Deby ou le complexe du tutorat.
Mr Idriss DEBY ira probablement en France avant la fin l’année en cours. Finalement les différents lobbys ont pu convaincre l’Elysée de faire un petit geste. D’autres conseillers, plus sérieux ceux-là, ont suggéré au Président français d’organiser un petit sommet qui réunirait les dignitaires de la France Afrique – une copie de la Baule – pour expliquer aux uns et aux autres la nouvelle ligne politique française sous mandat socialiste !
Dans l’un ou l’autre cas, Deby trouverait son compte. L’essentiel pour lui est de serrer la main du Président français et de se faire photographier sur le perron de l’Elysée et de dire quelques niaiseries aux journalistes présents dans la cour !
Selon différentes sources Deby auraient dépensé l’équivalent de 8 mois de salaire des fonctionnaires en lobbying pour arriver à ses fins ! Pourquoi tant d’efforts et de ténacité, tant d’insistance et de fixation pour un exercice que d’autres auraient qualifié d’anodin ? L’explication se trouve dans la personnalité, la psychologie complexe de l’individu.
Mr Deby est en effet un personnage complexe. De l’avis de ses anciens amis de classe qu’il a d’ailleurs presque tous pourchassés, humiliés et marginalisés, Deby n’était certes pas un nigaud au sens classique du terme mais son intelligence était tout de même en deçà de la moyenne. Il était par contre un excellent animateur des soirées de jeunes et il savait tirer les ficelles pour se retrouver toujours sur le devant de la scène. Ces deux comportements ne l’ont pas quitté.
Aujourd’hui encore Deby peut user de subterfuges extraordinaires, exceller dans le montage de manigances dignes des films hollywoodiens, ou créer des situations abracadabrantes, et tout ceci pour faire du mal. C’est son hobby, son sport favori. Il trouve son plaisir schizophrénique dans l’art de faire du mal.
Par contre, dès que Mr Deby fait face à ses responsabilités d’homme d’Etat, il est coincé. Il balbutie, il doute, il devient inconséquent, il n’avance plus. Il a alors besoin d’un éclaireur, d’un guide. Deby a fait son apprentissage dans la vie active sous l’égide de l’ancien Président tchadien, Hissein Habré, lequel l’a façonné à sa manière pour en faire un homme d’action. Habré a utilisé à sa juste dimension ce militaire aux ordres, sans aucun repère, sans réflexion, incapable de contradiction. A Habré revenait la gestion administrative et logistique de l’armée et à Deby les opérations militaires avec des nettoyages et épurations à grande échelle.
Devenu opposant à Habré, sous l’influence d’un autre mentor, le défunt Hassan Djamous, Deby se trouva désorienté à la mort de ce dernier. Il fut alors automatiquement encadré par une kyrielle d’agents des services spéciaux de trois pays toujours intéressés et/ou concernés par les dossiers tchadiens : la France, la Libye et le Soudan !
Les mandats successifs truqués de Deby ont toujours été parrainés par la France, par Kadhafi et par l’ancien président gabonais qui servait de modérateur. Depuis la rencontre historique entre le Président Mitterrand et le Colonel Kadhafi à Chypre en 1982 sur le dossier tchadien, la France et la Libye avaient fixé leurs rôles respectifs au Tchad : rien ne pouvait se faire sans que les responsables de deux pays ne se soient concertés au plus haut niveau. Chacun avait son rôle et partant ses intérêts.
Deby qui a besoin d’un parrainage intellectuel, politique et même administratif s’accommodait bien de cette situation de partage entre les deux tuteurs. Rien ne devait être entrepris au niveau de l’Etat tchadien sans s’en référer à l’un ou l’autre des tuteurs. La France et la Libye intervenaient à tous les niveaux politico-administratifs de l’Etat tchadien. Les grandes décisions prises en Conseil des Ministres sont annulées illico le lendemain, sans une aucune explication par un coup de fil d’un responsable d’un cabinet de lobbying installé en France parlant directement au Chef de l’Etat tchadien.
Deby a horreur des règles de l’administration. C’est pourquoi il a toujours eu des problèmes d’humeur avec les différents services officiels français avec qui le climat n’a jamais été serein. Revers de la médaille de cette situation, toutes les sociétés françaises au Tchad périclitent faute d’une volonté manifeste de soutien. Par contre Déby s’accommode à merveille avec des cabinets occultes, des intermédiaires transmettant la bonne parole et le salut amical du grand chef. Les principaux tuteurs s’accommodent bien avec les méthodes cavalières du despote.
Les cabinets occultes et les amis s’intéressent plus spécialement aux problèmes économiques. Pour ce faire, ils ont monté des sociétés ou des cabinets d’études fictifs installés à Ndjamena. Ils peuvent ainsi s’octroyer et distribuer la plupart des marchés d’État. Ils sont soutenus par tout un réseau de cadres nationaux installés à des postes stratégiques au niveau des différents ministères. Aucune décision d’un haut responsable de l’administration n’échappe à la vigilance de cette mafia. Si une décision ne sied pas avec leurs intérêts, en particulier économiques et financiers, un coup de fil au Président par le mentor, qui tire les ficelles et tisse sa toile à partir d’un bureau en France, fait annuler la décision.
Deby joue aussi au gendarme en Afrique Centrale sur commande. Le coup d’Etat contre l’ancien Président centrafricain Ange Felix Patassé et l’intervention ratée au Zaïre sont des exemples parlants des agissements par procuration. Si Deby marmonne parce que la pilule passe difficilement dans la gorge, on fait alors intervenir le doyen gabonais qui donne des conseils d’un sage expérimenté en la matière. Les conseils sont accompagnés d’une enveloppe de consolation. Dans le pire des cas on débarque l’ambassadeur : Deby est ainsi le seul chef d’Etat tchadien qui a expulsé directement ou indirectement plus de deux ambassadeurs et 3 correspondants de RFI. Il arrive cependant que l’ambassadeur pèse plus lourd qu’on ne le croit ; alors un interlocuteur, par lequel passe tous les dossiers sensibles est désigné. Il s’agit soit d’un conseiller à la Présidence ou d’un proche de l’Elysée ayant des activités connexes. Ainsi tous les services officiels de deux pays sont pratiquement hors-jeux !
L’interventionnisme de Kadhafi différait totalement de celui de la France en mode France-Afrique. Le Guide ne s’occupait pas de l’administration tchadienne et moins encore des cadres tchadiens qu’il considérait être des girouettes corvéables et malléables pour peu qu’on leur fasse flairer un intérêt matériel. Il s’appuyait donc essentiellement sur le volet sécuritaire et diplomatique. Quand les principaux collaborateurs de l’ancien leader libyen se plaignaient des incartades du despote tchadien, le guide leur répétait inlassablement que « Idriss lit mes pensées juste en regardant mon visage et prend la bonne position qui est en fait celle de Jamahiriya, alors faites tout pour huiler vos rapports avec lui. » Tout est dit ! Le leader libyen utilisait aussi Deby comme un épouvantail sécuritaire auprès des rois-nègres du Sahel et de l’Afrique Centrale. Si l’ambassadeur libyen à Ndjamena n’était pas un des très proches comme le fut Green Saleh Green, Deby traitait avec le Guide en passant par son Directeur de Cabinet ou le Secrétaire Général de CenSad.
En 12 mois, tout ce mécanisme vient de s’écrouler suite à la chute sanglante du Guide libyen et à l’arrivée des socialistes à l’Elysée.
Depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir, toutes les méthodes paternalistes et néocoloniales sont remises en cause. Le nouveau Président souhaiterait ardemment tourner la page de France-Afrique, comme il l’a promis pendant sa campagne. Alors le despote Deby panique et cherche désespérément une branche pour se raccrocher de peur de se noyer. Il offre des services gratuits de manière impudique. Il oublie complètement la gestion du pays. Il déploie toute son armada financière et relationnelle dans les différentes artères de la capitale française, remue d’anciens bidasses en retraite. Il dépense sans retenue des sommes faramineuses qui pourraient régler en grande partie les problèmes salariaux objets des grèves à répétition depuis bientôt six mois !
Déboussolé comme un enfant sevré prématurément, Deby adopte des comportements contradictoires pour se faire accepter à l’Elysée : tantôt il s’invite aux préparatifs de l’intervention au Nord Mali, tantôt il a des caprices enfantins comme son escale à Kinshasa après la fin du Somment de la Francophonie !
L’envie d’être reçu à l’Elysée est devenue tellement psycho-obsessionnelle pour Deby qu’il a purement et simplement oublié les affaires de l’État. Celui-ci est laissé encore davantage entre les mains de groupuscules aux intérêts divergents. Le gouvernement atteint d’une léthargie sans pareille tangue vers l’abîme : ses membres n’ont d’autres préoccupations que de continuer à dépiécer la charogne.
Cette situation est pour Deby intenable, psychologiquement et moralement. Alors son entourage craint des dérapages incontrôlables, dérapages propres au portrait psychologique dressé par les services français en 1990, à savoir « un homme d’action qui agit avant réflexion » ! Pour forcer la porte de l’Elysée, Deby est capable de prendre sur un coup de tête des décisions inconsidérées qui pourraient plonger le pays dans les ténèbres de l’histoire !
Pour le moment il fait du chantage en agitant comme un épouvantail deux phénomènes qui empêchent les européens de dormir : l’islamisme et l’arabisme. Pourtant, de l’avis général, Deby est connu pour son anti-arabisme notoire et de sa pratique frivole de l’islam ! Deby se prend, sans modestie, pour un rempart contre l’islamisme rampant au Sahel et il menace de manière non voilée d’arabiser l’administration tchadienne, en d’autres termes de quitter la francophonie pour l’arabophonie. Dans l’un ou l’autre cas, c’est du bluff pur et simple ! Le Tchad est constitué de deux mondes fondamentalement distincts : un monde de culture et de civilisation chrétienne-animiste et un monde de culture et de civilisation arabo-islamiste. Ces deux mondes ont forgé à travers des siècles leur propre identité et s’efforcent de la conserver au tant que faire se peut malgré les soubresauts et aléas inhérents à la nature humaine. C’est pourquoi, n’en déplaise à certains, le Tchad reste et restera ancré dans la laïcité et dans la francophonie. Contrairement à beaucoup de pays africains où le syncrétisme religieux est de mise, l’islam tchadien, de rite malékite et d’obédience soufie, est très proche de l’ancienne école soudano-égyptienne connue pour sa pondération et sa modération. On n’a jamais constaté de ce fait, d’attitudes fondamentalistes religieuses sous quelle forme que ce soit avant l’arrivée de quelques agités, nouvellement alphabétisés en arabe et en religion dans les soutes du MPS.
Ensuite la langue arabe parlée au Tchad est d’abord une langue nationale et véhiculaire (comme le Sara, le Gambaye, ou comme le wolof au Sénégal, le Lingala au Congo, le Sango en RCA) avant d’être une langue politiquement officielle. La langue arabe pourrait être vulgarisée et adoptée comme langue de travail sans aucun problème. Mais ne nous leurrons pas et ne cédons pas aux provocations d’un despote aux abois, encouragé par quelques parvenus en mal d’identité ou d’intégration.
Pour arabiser ou même « bilinguiser » l’administration tchadienne, il ne suffit pas seulement de vouloir mais il faut pouvoir et c’est là où le bât blesse. Il faut nécessairement des préalables avant d’entamer le processus : une volonté politique admise par toutes les couches du pays, des moyens matériels conséquents, des ressources humaines professionnelles et des matériels didactiques adaptés. Comme la rivière coule de l’amont vers l’aval, le phénomène doit commencer par la base – c’est à dire à la maternelle – pour huiler toute une génération.
Comparativement aux pays du Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc) qui n’ont pas encore terminé l’arabisation de leur administration, le Tchad, avec un maître bilingue par département (!!) mettra facilement, selon les spécialistes de l’A.L.E.S.C.O (L’Unesco de la ligue arabe), un siècle pour arriver à cette fin. Même des pays aussi nantis que le Bahreïn, le Qatar et les Emirats souffrent de ce problème. Les associations panarabes de ces pays soutenues par les média vilipendent à la longueur des journées leurs dirigeants pour parachever l’arabisation de l’administration ! Un autre exemple très caractéristique que beaucoup des tchadiens ignorent : le Sénégal. Le Pays n’a pas de communauté arabe et la langue arabe n’est parlée localement mais ce pays dispose de plus de bilingues formés que le Tchad ! C’est le fruit de la politique d’un homme éclairé au lendemain de l’indépendance. Le Président Senghor (un chrétien !!), conscient des avantages qu’il pourrait tirer d’une accointance avec le monde arabe, avait décidé de former des cadres bilingues (français-arabe) en nombre suffisant. Ceux-ci font aujourd’hui l’honneur et la fierté du Sénégal dans toutes les organisations internationales. Au Tchad par contre le problème est toujours perçu comme un antagonisme politique que les rêveurs de tout acabit voudraient imposer par le sommet sans chercher sereinement les moyens d’y parvenir. En somme le français en particulier et la francophonie en général ont encore des jours fastes au Tchad, n’en déplaise aux agitateurs en mission !
Par ailleurs la recherche effrénée d’un tuteur conduit le despote à se mettre sous la coupe de nouveaux protecteurs à savoir la Chine et l’Afrique du Sud. Ces deux pays ne tiennent compte d’aucun paramètre politique, sociologique ou culturel. L’un pompe sans vergogne les maigres ressources du Tchad en attendant l’arrivée de l’autre. Pour narguer les nouveaux locataires de l’Elysée, Deby favorise au maximum les sociétés de ces deux pays au détriment des entreprises françaises anciennement implantées au Tchad. Utilisant des méthodes peu orthodoxes, distribuant des miettes à tout vent, ces nouveaux chouchous du despote commencent à froisser sérieusement les sensibilités des cadres tchadiens. De culture et de tradition francophone ces cadres préfèreraient avoir à faire aux anciens interlocuteurs même avec des hauts et des bas plutôt qu’à ces nouveaux parachutés qui n’ont d’autres références que Deby ou ses bouffons.
Les nouvelles autorités françaises sauront-elles résister aux assauts provocateurs d’un despote aux abois et répondre aux aspirations du peuple tchadien en imposant une ligne de conduite conforme à la morale politique. Se laisseront-ils berner par les désidératas du dictateur acculé ?
Isshakha Bouébri Djérou
N’djaména – Tchad
bonne analyse!c’est ça la verite
C’est une erreur fatale de penser que la solution aux problèmes du Tchad se trouvent entre les mains des anciens colonisateurs. Le Tchad survivra à toutes les épreuves quelle qu’en soient la nature et la durée. La ou les solutions ne peuvent provenir que des Tchadiens eux-mêmes. Les dirigeants passent, mais les masses et les Etats sont éternels. La meilleure arme est la patience. Le meilleur moyen pour changer une situation est l’action collective de tous les Tchdiens. A bon entendeur salut!
cela sera une erreur de dire que la patience est la longueur du temps. l’Afrique a toujour ete patient dpuis plusieur siecles, mais dissons que jusqu’au nos jour le miraqcle n’a jamais surgie. alors une adage anglais dit. « life starts where your confort zone ends » donc quand les autres seront sur la lune nous prendrons posession de notre propre pays.
@Gerard, plus qu’une « erreur fatale » c’est plutot à un sclavage ou au meilleur des cas, un colonialisme permanent que l’auteur de cet article nous invite. c’est à devenir fou: les tchadiens ou plutot les intellectuels tchadiens ne sont en rien capable sans la france ou la francophonie. « De culture et de tradition francophone ces cadres préfèreraient avoir à faire aux anciens interlocuteurs même avec des hauts et des bas plutôt qu’à ces nouveaux parachutés qui n’ont d’autres références que Deby ou ses bouffons. » je suis deçu. monsieur, vous n’etes pas meilleur que Deby puisqu’au lieu des chinois ou les sud-africains vous imposez les français
est ce que ça suffira de garder le pouvoir jusqu’à l’éternité
Très bonne analyse intellectuelle que je salue. Le gros problème c’est que les intellectuels tchadiens sont absents sur la scène politique, ce qui donne lieu à tous les dérapages.
Ce Isshakha Bouébri Djérou dors 1 an, et n’intervient qu’a son reveil. Et c’est genial de perspicacite. Vous maitrisez trop bien les profondeurs de la tete de deby…Excellent!!!
B1 dit fo pas prendre le nom des gent en public!