Le Tchad fait peur aux Européens – Le Canard Enchaîné n° : 4545 du 5/12/2007
Au Comité militaire, de l’Union européenne présidé par le général Bentegeat, la prudence est aujourd’hui de mise. Les collègues allemands, grecs, suédois et autres de cet ancien patron des armées françaises veulent retarder l’envoi au Tchad de 3700 soldats, dont 1 700 dépêchés par Paris.
Une force européenne à déployer aux frontières du Tchad, et baptisée Eufor, dont la seule mission serait de protéger les camps de réfugiés ayant fui le Darfour soudanais. Si les partenaires européens de 1a France se montrent à ce point réticents ce n’est pas sans raison. Ils craignent de voir leurs soldats entraînés dans les combats engagés par des forces rebelles contre les troupes du président Déby. Des combats auxquels participent, souvent des Français : 1100 militaires, qui pratiquent depuis longtemps l’«assistance militaire» au sens large du terme, et 14 avions, dont 6 Mirage F1, qui espionnent ou bombardent les rebelles.
Dernier épisode connu: les combats à l’arme lourde sont si violents que, la semaine dernière, des Transall français ont évacué 150 soldats gouvernementaux bles¬sés vers les hôpitaux de la capitale.
Opérations clandestines
Quant aux insurgés, notamment ceux de l’Union des forces pour la démocratie, ils se considèrent « en état de belligérance » avec les militaires français et se déclarent hostiles en outre « à toutes les autres forces étrangères» pouvant venir camper au Tchad. Au Comité militaire de l’Union européenne, on a bien compris le message et aussitôt réagi: comment intervenir, même pour des raisons humanitaires, sur un territoire où l’ex-puissance coloniale tente de faire régner l’ordre?…
Mais nos alliés européens ignorent encore certains aspects secrets de l’engagement français. Des petites équipes du COS (Commandement des opérations spéciales) opèrent dans la zone frontalière du Soudan et du Centrafrique, voire bien au-delà. Leur mission: repérer les groupes rebelles qui se réfugient dans ces Etats voisins, et guider un avion Atlan¬tique-2 pour ses missions de reconnaissance ou de préparation d’un éventuel raid de Mirage. Il ne s’agit nullement d’initiatives prises par quelque chef militaire heureux de jouer à la guerre dans ‘ 1’«Afrique de papa ».La décision vient de plus haut.
Il faut sauver le dictateur Déby, et Sarkozy croit ainsi préparer le terrain à l’intervention de l’Eufor en faveur des réfugiés du Darfour. Avec l’espoir que ses amis européens n’aient enfin plus peur du Tchad.
Claude Angeli