Non à la venue de l’EUFOR au Tchad, oui pour l’unité du mouvement national en lutte contre la dictature! – B. I. Haggar

Dr. Bichara Idriss Haggar Notre analyse de la situation politique du Tchad faite dans un article intitulé « La crise du Tchad : l’unique option », publié en septembre 2006 n’a pas fondamentalement changé. Au contraire, elle demeure plus que jamais d’actualité. Car, la violation des accords de Syrte, le refus d’un Forum inclusif, le blocage de l’accord du 13 août 2007 avec les partis démocratiques et la liquidation programmée du FUC et de ses dirigeants ne font que renforcer notre conviction profonde que l’unique solution à la crise politique tchadienne reste le départ pure et simple de Deby de la direction des affaires de l’État.

Le Conseil national de redressement du Tchad reste persuadé que ce dictateur antinational et satanique, soutenu à bout des bras et contre toute logique par les différents gouvernements français, est le principal responsable de tous les maux que le pays connait. Le président Deby demeure par conséquent le seul obstacle à la paix, à la réconciliation nationale et au développement du Tchad.

Cette attitude arrogante, méprisante et destructrice de Deby vis-à-vis du peuple tchadien et son rejet obstiné de tout dialogue national se trouvent encouragés par le soutien militaire illégal de plus en plus accru apporté par le gouvernement français et par celui de l’Union européenne, à travers l’EUFOR. Le CNR est, par conséquent, contre toute forme d’ingérence étrangère dans les affaires intérieures du Tchad. Tirant des leçons de l’histoire politique de notre pays, que ce soit les interventions françaises endémiques et illégitimes (car, non prévues par les accords de coopération) pour sauver des régimes dictatoriaux ou les deux interventions des casques blancs de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA) des années 1980, aucune de ces interventions n’avait apporté, ne serait-ce qu’un début de solution à la crise politique tchadienne. Et pour cause? C’est parce que ni la France de toujours, ni l’OUA d’alors n’a tenu compte de la dimension politique de la crise.

Le président Sarkozy a, sous le prétexte de soutenir des populations réfugiées du Darfour, convaincu l’Europe d’intervenir militairement dans le conflit interne tchadien sans pour autant chercher à résoudre la crise. L’absence de la dimension politique dans l’intervention de l’EUFOR et la présence prédominante des forces françaises, qui aident la milice du président Deby, font de celle-ci une simple force d’appoint qui vient à la rescousse d’un dictateur en perte de vitesse et non pour protéger des réfugiés. En plus, en écartant le forum inclusif regroupant toutes les forces de la Nation, l’Europe a déjà échoué dans sa médiation de trouver une solution à la crise politique tchadienne.

C’est pourquoi, le CNR se lève contre la venue de l’EUFOR au Tchad et dénonce avec la dernière énergie l’intervention française aux côtés de la milice de Deby, contre la résistance nationale. Aussi, appelle-t-il tous les Tchadiens à s’opposer de toutes leurs forces contre les ingérences étrangères qui ne font que perdurer le régime abject et antinational dans notre pays.

Partout dans le monde, des peuples plus hétérogènes que le peuple tchadien, plus démunis et moins organisés que nous, qui par la force de leurs convictions, de leurs déterminations se mobilisent, affrontent les dangers avec courage et abnégation et font chuter des dictatures. Pourquoi, pas nous?

Il est vrai que le mouvement national en lutte a beaucoup des points faibles tels que la division, l’absence de confiance entre les dirigeants, les calculs et les ambitions personnelles qui mettent au rebut l’intérêt national, la sous-estimation des capacités de nuisance de la dictature… Malgré tous ces handicaps, je suis convaincu que l’Unité reste possible. Car, il ne peut y avoir de victoire sur la dictature sans un minimum d’unité et de confiance entre ceux qui luttent sincèrement.
La coordination militaire qui vient de se réaliser entre l’UFDD, le RFC et l’UFDD-F constitue un pas en avant dans la bonne direction. Le CNR par ma voix salue une telle initiative, apporte son soutien et félicite les dirigeants de trois mouvements d’avoir posé les premiers jalons de l’unité. Cependant, elle est encore suffisante pour répondre aux attentes de notre peuple et réaliser son souhait le plus ardent : «Débarrasser le pays de Deby et de ses acolytes». Il faudrait avoir donc le courage politique d’aller encore plus loin dans l’unité militaire et politique. Le peuple a horreur de l’incertitude.

Si nous persistons dans la voie de la division et dans le flou, aux yeux des Tchadiens, nous ne serons pas tellement différents de Deby. Aussi, l’opposition militaire doit-elle être plus inventive, plus imaginative et plus réaliste afin de trouver une formule pertinente d’unité au lieu d’affronter la dictature, en ordre dispersé. Que les derniers combats du mois de décembre nous servent de leçons. Si elle avait conjugué ensemble ses forces sans arrière-pensées, elle aurait évité ce gâchis, marqué des points et changé, peut-être, les rapports de force sur le terrain militaire.

Comme je le disais il y a de cela un an : chercher la conquête du pouvoir pour le pouvoir, c’est instaurer à jamais cette quadrature du cercle régi par la loi du « quitte cette place pour que je m’y mette ou je mette un des miens». Une telle attitude ne fera que renforcer la dictature et ce ne sera certainement pas dans l’intérêt du Tchad.

Il va sans dire que l’avenir du Tchad doit se décider d’abord et avant tout par l’ensemble des forces vives de la Nation, après un dialogue national, inclusif, franc et constructif autour d’un idéal certes, mais aussi autour des hommes intègres, crédibles et nationalistes ayant un esprit d’équipe, capables de mettre fin à la dictature et de bâtir un État de droit régi par des valeurs républicaines, sans chercher à s’incruster au pouvoir.

C’est pourquoi, si l’opposition armée veut contribuer au changement et être au rendez-vous de l’histoire, elle doit non seulement donner l’exemple d’unité réelle dans sa lutte contre la dictature, mais avoir des comportements différents de ceux de Deby, et ce, en montrant aux Tchadiens par des actes concrets qu’elle est différente du régime en place et capable de transcender les clivages ethniques et les méfiances chroniques, de se sacrifier et de donner un vrai sens à son combat. Alors, plus que jamais nous devons nous unir pour lutter et lutter pour nous unir.

Dr. Bichara Idriss Haggar,
Président du CNR


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