à la consommation des ménages sont mesurés par un indice qu’on appelle l’indice des prix à la consommation (IPC). Il mesure, entre deux périodes données, la variation du niveau général des prix sur le territoire tchadien.

Dans le contexte des pays pauvres comme le Tchad, l’IPC ne couvre que la capitale car l’institut national de la Statistique ne dispose pas suffisamment de moyens pour assurer la régularité de cette activité sur l’étendue du territoire. On fait donc des hypothèses fortes selon laquelle la nature cosmopolite des habitants de la capitale garantit la représentativité nationale des produits retenus dans le panier de la ménagère à N’djamena. Les prix mesurés sont ceux des biens et des services proposés aux consommateurs sur l’ensemble du territoire mais on exclut les biens d’occasion, les réductions privées, les remises, les bonus. Pour être proche de la vérité des prix et de la cohérence entre prix et quantité, certains produits homogènes en unités non standard sont achetés et pesées dans les laboratoires des INS.

Dans le cas du Tchad, cet indice varie de 266,9 en juillet 2009 à 264,3 en Aout 2010. En termes d’inflations moyenne, il y a une légère baisse des niveaux des prix (-0,06%) sur la période. Voila tout ce que l’indice permet de tirer comme conclusion. Le consommateur aura du mal à confirmer ces chiffres à partir de ce qui sort de la marmite de la maison mais c’est la version officielle et avec cela qu’on engagera des négociations avec les partenaires nationaux, internationaux, les syndicats et le secteur privé.

La réalité vécue par les populations est toute autre. Comme tout indice, des limites existent et notamment les fausses déclarations des commerçants quand il s’agit des produits dont les prix ne sont pas affichés, la complexité du processus de mesure des pesées. Une autre composante non des moindres est la variabilité sur le marché des poids des produits qui peut contraster aux coefficients de pondération à la base de calcul de ces indices. L’apparition des nouveaux produits, la disparition de certains apportent leur lot de difficultés aux travaux remarquables de nos Instituts Nationaux de la Statistique.

Mais au delà de l’aspect quantitatif de l’inflation, le sujet qui m’intéresse est comment réagissent les décideurs politiques, les populations et les commerçants devant ce qu’il convient d’appeler « le syndrome de l’or noir tchadien »

En effet, la vie est invivable au Tchad depuis l’avènement du pétrole en 2003. Il n’y avait pas longtemps qu’avec 50 FCFA, un tchadien peut avoir accès à un verre du the appelé localement « entini milange » et un demi pain. Aujourd’hui, 100 FCFA ne te garantissent même pas la même quantité.

Les parents achetaient des lots de terrain de 1000 m2 avec 1000 FCFA dans le années 60 mais aujourd’hui 15 millions de FCFA ne permettent pas d’avoir accès à un lot de 400 m2 dans un quartier comme Moursal.

Il n’y avait pas longtemps, on achetait des bœufs bien colosses à 15 000 FCFA dans le village pour organiser des fêtes de fin d’année mais aujourd’hui 150 000 FCFA ne permet pas d’avoir un maigre bœuf qui dépasse à peine un mouton arabe. La viande grillée, longtemps faisait la renommée du Tchad à l’extérieur de par sa qualité et sa quantité à moindre cout mais, aujourd’hui bien malin celui qui connaitra le montant d’argent nécessaire pour en acheter et manger à sa faim.

Le sac de petit mil de 50 kg qui se vendait à 10 000 FCFA se vend aujourd’hui à plus de 25 000 FCFA

Un sac de charbon était vendu à 500 FCFA mais aujourd’hui il se vend en cachette à 20 000 FCFA dans les quartiers de N’djamena à cause des mesures de protection de l’environnement prise en 2008 par les autorités publiques. La boite de Nido de 400 g s’achetait à 750 FCFA dans les années 90. Son prix varie aujourd’hui entre 2000 et 2500 Fcfa.

Pendant que les prix flambent de jour en jour, les revenus des consommateurs sont statiques. Les augmentations salariales consenties par le gouvernement ces dernières années constituent une négligeable avancée dans cette bataille contre la vie chère. Le salaire moyen à la fonction publique au Tchad est loin en deca du minimum requis pour se nourrir, se vêtir, se déplacer, se soigner et payer la scolarité de ses dépendants. Que peut on faire avec 100 000 FCFA par mois lorsqu’on a 3 enfants à nourrir avec un minimum d’un sac de mil de 30 000 FCFA par mois et on vit dans une maison louée à 75 000 FCFA située à 1 heure de voiture de bureau requérant au minimum 500 FCFA de transport par jour et donc 15 000 FCFA par mois. Même celui qui ne dépense pas dans l’alcool a seulement une semaine à faire avec un tel salaire. Il cherchera les sous par d’autres moyens pour joindre les deux bouts. Bonjour alors la corruption, l’absentéisme, le détournement, la prostitution, la mendicité.

Où vont les prix ? qui pourra nous donner la borne supérieure limite tant la flambée des prix est vertigineuse ? quelles en sont les causes ?. La population pourra t’elle continuellement supporter la flambée des prix ? Quelle est sera alors la limite du « non franchissable » ?

Point d’être économiste pour défendre les causes spéculatives et monétaires de l’inflation au Tchad. En effet, dans un environnement de marchés imparfaits, les vendeurs, souvent organisés font de surenchères des prix en vue de gagner plus et rapidement. Souvent assurant des situations de monopole, ils sont certains que quelque soit les prix proposés, le consommateur reviendra pour acheter car il n’a pas d’autre solution. Pire, certaines activités commerciales sont exercées exclusivement par une même ethnie et donc celle-ci bénéficiant des prix spéculatifs se fout pas mal des difficultés rencontrées par les autres composantes éthniques. C’est ainsi que les matériaux de construction sont l’apanage des goranes, les transports de bus en commun et la vente de viande l’apanage des zakawas ; les boutiques pour les ventes en petit détail pour les boulalas d’Abéché, la vente des poissons frais pour les femmes kims. Pour sortir de cette confusion, les secteurs de commerce doivent être ouverts à tous les tchadiens, indépendamment de leur ethnie et de leur statut social. Où est le libéralisme prôné officiellement par les autorités ?

Les causes monétaires de l’inflation au Tchad sont aussi évidentes. Depuis, l’entrée du Tchad dans le cercle fermé des producteurs du pétrole, l’argent circule. Le budget de l’Etat qui était de 200 milliards de FCFA dans les années 90 se chiffre à plus de 1000 milliards aujourd’hui. Il faut visiter les nouveaux quartiers de Ndjamena comme gassi, rue 40, patte d’oie, et autre pour voir que le pays de Toumai est un trésor d’argent où les villas poussent comme des champignons. Ce qui est étonnant, ce n’est pas tant la grandeur, ni la qualité de ces ouvrages mais la rapidité avec laquelle, ils sont réalisés. Les tchadiens veulent acquérir tout et rapidement. Les conséquences de cette précipitation sont que les commerçants, avides d’argent font gonfler les prix et ce sont les pauvres qui paient les pots cassés car leurs revenus ne leur permet pas d’acquérir les biens. Une villa individuelle d’un cout de 50 millions peut se faire en moins d’une année dans un contexte où les usagers ne connaissent pars les crédits bancaires. D’où peuvent venir alors ces 50 millions en si peu de temps si ce n’est l’argent facile, provenant des pratiques de corruption ?

Les populations sont les premières victimes de ces pratiques spéculatives des prix. Il leur appartient de s’organiser pour barrer la route à cette mafia. Le tchadien est passif, amorphe. Il a peur de tout, même de son ombre. Il préfère pleurer dans sa chambre et dans l’anonymat que de se battre pour obtenir des solutions à ses problèmes comme cela se fait ailleurs. Quand les coupures d’électricités sont devenues intempestives au Sénégal, les populations se sont organisées et en plus des manifestations, décident de ne plus payer les factures d’électricité. Conséquence est qu’Abdoulaye Wade, le président sénégalais limoge son ministre d’Energie et s’engage à apporter des solutions à la crise énergétique.

Quand Sarkozi veut pousser l’âge à la retraite de 60 à 62 ans et les français qui ne sont pas contents de la mesure sont dans la rue depuis un mois et je puis vous assurer qu’ils finiront par faire reculer les autorités françaises.

L’augmentation des prix des denrées alimentaires de base comme le riz, le sucre et le pain d’une portion minime soit-elle (0,01%) peut être source de manifestation illimitée au Sénégal, en Côte d’Ivoire et autre mais au Tchad le triplement des prix de ces denrée laissera indifférent tout le monde. En 2008, lorsque les populations au Cameroun offraient leurs poitrines aux bales réelles des forces de l’ordre à Douala pour manifester contre la cherté de vie, on est incapable au Tchad de battre nos propres casseroles dans nos propres maisons pour dire qu’on a faim et trop, c’est trop. Ceux qui ont répondu aux appels des partis politiques et société civile dans tout N’djamena peuvent se compter au bout des 10 doigts. Dans nos propres refuges, on a peur des policiers comme si le gouvernement pouvait de manière miraculeuse fournir autant de policiers que nos maisons pour nous contrôler chacun à l’intérieur. Alors, chers compatriotes, qui voulez vous pour résoudre individuellement et collectivement aux difficultés de vie que nous rencontrons quotidiennement, en votre place? Sortons de notre immobilisme et de notre passivité légendaire pour forger notre destin de vivre décemment dans ce bas monde.

L’Etat est le garant du bien être des populations et à ce titre, il doit veiller à travers ses services compétents à endiguer l’inflation. Les services de prix et concurrence au ministère du commerce doivent avoir les moyens de leur mission en vue de lutter efficacement contre la hausse abusive des prix à la consommation des biens et services. Les commerçants spéculatifs doivent être sévèrement sanctionnés et ce n’est pas une action publicitaire d’une journée qui fera reculer ces commerçants têtus. Il faut mettre un système permanent de contrôle de prix. Je suis convaincu qu’avec rigueur, la hausse généralisée des prix sera maitrisée. Il n’est pas question d’imposer des prix aux operateurs économiques car nous sommes dans un système libéral où les prix se forment à la confrontation entre l’offre et la demande mais de mettre des prix maximum au dessus des quels, tout commerçant qui s’aventurait est déclaré fraudeur. Cela est possible car nous avons vu qu’avec l’intervention énergétique de la mairie, les plastiques laidas disparaissent de Ndjamena. Les commerçants et les consommateurs fuient ce produit qui encombre la ville. Cette détermination peut être aussi payante pour le contrôle des prix.

Enfin parmi les causes monétaires, la banque centrale pourrait être un instrument efficace de maîtrise du taux d’inflation. Par le jeu de variation des taux d’intérêts, il peut injecter ou retirer les francs de la circulation et faire à ce que les niveaux de prix correspondent au niveau réel de production des biens et services. Il s’agit en effet, de l’universelle loi de l’offre et de la demande. Si la liquidité sans raisons valables augmente plus que ne le fait la production en volume des biens et services, il apparait un déséquilibre sur le marché car la demande dépasserait l’offre et l’operateur économique augmente le prix du bien face à la pression de la demande.

C’est donc le rôle de la banque centrale de veiller aux risques inflationnistes mais la BEAC n’est pas encore outillé pour faire cet arbitrage. Elle est plus préoccupée par les enrichissements rapides et les querelles politiques et oublie sa mission régalienne. Tout se passe comme si elle est au service d’un groupe d’individus et non de tous les Etats qui l’ont fondée.

En définitive, le consommateur tchadien n’a pas d’amis dans cette transaction économique où seuls les intérêts égoïstes comptent. Il lui appartient de lutter pour que les prix redeviennent normaux.

Voila une petite contribution pour éclairer les consommateurs sur le phénomène de la chevreté de vie.

Tous ceux qui apprécieraient cet article m’envoient leurs observations dans ma boite hongramngaye@yahoo.fr. ce serait une façon pour vous d’encourager l’auteur à poursuivre ses analyses. Le silence indiquerait l’inutilité du papier et pourrait être source de démotivation.

Daniel hongramngaye
BP 69742, Ndjamena Tchad
hongramngaye@yahoo.fr


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