ANDRE LEWIN: Les Africains à l’ONU – Guineeconakry.info

André Lewin, ancien ambassadeur de France (Guinée-Conakry, Inde, Autriche, Sénégal et Gambie), ancien porte parole du Secrétaire général de l’ONU, ancien directeur des Nations Unies et Organisations Internationales au ministère français des Affaires étrangères, président de l’Association française pour les Nations Unies, président du comité de pilotage des manifestations françaises du 60ème anniversaire de l’ONU, membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer et de l’Académie diplomatique africaine, premier vice-président de l’Académie diplomatique internationale [1]

Les pays africains à la Société des Nations

Lorsque après la première guerre mondiale fut fondée la Société des Nations, deux pays africains seulement, le Liberia et l’Union d’Afrique du Sud, en furent membres dès 1920; l’Éthiopie adhéra en 1923 et l’Égypte en 1937, soit quatre pays sur la soixantaine qui constituaient à l’époque la communauté internationale. Les colonies que l’Allemagne vaincue possédait sur le continent (Sud Ouest africain – future Namibie, Cameroun, Togo, Tanganyika, Rwanda-Urundi) ne devinrent pas indépendantes, comme le souhaitaient certains, mais furent confiées par mandat de la SDN (future tutelle de l’ONU) au Royaume Uni, à la Belgique ou à la France; ces puissances coloniales, de même que le Portugal, continuèrent à exercer la souveraineté sur leurs territoires Outre-mer. La Somalie (partie italienne et partie anglaise) fut également mise sous tutelle en 1950.

Le Négus Hailé Sélassié fut le seul chef d’État africain à s’adresser, en un français parfait, à la SDN, dans des circonstances tragiques, le 30 juin 1936 à Genève, pour dénoncer, en vain, l’agression dont son pays était victime de la part de l’Italie mussolinienne.

Quelques années auparavant, en 1930, un président africain, le Liberien Charles King ainsi que son vice-président Yancy furent obligés de démissionner parce qu’une commission d’enquête de la SDN avait établi qu’ils avaient organisé un trafic d’esclaves depuis leur pays vers les plantations de cacao de la Guinée espagnole (devenue après l’indépendance en 1968 Guinée équatoriale), un comble pour un État créé plus d’un siècle auparavant pour et par des esclaves libérés [2].

Quelque 70 années plus tard, l’ONU elle-même parviendra difficilement à imposer au Liberia le départ en exil du président Charles Taylor en 2003, ne jouera aucun rôle dans l’éviction d’autres dirigeants contestés [3], mais contribuera par ses votes et par ses sanctions [4] à mettre fin – mais au bout de quatorze ans seulement, en 1978 – au régime raciste blanc minoritaire de Ian Smith en Rhodésie du Sud-Zimbabwe, puis au début des années 90 à l’apartheid en Afrique du Sud (instauré officiellement en 1948 et supprimé par la constitution de 1996), et à obtenir au terme de 27 années de détention la libération de Nelson Mandela, qui sera élu en 1994 président de la « nation arc-en-ciel ».

L’Organisation des Nations Unies

Au début des Nations Unies en 1945, ces mêmes quatre pays (Afrique du Sud, Égypte, Éthiopie, Liberia) participent à la Conférence de San Francisco et sont donc « membres fondateurs de l’ONU » [5], quatre seulement sur 50 au total, alors qu’aujourd’hui, le groupe africain compte 53 membres sur un total de 191. L’une des premières démarches effectuées par le gouvernement d’un pays accédant à l’indépendance est de demander son admission comme membre de l’ONU et d’installer ensuite une délégation permanente à New York.

Ce sont évidemment la fin des empires coloniaux et celle des régimes de tutelle qui furent la cause de cette remarquable évolution [6], provoquant parallèlement l’intérêt porté par les débats de l’ONU aux questions de décolonisation et de néo-colonialisme, de développement, de souveraineté sur les ressources naturelles nationales, de contrôle des activités des sociétés transnationales (mais elles sont au contraire courtisées aujourd’hui), de lutte contre l’apartheid, d’interdiction des bases étrangères, des mercenaires ou des essais nucléaires (ceux menés par la France au Sahara au début des années 60 furent régulièrement condamnés), etc..

Ces nouvelles indépendances ont fait la force du groupe afro-asiatique puis du mouvement des non alignés et, dans le domaine économique, celle du groupe des 77, et ont incité à la création de nombreux programmes et fonds spécifiques aux problèmes des pays en voie de développement.

Au fil des années, Libye (1955), Maroc, Soudan, Tunisie (1956), Ghana (1957) et Guinée (1958) rejoignent l’ONU, puis en 1960 Cameroun et Togo (deux pays dont la France assumait la tutelle [7]), Bénin (ex-Dahomey), Burkina Faso (ex-Haute Volta), République centrafricaine, Tchad, Congo-Brazzaville, Côte d’Ivoire, Congo ex belge (futur Zaïre ou République démocratique du Congo), Gabon, Madagascar, Mali [8], Niger, Nigeria, Sénégal et Somalie. En 1961 deviendront membres Mauritanie, Sierra Leone, Tanganyika (qui formera en 1964 la Tanzanie avec Zanzibar devenue indépendante en 1963), en 1962 Algérie, Burundi, Ouganda et Rwanda, en 1963 Kenya, en 1964 Malawi et Zambie, en 1965 Gambie, en 1966 Botswana et Lesotho, en 1968 Guinée équatoriale, Maurice et Swaziland, en 1974 Guinée-Bissau, en 1975 Comores, Cap Vert, Mozambique et Sao Tomé et Principe, en 1976 Angola et Seychelles, en 1977 Djibouti, et en 1980 Zimbabwe (ex-Rhodésie du Sud). Au terme d’un long processus qui s’achève en même temps que le régime d’apartheid en Afrique du Sud, la Namibie devient souveraine en 1990 [9]. Enfin, l’Érythrée est admise en 1993, ayant arraché son indépendance à l’Éthiopie, contrairement au principe de la Charte de l’Union africaine selon lequel on ne toucherait pas aux frontières héritées de la colonisation.

L’Afrique du Sud de l’apartheid fut, en octobre 1974, menacée d’exclusion; au Conseil de sécurité, la résolution en ce sens présentée par ses trois membres africains obtint 10 voix, mais le veto des trois pays occidentaux (Etats-Unis, Royaume Uni, France) empêcha son adoption. Quelques jours plus tard, Abdelaziz Bouteflika, président de la session de l’Assemblée générale, décida (avec l’accord d’une large majorité de l’assemblée), de ne plus admettre la délégation mandatée par le gouvernement de Pretoria, sans remettre pour autant en cause son statut d’État membre.

Ce fut évidemment l’année 1960 qui vit l’apogée du mouvement de décolonisation, avec seize adhésions, dont quinze pays francophones, ce qui conforta considérablement la langue française, jusque là très minoritaire et donc fragile face à l’anglais, dont en 1945 Washington avait tenté de faire la seule langue officielle de la nouvelle institution (Belgique, Canada, France, Haïti et Luxembourg étaient les seuls membres francophones – ou partiellement francophones – originaires, que vinrent rejoindre ensuite Maroc, Tunisie puis Guinée).

Avec 53 pays, le groupe africain représente aujourd’hui plus du quart des membres de l’ONU, ce qui – lorsqu’il est uni – lui donne un poids considérable dans les débats et lors des votes [10]. Ceci explique également sa frustration de n’être représenté au Conseil de sécurité que par deux ou trois membres non permanents (cinq sièges à partager tous les deux ans et pour deux années avec le groupe Asie), ainsi que sa revendication d’obtenir en plus deux sièges de membres permanents avec droit de veto dans le cadre d’une vaste réforme du Conseil.

Et puisque nous parlons du Conseil de sécurité, c’est le moment de préciser que dix pays africains n’ont jamais été membres de cet organe (République centrafricaine, Comores, Guinée équatoriale, Érythrée, Lesotho, Malawi, Sao Tomé et Principe, Seychelles, Swaziland et Tchad), alors que l’Égypte l’a été 5 fois, l’Algérie, le Nigeria, la Tunisie et la Zambie 4 fois… Mais c’est le groupe africain qui sélectionne chaque année les candidatures.

Dans toutes les instances ou commissions onusiennes, l’Afrique a évidemment une place proportionnelle à son importance; les pays sont en général proposés par leur groupe régional et les présidences tournent en fonction de ces cinq groupes, ce qui peut conduire à des situations paradoxales; ainsi, lorsque la Commission des droits de l’Homme fut en 2001 présidée par la représentante de la Jamahiriya arabe libyenne, ou que l’Ouganda d’Idi Amin Dada fut en fut élu membre en 1976 alors qu’exceptionnellement, la France n’y fut pas renouvelée; les ONG des droits de l’Homme protestent également contre la présence actuelle dans cette commission du Zimbabwe ou du Soudan. Dans le nouveau Conseil des droits de l’Homme issu de la réforme de 2005, le groupe africain devra veiller à ne faire pour sa participation que des choix indiscutables.

Les chefs d’État africains à l’ONU

Le premier chef d’État africain à s’exprimer à l’Assemblée générale a été le Liberien William Tubman le 29 octobre 1954, année où de son côté le Négus fit une visite à l’ONU mais sans y prononcer de discours. Le président guinéen Sékou Touré, dont le pays avait été admis l’année précédente (la France du général de Gaulle renonça de justesse au veto et s’abstint), vint en 1959 faire un discours enflammé devant l’Assemblée, mais aussi devant ses collègues du RDA (Rassemblement démocratique africain) l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny et le Malgache Philibert Tsiranana, qui siégeaient alors dans la délégation française !

La session de 1960, qui se consacra essentiellement à la décolonisation (et à la crise du Congo ex-belge) connut la participation de plusieurs leaders africains : de nouveau Sékou Touré, le président Kasavubu du Congo (Patrice Lumumba sera présent à l’ONU en juillet, mais pour une simple visite), Kwame Nkrumah du Ghana, Nasser de l’Égypte; puis en 1961, ce furent de nouveau Nkrumah, et le Tunisien Habib Bourguiba, le Tanzanien Julius Nyéréré, le Sierra Leonais Milton Margai, l’abbé Fulbert Youlou du Congo-Brazzaville (pour une simple visite), le Mauritanien Moktar Ould Daddah, le Sénégalais Léopold Sedar Senghor, le Premier ministre nigerian Abubacar Tafawa Balewa, le Soudanais Ibrahim Abboud; en 1962 ce furent encore une fois Sékou Touré (il n’y reviendra pas avant 1982), Sylvanus Olympio du Togo (pour une simple visite [11]), Cyrille Adoula du Congo, l’Algérien Ahmed Ben Bella dont le pays venait d’accéder à l’indépendance, Félix Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire (pour une simple visite). Depuis lors, les leaders africains viennent régulièrement s’exprimer à New York, soit au titre de leur pays, soit encore lorsqu’ils sont présidents en exercice de l’OUA ou de l’Union africaine.

Si l’on examine la fréquence de leurs discours devant l’Assemblée générale, c’est le président Robert Mugabe du Zimbabwe qui bat tous les records, étant venu parler à 23 reprises depuis 1978 (il a donc été entendu avant même l’indépendance de son pays), alors qu’il est ostracisé par une partie de la communauté internationale et exclu du Commonwealth [12]. Sam Nujoma de la Namibie s’est adressé 14 fois à l’Assemblée (dont 8 fois avant l’indépendance, au titre du mouvement de libération nationale SWAPO), le Nigerian Olesegun Obasanjo s’y est exprimé 12 fois, de même qu’Omar Bongo du Gabon, Chissano du Mozambique (Samora Machel 2 fois), et Anerood Jugnauth de Maurice (Seewosegur Ramgoolam 11 fois), Obiang Mbasogo de la Guinée équatoriale 10 fois, le Sud-africain Mbeki 9 fois (et Mandela 6 fois), l’Ougandais Museveni s’est exprimé 8 fois devant l’Assemblée (et Idi Amin Dada une fois, en 1975, en tant que président en exercice de l’OUA), Mokhtar Ould Daddah de la Mauritanie six fois, comme aussi Ravalomanana de Madagascar, Abdoulaye Wade du Sénégal (Senghor deux fois, Abdou Diouf quatre fois), de même qu’Abdelaziz Bouteflika de l’Algérie (qui par ailleurs présida la session de 1974 qui entendit pour la première fois Yasser Arafat et mit à l’écart la délégation gouvernementale sud-africaine, année aussi où le président Houari Boumedienne vint s’exprimer au nom du Mouvement des non alignés, présidée pour trois ans par son pays), le président de la Sierra Leone Kabbah 5 fois, comme aussi le président Yayah Jammeh de la Gambie (et son prédécesseur Jawara 4 fois); le président du Zaïre Mobutu est venu quatre fois (comme l’actuel président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila, dont le père Laurent Désiré Kabila était venu en 2001), Julius Nyerere de Tanzanie, Ahidjo du Cameroun, le Ghanéen Kufuor et le Burkinabe Blaise Compaore (Thomas Sankara est venu une fois, en 1984), ainsi que le président du Rwanda Paul Kagamé (son prédécesseur Habyarimana, dont on sait la fin tragique, venu 3 fois); sont venus trois fois l’Égyptien Moubarak (Sadate une seule fois), Rawlings du Ghana, Tolbert du Liberia et Arap Moi du Kenya…

Certains souverains sont également venus, comme le Négus Hailé Sélassié d’Éthiopie (deux visites et trois discours, dont en 1973, année de la naissance à Abeba Abeba de l’OUA), ou Hassan II du Maroc (deux fois pour une visite, trois fois pour s’exprimer devant l’Assemblée) puis Mohamed VI (à deux reprises), ainsi que le prince héritier de la Libye (en 1962). Le roi Mohamed V s’est lui aussi adressé à l’ONU en 1957. Quant à Jean-Bedel Bokassa, il est venu en 1970, bien avant de se faire couronner empereur.

Mais plusieurs leaders africains ne sont jamais venus à l’ONU (Khadafi, Jomo Kenyatta, Hissein Habré, Agostinho Neto, Mengistu, Charles Taylor, Laurent Gbagbo), ou ne s’y sont jamais exprimé, se contentant de simples visites (Félix Houphouët-Boigny, Philibert Tsiranana, Patrice Lumumba…). Macias Nguema, qui était venu parler devant le comité de décolonisation en 1968, ne retournera jamais à New York après qu’il fut devenu président de la Guinée équatoriale.

Lors de la première réunion au Sommet du Conseil de sécurité tenue en janvier 1992, les pays africains membres étaient représentés par le roi Hassan II (Maroc), le Premier ministre Veiga (Cap Vert) et le ministre Shamuyarira du Zimbabwe (Robert Mugabe n’est pas venu, sans doute parce que c’était le Premier ministre britannique John Major qui présidait la réunion); la réunion suivante, en 2000, vit participer les présidents Sam Nujoma de Namibie et Ben Ali de Tunisie; la troisième, en 2005, les présidents Bouteflika (Algérie), Kerekou (Bénin) et Mkapa (Tanzanie) [13].

Il est également arrivé que des personnalités africaines de la société civile prennent la parole devant l’Assemblée générale : ainsi, la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba au nom de la Guinée en 1975 [14], ou Mgr Desmond Tutu de l’Afrique du Sud en 1984, année de son prix Nobel de la paix.

Les présidents de l’Assemblée générale

Il faut attendre la 16ème session, en 1961, pour qu’un Africain – qui plus est, francophone, car l’arabe n’est pas encore langue officielle – accède à la présidence de l’Assemblée générale; c’est le Tunisien Mongi Slim (représentant permanent puis ministre des affaires étrangères de Tunisie ; son frère Taïeb lui succèdera à New York); puis ce seront des Africains anglophones (le ministre des Affaires étrangères du Ghana Alex Quaison-Sackey en 1964; Angie Brooks, secrétaire d’État aix affaires étrangères du Liberia en 1969 – elle aura été en soixante ans d’existence de l’ONU l’une des deux seules femmes ayant présidé l’Assemblée, après l’Indienne Vijaya Lakshmi Pandit en 1953). La rotation de ce poste entre les cinq groupes régionaux assure désormais au continent africain une présidence tous les cinq ans. En 1974, ce sera Abdelaziz Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères et plus tard président de l’Algérie. Lui succèdent trois Africains anglophones (le Tanzanien Salim Ahmed Salim en 1979, le Zambien Lusaka en 1984, et en 1989 Joseph Garba, du Nigeria). La première présidence d’Afrique noire francophone est celle de l’lvoirien Amara Essy en 1994. Theo Ben Gurirab de la Namibie lui succède en 1999, puis Jean Ping, du Gabon, qui assure en 2004/5 la présidence de la 59ème session.

Les hauts fonctionnaires africains dans le système des Nations Unies

Le continent africain a donné à l’ONU deux secrétaires généraux, l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali (1992-1996) et le Ghanéen Kofi Annan, issu du Secrétariat (1997-2006), qui auront servi pendant quinze ans, le quart de la vie de l’organisation. Mais il faudrait mentionner aussi les candidats qui ont échoué et qui avaient d’éminentes qualités, comme le Tanzanien Salim Ahmed Salim (bloqué en 1981 par le veto américain parce qu’il avait exprimé trop bruyamment sa joie en 1971 lors de l’admission de la Chine populaire, contre l’opinion alors de Washington; il deviendra ensuite secrétaire général de l’OUA), le Sénégalais Mustafa Niasse (talentueux ministre des Affaires étrangères que Pékin découragea parce que Dakar entretenait à l’époque des relations avec Taiwan, et qui fut également à plusieurs reprises envoyé spécial du Secrétaire général), ou encore l’ambassadeur Terence Nsanzé du Burundi, ou le ministre des finances Bernard Chidzero du Zimbabwe (que Washington eut préféré à Boutros-Ghali)…

A l’époque où existait la fonction de directeur général pour le développement et la coopération économique internationale (poste de numéro deux de l’ONU, créé en 1978, remplacé en 1998 par celui de vice secrétaire général), il fut confié en premier au Ghanéen Kenneth Dadzie (de 1978 à 1982); la règle étant que le Directeur général viendrait d’un pays du Sud si le Secrétaire général était du Nord, et inversement, Dadzie, qui avait été nommé par l’Autrichien Waldheim, quitta ses fonctions à l’arrivée du Péruvien Perez de Cuellar au 38ème étage du Secrétariat (il deviendra ultérieurement Secrétaire général de la CNUCED – Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement)..

L’Afrique a également fourni plusieurs directeurs généraux ou secrétaires généraux aux institutions spécialisées de la Famille des Nations Unies: à l’UNESCO le Sénégalais Moktar Mbow, à la FAO (Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture) depuis 1994 le Sénégalais Jacques Diouf, à l’AIEA (Agence internationale de l’Énergie atomique) depuis 1997 l’Égyptien Mohamed El Baradei, à l’OACI (Organisation de l’Aviation civile internationale) l’Algérien Taïeb Chérif, à l’OMM (Organisation météorologique mondiale) le Nigérian Obasi (1984-2003), à l’OMPI (Organisation mondiale de la protection intellectuelle) le Soudanais Kamil Idris, à l’ONUDI (organisation pour le développement industriel) dès ses débuts en 1966 successivement l’Égyptien Ibrahim Abdel Rahman (1967-74), puis l’Algérien Abderahmane Khane (1975-85), et depuis 2006 le Sierra Leonais Kandeh Yumkela, cependant que le Malien Almamy Sylla y passa à des postes des responsabilité une bonne partie de ses 22 années de carrière onusienne. Plusieurs Africains occupent aussi les fonctions de numéro 2 dans certaines de ces institutions, ainsi que des postes des responsabilité; pour ne citer que quelques exemples à l’UNESCO, en dehors de Mahdi Elmandjra déjà nommé, l’historien burkinabe Ki-Zerbo (qui contribua de manière essentielle, aux côtés d’autres historiens réputés comme le Guinéen Djibril Tamsir Niane, à la monumentale « Histoire de l’Afrique » publiée par cette organisation), l’ancien ministre et Premier ministre du Congo-Brazzaville, également écrivain et diplomate Henri Lopes (qui entra à l’UNESCO en 1981), les Sénégalais Doudou Diene (chargé de la route de la soie, ou d’un rapport sur le racisme) ou Pierre Sané (ancien secrétaire général d’Amnesty Internaitonal), et la Guinéenne Aïcha Bah-Diallo…

Mentionnons aussi les chefs de grands programmes, fonds ou instituts de l’ONU, comme les quatre premiers directeurs généraux de l’UNITAR (Institut des Nations Unies pour la Formation et la Recherche), successivement le Sénégalais Gabriel d’Arboussier (1965-67), le Nigerian S. O. Chief Adebo (1968-71), le Sierra Leonais Davidson Nicol (1972-82), le Camerounais Michel Doo-Kingué (1983-92), ou le second directeur exécutif du Programme pour l’environnement l’Égyptien Mustafa Tolba, ou actuellement à la tête du Programme des établissements humains Habitat la Tanzanienne Anna Kajumulo Tibainika…

Bien entendu, les secrétaires exécutifs de la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique (créée en 1958 et installée à Addis Abeba) ont tous été des Africains (Mekki Abbas du Soudan, puis Robert Gardiner du Ghana, Adebayo Adedeji du Nigeria, Issa Diallo de la Guinée, Layashi Yaker de l’Algérie et depuis lors le Ghanéen Ky Amoako). Une pratique non écrite a longtemps été que ce poste serait occupé par un anglophone et celui de secrétaire exécutif de l’OUA par un francophone; appliqué à l’époque de Diallo Telli (guinéen – 1963-1972) et de ses premiers successeurs à l’OUA (les Camerounais Nzo Ekangaki jusqu’en 1974 et William Eteki Mboumoua jusqu’en 1978, le Togolais Edem Kodjo jusqu’en 1983), le principe a été rompu lorsque le Secrétaire général adjoint anglophone Peter Onu a pris la tête du secrétariat de l’OUA de 1983 à 1985, puis, après le mandat du francophone Ide Oumarou, du Niger (1985-1989), le Tanzanien anglophone Salim Ahmed Salim (de 1989 à 2001), auquel succéda, jusqu’à la naissance de l’Union africaine, l’Ivoirien Amara Essy, francophone. Issa Diallo et Layashi Yaker ont été les seuls Secrétaires exécutifs francophones de la CEA, sur six titulaires depuis le début.

L’Afrique a également fourni d’éminents juristes comme juges à la Cour internationale de justice, tels que le Béninois Louis Ignacio Pinto, les Sénégalais Isaac Forster et Keba Mbaye, les Nigerians Charles Onyeama et Taslim Olawale Elis, l’Algérien Mohamed Bedjaoui, le Malgache Raymond Ranjeva, le Sierra Leonais Abdul G. Koroma, les Égyptiens Abdel Pashi Badawi, Abdullah Ali El-Erian et Nabil Elarabi.

L’Afrique a mis longtemps à être convenablement représentée parmi les fonctionnaires du Secrétariat; encore aujourd’hui, trois pays africains font partie des rares États à ne pas être représentés du tout au Secrétariat (Guinée-Bissau, Comores, Sao Tomé et Principe). En revanche, le Kenya et l’Éthiopie figurent, aux côtés de la France, des États Unis, du Royaume Uni et des Philippines, parmi les 6 pays qui comptent plus de 400 ressortissants comme fonctionnaires de l’ONU; ce qui s’explique évidemment par le fait que Nairobi et Addis Abeba abritent le siège de plusieurs institutions onusiennes.

En 1948, sur 979 fonctionnaires de l’ONU, il y a 9 Sud-Africains (blancs, évidemment) et 8 Égyptiens. En 1955, sur 1161 fonctionnaires, on compte 10 Égyptiens et toujours 9 Sud-Africains; le Liberia et la Libye ne comptent aucun fonctionnaire. En 1959, l’Afrique a 35 fonctionnaires sur 1200 au total (15 de la République Arabe Unie-Égypte, 13 Sud-africains, 3 Ghanéens, 1 ressortissant respectivement de l’Éthiopie, du Liberia, du Maroc, du Soudan, ainsi qu’un du Togo et du Sénégal, qui ne sont pas encore membres; la Guinée, la Libye et la Tunisie, pourtant membres, ne sont pas représentés..

En 1963, la situation a commencé à évoluer : l’Afrique compte 117 fonctionnaires (sur 1434), parmi lesquels 3 secrétaires généraux adjoints (sur 19) et 6 directeurs (sur 117). Ces agents sont originaires de 25 pays (mais 9 pays africains ne sont pas encore représentés). La RAU-Égypte compte 21 fonctionnaires, l’Afrique du Sud 14, l’Éthiopie 11, le Ghana 9, le Nigeria 9, le Kenya et le Soudan 6, la Tanzanie 4, la Somalie et le Liberia 2. Très clairement, les pays anglophones se taillent la part du lion, alors que les pays francophones, tout aussi nombreux, fournissent moins de cadres : Togo (6), Tunisie (5), Cameroun et Côte d’Ivoire (3), Algérie, Dahomey (Bénin), Gabon, Mali, Maroc et Sénégal (2). Guinée, Libye, Rwanda, Sierra Leone et Ouganda un fonctionnaire chacun. Le Togolais Macaire Pedanou travaille au cabinet du Secrétaire général U Thant, ainsi que l’Égyptien Ramses Nassif, son porte-parole.

Douze ans plus tard, en 1975, l’Afrique compte 275 fonctionnaires sur un total de 2469, dont 6 secrétaires généraux adjoints ou sous-secrétaires généraux (originaires d’Algérie, du Niger, d’Égypte, du Rwanda, de Somalie et de Tunisie), et 22 directeurs, soit 26 hauts fonctionnaires sur 307. Des Africains dirigent le service du personnel (un Tunisien, Mohamed Gherab [\15]), celui de la coopération technique (un Nigerien, Issoufou Saidou Djermakoye), le protocole (l’Égyptien Ali Teymour), le centre de planification économique et sociale (le Tanzanien Paul Mwaluko) ou travaillent au cabinet du Secrétaire général (un Somalien, Abdulrahim Farah, et un Sierra Leonais, James Jonah, qui l’un et l’autre occuperont ensuite d’autres postes importants au secrétariat). Fournissent les cadres les plus nombreux l’Égypte (27), la Tunisie (16), le Ghana (14, dont un certain Kofi Annan, qui figure depuis 1969 sur les registres et s’occupa longtemps des ressources humaines, du contrôle financier et de la coordination de la sécurité avant de passer aux opérations de maintien de la paix; mais il avait travaillé depuis 1962 à l’OMS, à la CEA à Addis Abeba, à Force d’urgence dans le Sinaï et au HCR), l’Éthiopie, l’Afrique du Sud et le Nigeria (13), l’Algérie, le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie (11), le Maroc (9), le Mali et la Sierra Leone (8)… La République centrafricaine, le Tchad, la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale et la Haute Volta (Burkina Faso), ne comptent alors aucun représentant.

En 1981, les Africains sont 400 (sur 2894), en 1982 439 (sur 2995), en 1983 481 (sur 3077), en 1984 495 (sur 3090). Quatre pays africains restent non représentés (Gabon, Côte d’Ivoire, Djibouti, Sao Tomé et Principe), cinq sous-représentés (par rapport à un nombre théorique établi en fonction de la contribution budgétaire de chaque pays), trente convenablement représentés, et plus de dix sont même sur-représentés. Algérie, Égypte, Nigeria, Somalie, Tunisie, Mali et Sierra Leone comptent des secrétaires généraux adjoints ou des sous secrétaires généraux. Le Nigerian Shuaih Uthman Yolah supervise les Affaires économiques et sociales, le Tunisien Mohamed Essaafi le nouveau centre de secours contre les catastrophes naturelles.

En 1995, l’Afrique compte 822 fonctionnaires sur 4104 au total.

Au fil de mes souvenirs personnels, en dehors des personnalités déjà citées, me viennent les noms de l’Égyptienne Nadia Younes (qui occupa des fonctions de plus en plus importantes dans le domaine de l’information avant de périr tragiquement dans l’attentat contre l’immeuble de l’ONU à Bagdad en août 2003), du Burkinabé Salfo Albert Balima (qui travailla aux côtés d’U Thant, puis au PNUD), de l’Ougandais Charles Katungi (qui deviendra chef du protocole du Programme pour l’Environnement), du Togolais Eugène Adoboli (qui renforça un temps la délégation guinéenne avant de travailler longtemps au PNUD et à la CNUCED avant de devenir Premier ministre de son pays), des Tunisiens Mustafa Tlili (haut fonctionnaire dans les services de l’information, également écrivain reconnu) et Hacen Fodha (directeur du centre d’information des Nations unies à Paris avant de diriger le Bureau régional d’information à Bruxelles), de la Burkinabe Odile Sorgho-Molinier (qui occupa toujours d’éminents postes au PNUD), de la Kenyane Thelma Awori (chef du bureau Afrique du PNUD, remplacée en 1992 par la Liberienne Ellen Johnson Sirleaf, qui a été élue en 2005 première femme chef d’État en Afrique 16; elle est elle-même remplacée par le Togolais Gilbert Fossoun Houngbo), de l’ancien ministre burkinabe Zéphirin Diabré (administrateur adjoint du PNUD), de l’Éthiopienne Aster Zaoude (chargée des questions de la femme au PNUD), du Camerounais Samuel Nana-Sinkam (envoyé spécial en Guinée-Bissau), du Guinéen Justin Morel junior (administrateur communication pour l’UNICEF en RDC)…

Actuellement, les Africains qui occupent les plus hautes fonctions au Secrétariat de l’ONU sont Lakhdar Brahimi (au cabinet du Secrétaire général; ancien ministre des Affaires étrangères d’Algérie, il fut envoyé spécial en Afghanistan et rédigea un remarquable rapport sur la nouvelle problématique des opérations de maintien de la paix), la Nigerienne Aminata Djermakoye (chef du protocole), Ibrahim Gambari (Nigeria) et Tuliameni Kalamoh (Namibie) au département des affaires politiques, Hédi Annabi (Tunisie) au département des opérations de maintien de la paix, cependant qu’oeuvrent comme représentants personnels ou envoyés spéciaux les Sénégalais Ibrahima Fall (région des Grands Lacs, Lituanie, peuples autochtones, décennie contre le racisme) et Cheikh Tidiane Sy puis le général Lamine Cissé (RCA), le Nigerian Ibrahim Gambari et l’Algérien Mohamed Sahnoun (tous deux chargés des questions africaines en général, le premier ayant été aussi envoyé spécial pour l’Angola, le second pour la Somalie puis pour les Grands Lacs), l’universitaire et ancien miistre béninois Albert Tevoedjre (pour la Côte d’Ivoire, mais il a également occupé pendant plus de dix ans d’importantes fonctions à l’OIT, dont il a été directeur général adjoint et candidat au poste de directeur général), l’Ougandais Olara Otunnu (enfants dans les conflits armés), le Botswanais Joseph Legwalla (Érythrée-Éthiopie), l’Ougandaise Rachel Mayanja (promotion de la femme), le Mozambicain Joao Bernardo Honwana (Guinée-Bissau), le Mauritanien Ahmedou Ould Abadallah (Afrique de l’Ouest), le Tanzanien Daudi Ngelautwa Mwakawago (Sierra Leone), ou encore François Lounceny Fall (ancien Premier ministre de Guinée, pour la Somalie).

L’Afrique dans les opérations de maintien de la paix

Sur les 60 opérations de maintien ou de rétablissement de la paix mises en oeuvre par l’ONU, 22 ont été provoquées par des crises en Afrique. Si certaines opérations sont terminées depuis longtemps (Congo de 1960 à 1964, Mozambique, Angola, Somalie, Rwanda), il a été mis fin récemment à l’opération en Sierra Leone (établie en 1991), en Guinée-Bissau (créée en 1998), en République centrafricaine (créée en 1999) ou au Burundi (créée en 2004), et il subsiste les opérations au Sahara Occidental (MINURSO, créée en 1991), la République démocratique du Congo (MONUC, créée en 1999), l’Érythrée-Éthiopie (UNMEE, créée en 2000), le Liberia (UNMIL créée en 2003, en complément d’une opérations créée en 1997), la Côte d’Ivoire (ONUCI, créée en 2004), et le Darfour au Soudan (UNMIS, créée en 2005). Pour plusieurs de ces opérations, qui combinent contrôle militaire, aide humanitaire et remise en marche politique et administrative, des organisations régionales (Union africaine, CEDEAO) ou des médiations locales (Afrique du Sud, notamment) viennent en renfort et en complément de l’action de l’ONU. A New York, le département des opérations de maintien de la paix compte d’ailleurs plusieurs conseillers civils et militaires africains de haut niveau, comme le général sénégalais Elhadji Mouhamadou KANDJI.

Plusieurs pays africains sont soumis à un régime de sanctions établies par le Conseil de sécurité (Somalie depuis 1992, Rwanda depuis 1994, Sierra Leone depuis 1997, Liberia depuis 2001, République démocratique du Congo depuis 2003, Côte d’Ivoire et Soudan depuis 2004). Il s’agit en général d’embargos sur les armes, parfois sur le commerce des diamants et du bois, d’interdiction de voyager et de gel des avoirs financiers pour les dirigeants qui mettent obstacle au processus de paix, parfois de menaces de mise en jugement devant des Tribunaux pénaux mis en place spécifiquement pour le Rwanda ou la Sierra Leone, ou plus généralement la Cour pénale internationale créée en 1998 et installée à La Haye. Les régimes de sanctions naguère édictés à l’encontre de la Rhodésie, de l’Afrique du Sud et de la Libye ont été levés.

Plusieurs pays africains ont mis des contingents militaires, des policiers ou des spécialistes civils à la disposition d’opérations se déroulant, soit en Afrique, soit ailleurs dans le monde. Pour les opérations actuellement en cours, il s’agit des pays suivants : Afrique du Sud (MONUC, UNMEE), Algérie (MONUC, UNMEE), Bénin (MONUC, ONUCI, Haiti), Burkina Faso (MONUC, ONUCI, Haiti), Cameroun (Kosovo, MONUC, ONUCI, Haiti), Côte d’Ivoire (MONUC), Djibouti (ONUCI), Égypte (MINURSO, Kosovo, MONUC, Haiti, Soudan), Gambie (MINURSO, UNMEE, ONUCI), Ghana (FINUL au Liban, MINURSO, Kosovo, MONUC, UNMEE, ONUCI, Haiti), Guinée (MINURSO, MONUC, ONUCI, Haiti), Kenya (MINURSO, MONUC, Kosovo, UNMEE, ONUCI, Soudan), Malawi (MINURSO, Kosovo, MONUC), Mali (MINURSO, Kosovo, MONUC, Haiti), Maroc (MONUC, ONUCI, Haiti), Maurice (MINURSO, Haiti), Mozambique (MONUC), Namibie (MINURSO, UNMEE, ONUCI), Niger (MONUC, ONUCI, Haiti), Nigeria (MINURSO, Kosovo, MONUC, UNMEE, ONUCI, Haiti, Soudan), Ouganda (ONUCI), Sénégal (MINURSO, MONUC, ONUCI, Haiti), Sierra Leone (Haiti), Tanzanie (UNMEE, Soudan), Tchad (MONUC, ONUCI, Haiti), Togo (ONUCI, Haiti), Tunisie (Kosovo, MONUC, UNMEE, ONUCI), Zambie (Kosovo, MONUC, UNMEE, ONUCI, Soudan), Zimbabwe (Kosovo, Haiti). Les plus importants contributeurs africains sont (fin 2005) l’Éthiopie (3500 hommes), le Nigeria (2700), le Ghana (2600), l’Afrique du Sud (2000), le Maroc (1700), le Sénégal (1600), le Kenya (1450), la Namibie (900), l’Égypte (750), la Tunisie (520), le Niger (500), le Bénin (420), la Zambie (400), le Togo (330), le Burkina Faso et le Mozambique (200), puis le Malawi, le Cameroun, la Guinée, le Zimbabwe, le Mali, etc…

S’il y a actuellement sept opérations de maintien de la paix en cours en Afrique (et neuf dans le reste du monde), il y en a seize qui sont terminées (Angola – UNAVEM I à III et MONUA, Centrafrique – MINURCA -, Congo – ONUC -, Tchad/Libye – GONUBA -, Liberia – MONUL -, Mozambique – ONUMOZ -, Namibie – GANUPT -, Rwanda MINUAR -, Rwanda-Ouganda – MONUOR -, Sierra Leone – MONUSIL et MINUSIL -, Somalie – ONUSOM I et II)), contre 28 dans le reste du monde. C’est dire que l’Afrique reste un sujet de préoccupation essentiel pour le maintien de la paix onusien. Les opérations actuelles concernent le Burundi (ONUB, en voie d’achèvement), la Côte d’Ivoire (ONUCI), le Liberia (MINUL), la RDC (MONUC), l’Éthipie-Érythrée (MINUEE), le Sahara occidental (MINURSO) et le Darfour-Soudan (UNMIS).

Les pays africains n’ont d’ailleurs pas hésité à fournir eux-mêmes des contingents pour les opérations, tant africaines qu’ailleurs dans le monde. En liaison avec l’ONU et les organisations régionales, plusieurs centres de formation aux opérations de maintien de la paix ont été crées en Afrique, en particulier au Sénégal et au Ghana.

Les pertes en vies humaines sont également importantes : 38 pays africains ont eu 509 morts à déplorer (sur un total de 2070), dont le Ghana (107), le Nigeria (71), la Zambie (57 morts), l’Éthiopie (46), le Kenya (34), le Sénégal (23), l’Afrique du Sud (19), le Maroc (18), la Tunisie (18), le Zimbabwe (16), la Guinée (15), la Namibie (13). Les derniers d’entre eux sont un Béninois de l’ONUCI, mort juste avant Noël 2005, et un Sénégalais tué dans une embuscade des rebelles au Darfour en janvier 2006.

Dans la très importante Opération des Nations Unies au Congo (ONUC 1960-64), il y avait notamment des contingents du Ghana, de Tunisie [17], de Guinée (commandé par le général Lansana Diané, unité retirée par Sékou Touré après la mort de Lumumba début 1961, car il estimait que l’ONU n’avait pas suffisamment bien protégé le leader congolais), d’Égypte, du Mali (il s’agissait encore de la Fédération du Mali [18]), du Nigeria, du Maroc, de la Sierra Leone, d’Éthiopie, du Liberia et du Soudan; cette opération, qui coûta plus de 400 millions de dollars, mobilisa plus de 20.000 hommes sur le terrain et entraîna la mort de 250 Casques bleus, fut commandée notamment par le général éthiopien Kebbede Guebre et le commandant nigérian Ironsi, cependant que le Ghanéen Robert Gardiner en a été pendant plusieurs mois le responsable civil. Comment oublier en outre qu’elle causa la mort en septembre 1961 du Secrétaire général Dag Hammarskjöld, victime d’un accident d’avion resté inexpliqué, en allant discuter de la sécession katangaise proclamée par Moïse Tshombé. L’actuelle opération en RDC est seule comparable en importance à celle qui a eu lieu il y a 45 ans sur les mêmes lieux.

Au sein de la Force d’urgence des Nations Unies dans le Sinaï (FUNU II en 1973), il y avait des contingents ghanéens et sénégalais; au sein de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL 1978), il y a un contingent ghanéen; dans la mission de l’ONU en Haïti, il y a un contingent marocain et des policiers du Bénin, du Burkina, du Cameroun, de l’Égypte, du Ghana, de la Guinée, du Mali, du Niger, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra Leone, du Tchad, du Togo et de la Zambie.

Depuis quelques années (en fait, depuis les problèmes du Tchad dans les années 80 [19]), les pays africains ont tendance à souhaiter privilégier, pour traiter les crises – qui ont depuis quelques décennies proliféré en Afrique plus que partout ailleurs dans le monde, et qui sont très rarement des différends interétatiques mais le plus souvent des conflits internes [20]- des solutions africaines, continentales (avec l’OUA à l’époque, désormais l’Union africaine, comme au Darfour) ou régionales (avec des contingents fournis par exemple par la CEDEAO – l’ECOMOG au Liberia a été un exemple, ou encore des médiations, celles de l’Afrique du Sud (les présidents Mandela et Mbeki) ou de la Tanzanie (Julius Nyerere) dans certains cas. Le recours à l’ONU ne vient alors qu’en deuxième instance, pour obtenir soit des financements, soit des contingents supplémentaires, soit un mandat international très précis.

Les opérations de Casques bleus ont été – ou sont – souvent commandées par des officiers africains, par exemple au Moyen Orient par le général ghanéen Emmanuel Erskine (chef d’état-major des observateurs à Jérusalem, puis commandant de la force au Liban), dans le Caucase (le général égyptien Ghobashi, commandant les observateurs en Géorgie), mais aussi en Afrique : les généraux sénégalais Babacar Gaye (MONUC) et Abdoulaye Fall (ONUCI), le général nigérian Chikadibia Obiakor (commandant de la force de l’ONU au Liberia), le général sud-africain Mgwebi (au Burundi)…

Les délégations des pays africains

Au cours des décennies écoulées, les pays africains ont dans l’ensemble été actifs à l’ONU, et il serait difficile de désigner les délégations ou les ambassadeurs les plus remarquables; plusieurs d’entre eux ont eu ensuite une carrière de ministre, voire de chef d’État, ou ont occupé des fonctions éminentes aux Nations Unies même. Un choix arbitraire amène à distinguer les Guinéens Diallo Telli (qui fut ensuite pendant dix ans le premier Secrétaire général de l’OUA, puis ministre de la justice en Guinée, avant de mourir en 1977 comme « la plus illustre victime de Sékou Touré » au camp Boiro de Conakry [21]), Achkar Marof (qui fut auparavant membre des Ballets africains fondés par Keita Fodéba) ou la Guinéenne Jeanne Martin-Cissé (qui fut en novembre 1972 la première femme à présider le Conseil de sécurité [22]), l’Algérien Mohamed Bedjaoui (plus tard juge puis président de la CIJ, et ministre des Affaires étrangères de l’Algérie), les Sénégalais Doudou Thiam (ancien ministre des Affaires étrangères) et Falilou Kane (lui aussi ancien ministre et représentant permanent), le Tanzanien Salim A. Salim (futur Secrétaire général de l’OUA), les Ivoiriens Arsene Usher (qui prend en 1965 une position très combative sur la Rhodésie du Sud [23]\, et futur ministre), Siméon Aké (lui aussi futur ministre, qui dirigea une importante mission au Sahara occidental en 1975) et Amara Essy (également futur ministre, président de l’Assemblée générale et dernier Secrétaire général de l’OUA avant sa transformation en Union africaine), le Camerounais Ferdinand Oyono (écrivain, futur ministre des Affaires étrangères puis de la Culture), Ide Oumarou (futur Premier ministre du Niger et Secrétaire général de l’OUA), les Marocains Mahdi Elmandjra (universitaire qui exercera ensuite d’importantes fonctions à l’UNESCO avant de revenir à une carrière d’universitaire, d’écrivain et de militant des droits de l’homme), Ahmed Taibi Benhima (brillant spécialiste du désarmement) et Halima Embarka Warzazi (qui s’est consacrée depuis 1966 aux problèmes de la condition féminine, dont elle présida la commission), les Égyptiens Fawzi Bey (devenu après l’ONU le ministre des affaires étrangères de l’ère Nasser) et Abdel Meguid (devenu secrétaire général de la Ligue Arabe), le Tunisien Habib Bourguiba Junior, le Somali Omar Arteh (futur ministre des Affaires étrangères [24])…

Depuis la montée, vers la fin des années 50, du mouvement afro-asiatique, l’ONU a attaché une attention particulière à la décolonisation, a adopté le 14 décembre 1960, par 89 voix avec 9 abstentions, la fameuse résolution 1514 (dite Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux), et a créé le comité spécial de décolonisation dit « Comité des 24 » (en réalité composé de 25 membres), longtemps présidé par Salim A. Salim, ou encore le Comité spécial contre l’apartheid, présidé à ses débuts par Diallo Telli. Des délégations composées de dirigeants et de militants des mouvements de libération nationale étaient régulièrement accueillies à l’ONU et prenaient la parole devant ce Comité. L’Assemblée générale y consacrait plusieurs points de son ordre du jour, le Conseil de sécurité des discussions parfois passionnées. Bien avant même l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) créée en 1964, le gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) était très présent à l’ONU dès 1955, avec des délégués comme Abdelkader Chanderli, Mohamed Yazid, Mohamed Benyahia (futur ministre des Affaires étrangères), Aït Ahmed, et la France a du à plusieurs reprises pratiquer la « politique de la chaise vide » pour éviter d’être montrée du doigt, voire condamnée.

La pratique s’instaura vite d’entendre les représentants des mouvements de libération nationale, non seulement devant le Comité des 24, mais aussi en 4ème commission [25]. Finalement, le 24 novembre 1974, l’Assemblée générale admet officiellement comme observateurs les mouvements de libération nationale reconnus par l’OUA. Ce fut le cas pour ceux des provinces portugaises (FRELIMO pour le Mozambique, PAIGC pour la Guinée-Bissau et le Cap-Vert, MPLA, FLNA et UNITA pour l’Angola), mais aussi pour l’Afrique australe (ANC pour l’Afrique du Sud, SWAPO pour la Namibie). Une exception notable, dans le cas du Sahara occidental : le Polisario, pourtant reconnu et même admis, sous l’appellation de République arabe sahraoui démocratique (RASD) comme État membre à l’ex-OUA, maintenant Union africaine, entraînant l’absence du Maroc des instances de cette institution).

L’Assemblée générale a également accordé le statut d’observateur à un certain nombre d’institutions africaines, dont les principales sont l’Union africaine (qui a pris la suite de l’ancienne OUA), Banque africaine de développement, la Communauté d’Afrique de l’Est, la Communauté des États soudano-sahéliens, la Communauté de développement de l’Afrique australe, la Communauté économique des États d’Afrique centrale, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)…

L’Afrique assure actuellement la présidence de plusieurs commissions permanentes instituées par l’ONU : Paul Badji du Sénégal au Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, Adigun Ade Abiodun du Nigeria au Comité des usages pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, Aminu Bashir Wali du Nigeria au Comité spécial des opérations de maintien de la paix, Hama Arba Diallo du Burkina Faso comme secrétaire exécutif de la Convention pour combattre la désertification, l’Ivoirien Koli Kouame à l’Organe international de contrôle des stupéfiants…

L’Afrique et la Cour internationale de Justice

Indépendamment des membres africains qui y siègent, la CIJ a eu à s’occuper à maintes reprises de questions africaines, soit dans le cas d’affaires contentieuses, soit pour des avis consultatifs.

La CIJ a été saisie de 14 affaires contentieuses impliquant des États africains les uns contre les autres [26] : activités armées sur le territoire du Congo (contre le Rwanda, deux recours en 1999-2001 et en 2002, contre le Burundi en 1999-2001, contre l’Ouganda en 1999, le différend frontalier Bénin/Niger (2002-2005), l’affaire Ahmadou Sadio Diallo (Guinée/RDC en 1999, à propos de protection diplomatique vis-à-vis d’un homme d’affaires guinéen), le différend Botswana/Namibie sur l’île de Kasikili-Sedudu (1996-1999), le différend Cameroun/Nigeria/Guinée équatoriale sur la presqu’île de Bakassi et les frontières terrestres et maritimes (1994-2002; Kofi Annan s’est personnellement investi dans la mise en application de cet arrêt), le différend Sénégal/Guinée-Bissau sur la délimitation maritime (1991-1995), le différend territorial Tchad/Libye sur la bande d’Aouzou (1990-1994), l’arbitrage Sénégal/Guinée-Bissau (1989-1991), le différend frontalier Mali/Burkina Faso (1983/1985), le différend Tunisie/Libye sur le plateau continental (1978-1982), ou Éthiopie et Liberia/Afrique du Sud à propos du Sud-Ouest africain-Namibie (19601966).

En outre, la CIJ a été saisie de sept affaires impliquant des États africains contre des États non africains : Djibouti/France à propos de l’enquête sur la mort du juge Borel (2006), Congo/France sur des procédures pénales engagées en France contre des personnalités congolaises en 2003, RDC/Belgique à propos d’un mandat d’arrêt en 2000-2002, Libye/États Unis à propos de l’attentat aérien de Lockerbie en 1992-2003, Libye/Malte à propos du plateau continental en 1982-1985, Cameroun/Royaume Uni à propos du Cameroun septentrional en 1961-1963, France/Égypte à propos des ressortissants et protégés français en Égypte en 1949-1950).

Par ailleurs, la CIJ a rendu cinq avis consultatifs sur des questions directement relatives à l’Afrique, soit à la demande d’États membres, soit à la demande d’organes de l’ONU : Sahara occidental (1974-1975), présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie et situation de ce territoire (1970-1971, 1955-1956, 1954-1955, 1949-1950).

Ces mêmes problèmes ont évidemment également suscité des débats au Conseil de sécurité. Mais celui-ci a débattu également d’autres crises africaines (Congo, Rwanda, Burundi, Liberia, Sierra Leone, Côte d’Ivoire, Soudan, Tchad, Namibie, apartheid, Sahara occidental, Éthiopie/Érythrée, etc…), de litiges entre États africains avec des pays non africains (affaire de Suez en 1956, France/Tunisie en 1958 et 1961 à propos d’incidents frontaliers pendant la guerre d’Algérie ou à propos de la base de Bizerte, Sénégal ou Guinée contre Portugal à propos d’incidents de frontière en Guinée-Bissau), et mais aussi sur les plaintes entre pays africains (concernant par exemple à plusieurs reprises la Guinée dans ses démêlés avec ses voisins, Sénégal et Côte d’Ivoire en particulier, ou le Ghana, dans les années 60-70, occasionnant parfois l’envoi de missions d’enquête sur place).

Conclusion

Les Africains de la société civile jouent eux aussi un rôle éminent pour promouvoir par leur notoriété et leur action les idéaux des Nations Unies. Parmi ceux qui ont été désignés comme ambassadeurs de bonne volonté ou artistes pour la paix par le Secrétaire général, par l’UNICEF, le PNUD, l’OMS ou l’UNESCO, citons Nelson Mandela et Mpule Kwelagobe (Botswana, ancienne Miss Univers et première Africaine élue à ce titre), mais aussi Youssou Ndour (chanteur sénégalais), Angélique Kidjo (chanteurse béninoise), Dikembe Mutumbo (basketteur de la RDC), Kaltouma Nadjina (athlète du Tchad), Safia El Amary et Adel Imam (actrice et acteur égyptiens), Liya Kebede (mannequin éthiopienne), Alpha Blondy (chanteur ivoirien), Manu Dibango (musicien camerounais), George Weah (footballeur liberien) ou Cheikh Modibo Diarra (ingénieur malien spécialiste de l’espace travaillant à la NASA)…

L’Afrique joue ainsi un rôle très important et très divers à l’ONU, tant pour ce qui est de la place et de la contribution de ses pays membres et de ses représentants, qu’en ce qui concerne les problèmes que le continent africain pose à la communauté internationale.


1 L’auteur a lui-même été à deux reprises envoyé spécial du Secrétaire général en Afrique; à ce titre, il a pu normaliser en 1974/75 les relations diplomatiques entre la Guinée-Conakry de Sékou Touré d’une part, l’Allemagne fédérale et la France d’autre part, tout en obtenant la libération d’une cinquantaine de prisonniers politiques étrangers; en novembre 1975, il a obtenu du Roi Hassan II du Maroc la transformation de la « Marche Verte » sur le Sahara occidental en une marche symbolique de quelques kilomètres, évitant ainsi une confrontation militaire, probablement sanglante, avec les troupes espagnoles et le Polisario, sans pour autant régler le problème sur le fond.

2 Charles King avait été élu président du Liberia en 1919 alors qu’il participait à Versailles à la conférence de la paix, exemple sans doute unique d’un chef d’État élu alors qu’il se trouvait hors du territoire national.

3 Il serait facile de dresser une liste de leaders – africains ou non – auteurs de coups d’État souvent sanglants (l’Union africaine a recensé 186 coups d’État sur le continent entre 1956 et 2001) ou coupables de violations de droits de l’Homme et parfois même de génocides, qui ont été accueillis sans rechigner à l’ONU. Pour ne mentionner que le Liberia, si Charles Taylor ne s’est jamais rendu à New York, le sergent Samuel Kannon Doe, qui a accédé au pouvoir en 1980 en participant personnellement à la mise à mort du président William Tolbert, est venu parler à l’Assemblée générale en 1983.

4 Les sanctions obligatoires votées en novembre 1965 par le Conseil de sécurité contre la Rhodésie sont les premières sanctions adoptées par la communauté internationale depuis celles prises par la SDN en 1935 contre l’Italie pour agression contre l’Éthiopie. La France, qui s’était seule abstenue au Conseil en affirmant que le règlement du problème rhodésien incombait uniquement au Royaume-Uni, se joignit dès l’année suivante aux sanctions décidées.

5 paradoxalement, l’ancien président Charles King du Liberia, réhabilité et devenu ambassadeur à Washington, participa comme délégué de son pays à la conférence de San Francisco et aux premières sessions de l’ONU.

6 l’Afrique, plus encore que l’Asie, l’Océanie, l’Amérique latine ou les Caraïbes, bénéficia de ce processus, qui culmina dans les années 50 à 70 : la décolonisation britannique entraîna 47 indépendances, la française 23, la portugaise 6, la belge 3, la hollandaise 2 et l’espagnole 1. Ultérieurement, l’implosion de l’Union soviétique, l’éclatement du bloc soviétique puis la désagrégation de la Yougoslavie entraînèrent également la naissance – ou la renaissance – de nombreux États.

7 Il serait injuste de ne pas signaler ici l’action du Conseil de tutelle qui, bien avant que ne soit créé en 1960 le Comité spécial de décolonisation, a indiqué et surveillé la politique des puissances administrantes chargées de conduire progressivement à l’autonomie puis à l’indépendance les territoires à eux confiés : Cameroun et Togo (confiés à la France et au Royaume-Uni; des référendums ont permis aux populations des provinces frontalières concernées de se rattacher à l’État qui leur convenait le mieux du point de vue ethnique ou linguistique; le Togo britannique a été ainsi rattaché au Ghana en 1957, les régions du Cameroun britannique soit au Nigeria, soit au Cameroun), Tanganyika, Rwanda-Urundi – qui se sépareront en deux États, Rwanda et Burundi, lors de leur indépendance en 1962. Jusqu’à l’indépendance de la Libye (1955), la Cyrénaïque et la Tripolitaine, naguère provinces annexées par l’Italie, sont administrées par la Grande-Bretagne, et le Fezzan par la France, et en 1949, la Somalie est placée sous tutelle italienne pour dix ans. Seul, le Sud Ouest africain (future Namibie), parce que sa tutelle avait été initialement confiée à l’Afrique du Sud, ne suivit pas le sort commun et ne releva plus du Conseil de tutelle, mais d’un Conseil créé spécifiquement à cette fin. Le Conseil envoyait des missions de visite dans les territoires sous tutelle, recevait de multiples courriers de pétitionnaires, enquêtait sur les plaintes, entendait des leaders indépendantistes (ainsi, Um Nyobé, fondateur de l’Union des populations du Cameroun UPC, qui accueillit en 1949 une mission de visite de l’ONU par une manifestation demandant la fin de la tutelle et la fixation d’une date pour l’indépendance, et s’adressa à trois reprises au Conseil de tutelle entre décembre 1952 et 1954) et des représentants des populations, envoyait aux puissances administrantes de longs questionnaires et attendait d’elles qu’elles s’expliquent sur leur politique.

8 En fait, c’est la Fédération du Mali, qui regroupait depuis avril 1959 l’ancien Soudan français et le Sénégal, qui fut admise à l’ONU en juin 1960. Trois mois plus tard, cette Fédération éclatait et le Sénégal demanda sa propre admission à l’ONU, qui fut effective, comme celle du Mali désormais séparé du Sénégal, le 28 en septembre 1960 (une semaine après tous les autres États francophones d’Afrique de l’Ouest). On ignore en général que le président de la Fédération du Mali, Modibo Keita, chercha en août à porter plainte au Conseil de sécurité contre le « coup de force » et la sécession du Sénégal, mais que le Secrétaire général Dag Hammarskjöld refusa d’enregistrer la plainte et se borna à la transmettre aux membres du Conseil.

9 L’ONU a mis en place, en 1967, de manière symbolique plus qu’effective, un Conseil des Nations Unies pour la Namibie, censé administrer ce territoire, en fait totalement contrôlé par l’Afrique du Sud. L’Assemblée générale a condamné cet état de choses, de même que la Cour internationale de justice

10 Il y a cinq groupes régionaux à l’ONU, ce qui est également important pour l’attribution des postes soumis à rotation géographique : Afrique, Asie-Océanie (54 pays), Amérique latine et Caraïbes (33 pays), Europe occidentale et autres États (28 pays, dont Israël), Europe orientale (22 pays). seuls les États Unis d’Amérique sont « hors groupe » bien qu’ils se joignent souvent au groupe d’Europe occidentale.

11 Lors de l’assassinat de celui-ci, en janvier 1963, Sékou Touré demanda – sans succès – au Secrétaire général de l’ONU de faire faire une enquête sur les circonstances de ce meurtre, le premier d’une longue série de coups d’État sur le continent.

12 C’est peut-être lui qui a inspiré le personnage du président africain Edmund Zumanie (joué par Earl Cameron) dans le film de Sydney Pollack « L’interprète », admirablement filmé dans les bâtiments de l’ONU à New York, avec aussi l’actrice Nicole Kidman.

13 Le Conseil de sécurité se réunit normalement au siège de l’ONU, c’est-à-dire à New York. Il n’y a eu que de très rares exceptions à ce principe, et pour la première fois en janvier/février 1972, lorsque le Conseil s’est rendu à Addis Abeba pour exprimer son inquiétude sur la situation en Afrique australe et son appui aux luttes de libération dans les provinces d’Outre-mer portugaises, puis à plusieurs reprises au cours des années récentes, au cours de plusieurs tournées du Conseil en Afrique centrale et occidentale à propos de la situation dans la région des Grands Lacs, en Côte d’Ivoire ou au Darfour.

14 nous verrons que Miriam Makeba avait déjà été reçue à l’ONU en octobre 1963 par le comité spécial de décolonisation (dit comité des 24)

15 Mohamed Gherab (1969-78) a ainsi été le premier d’une série de sous secrétaires généraux africains qui ont dirigé les ressources humaines de l’ONU pendant plus de deux décennies : après lui, James Jonah (Sierra Leone, 1979-81), Leila Doss (Égypte, 1982), Louis Pascal Nègre (Mali, 1983-86), Kofi Annan (Ghana, 1987-89), Abdou Ciss (Sénégal, 1990-91).

16 elle est effectivement la première Africaine élue à ce poste; mais le Liberia avait déjà eu, de septembre 1996 à août 1997, une femme pour assurer l’intérim de la présidence à la fin des six années de guerre civile, Ruth Sperry, une parlementaire choisie par la CEDEAO.

17 dont la présence a donné lieu à l’anecdote suivante, plaisante, mais un tantinet raciste : des villageois congolais interrogent les Casques bleus tunisiens sur leur pays d’origine, constatent qu’il est situé en Afrique, demandent depuis quand il est indépendant, et apprenant que c’est depuis cinq ans, en 1956, ils s’étonnent : quoi, cinq ans seulement, et vous êtes déjà blancs !

18 Le bataillon de la Fédération du Mali, envoyé au Congo dès juillet 1960, était commandé par le chef de bataillon (plus tard colonel et ambassadeur) Claude Mademba-Sy, et composé de quatre compagnies, deux formées de militaires originaires du Sénégal et deux de l’ancien Soudan français, commandés par le lieutenant Soya Sissoko. La Fédération du Mali éclata quelques jours plus tard, le Mali et le Sénégal devenant indépendants l’un et l’autre, et l’un de l’autre.

19 le conflit – interne avec interférences extérieures – du Tchad semble être le plus long recensé de la période récente : il a duré de 1965 à 1988,. essentiellement dans le Nord du pays Il faut espérer qu’il ne sera pas relancé à la suite des événements du Darfour au Soudan, qui concernent essentiellement les régions frontalières de l’Est..

20 Selon une enquête de l’ONU en 2005, le continent a connu 26 conflits entraînant sept millions de morts et affectant 474 millions de personnes (réfugiés, personnes déplacées, disparus). La machette a été en Afrique l’arme de destruction massive la plus meurtrière, mais il faut aussi citer les mines anti-personnel.

21 L’auteur se permet de rappeler ici la biographie qu’il lui a consacrée : « Diallo Telli, le tragique destin d’un grand Africain » (Paris, Éditions Jeune Afrique, 1990, Collection Destins, 225 p. , avec une préface de Siradiou Diallo)

22 La Guinée présida également le Conseil en mars 2003, lors des débats sur l’Irak qui n’aboutirent à aucune résolution autorisant les États Unis à y intervenir militairement

23 Contrairement par exemple au Sénégal, la Côte d’Ivoire a en général joué « profil bas » aux Nations Unies, se contentant pendant les premières années d’exercer un rôle modérateur au sein du Groupe de Brazzaville, rassemblant essentiellement des pays francophones proches (mais pas toujours) des positions françaises. Mais en 1965, étant alors pour la première fois membre du Conseil de sécurité, la Côte d’Ivoire a pris une attitude très offensive sur la Rhodésie du Sud. Quelques années plus tard, de 1967 à 1970, au contraire Houphouët-Boigny prendra sur l’affaire du Biafra une position différente de la majorité du groupe africain (celui-ci appuyé par Moscou, Washington et Londres) hostile à une sécession de cette région – pétrolière – du Nigeria; seuls Côte d’Ivoire, Gabon, Tanzanie, Zambie, ainsi que Paris, Pékin et Lisbonne, et les « French Doctors » de la future ONG « Médecins sans frontières » sont favorables à la cause du Biafra); en fait, cette question sera peu discutée à l’ONU, car elle sera traitée et résolue au sein de l’OUA. Plus tard encore, Houphouët-Boigny se verra reprocher de préconiser et même d’amorcer un dialogue avec le régime de Prétoria, alors que l’apartheid perdure et que Mandela est en prison depuis vingt ans.

24 qui songera en été 1976 à une candidature au poste de Secrétaire général de l’ONU, tout en précisant qu’il s’inclinerait si Diallo Telli était lui-même candidat. Mais ce dernier fut arrêté juste avant le Sommet de l’OUA à Maurice, et celui-ci ne présentera finalement aucun candidat contre le sortant Waldheim (grâce en particulier aux efforts en coulisses d’Issoufou Saidou Djermakoye).

25 Roberto Holden, leader de l’Organisation du Peuple de l’Angola (ultérieurement FNLA), est l’un des premiers à être entendu (en 1961 et en 1966 à New York, le 24 mai 1962 devant le comité des 24 réuni à Léopoldville – future Kinshasa – et le 6 mai 1969 de nouveau à Kinshasa. Le 16 mars 1962, c’est Joshua Nkomo (leader de la ZANU de la Rhodésie du Sud, futur Zimbabwe), qui vient s’exprimer à New York. En octobre 1963, le comité des 24 invite et entend plusieurs personnalités africaines, parmi lesquelles aussi Oliver Tambo, de l’African National Congress (ANC) et le Révérend Ambrose Reeves (britannique, évêque de Johannesbourg, déporté par les autorités sud-africaines en 1960), ainsi que Miriam Makeba qui s’adressera alors aux délégations. Le 7 novembre 1963, le leader du FRELIMO (Mozambique) Eduardo Mondlane sera entendu par la 4ème Commission, comme le sera en octobre 1972 Amicar Cabral (du PAIGC de Guinée-Bissau et Cap-Vert), dont on a vu par ailleurs qu’il a pu parler devant le Conseil de sécurité quelques mois auparavant. En juillet 1968, une délégation de la Guinée espagnole dont fait partie le futur président Macias Nguema se rend à New York pour se plaindre des pressions espagnoles, les 16 et 17 juillet, Macias prend la parole deux fois devant le comité spécial de décolonisation, de même que de nombreux autres leaders équato-guinéens.

26 la première date est celle du recours, la deuxième date éventuellement citée est celle de l’arrêt


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