L’Arche de Zoé fait face à des accusations de crime – Reuters
Le président et cinq membres de l’ONG française Arche de Zoé, qui seront jugés au Tchad à partir de vendredi, font face à des accusations criminelles d’enlèvement de mineurs et escroquerie.
Arrêtés le 25 octobre alors qu’ils s’apprêtaient à quitter le pays par avion avec 103 enfants depuis Abéché, Eric Breteau, dirigeant de l’Arche de Zoé et ses cinq proches assurent qu’ils ne voulaient que sauver des enfants et disent avoir été trompés. Ils se plaignent d’avoir été « lâchés » par le gouvernement français, qui selon eux, les soutenait.
Les informations recueillies par les autorités tchadiennes et les organisations internationales ont établi que les 103 enfants qu’ils avaient pris en charge n’étaient ni originaires du Darfour ni orphelins.
Tchadiens pour la plupart, ils sont arrivés aux mains de l’Arche de Zoé dans des conditions encore floues, après l’intervention d’intermédiaires dans les villages proches de la frontière soudanaise. On ignore s’il y a eu rémunération.
Le projet exposé aux parents des enfants et aux autorités tchadiennes était celui d’un séjour dans un centre d’hébergement d’urgence au Tchad pour des soins médicaux et une éducation, comme l’atteste un document signé de la main d’Eric Breteau. Il n’a jamais été question de départ vers la France.
Des images tournées par un journaliste de Capa qui accompagnait l’Arche de Zoé montrent les membres de l’association congédier les personnels tchadiens en charge des enfants et couvrir ces derniers de faux bandages afin d’accréditer le scénario d’une « évacuation sanitaire », la veille du jour prévu par le départ.
Côté français, l’Arche de Zoé a été en contact avec le Quai d’Orsay, mais ce dernier a saisi le parquet de Paris en juillet 2007. L’enquête de police a conduit à l’audition d’ Eric Breteau à la Brigade de protection des mineurs le 10 août.
CONTROVERSE SUR LE DARFOUR
La police l’a alors mis en garde contre la mise en oeuvre éventuelle de son projet visant à évacuer des enfants vers la France, mise en garde qu’il déclarait avoir comprise et prise en compte dans le procès-verbal de police, qu’il a signé.
Plusieurs centaines de familles ont acquitté des sommes de plusieurs milliers d’euros à l’Arche de Zoé pour les frais d’évacuation des enfants qu’elles entendaient accueillir chez elles. Dans l’état actuel de l’enquête, on ignore si cet argent n’a servi qu’à financer l’opération, ou a été détourné.
Une information judiciaire reste ouverte en France pour « exercice illégal de la profession d’intermédiaire en vue de l’adoption et escroquerie », qui pourrait être relancée dans l’hypothèse d’un retour rapide des suspects en France après une grâce ou un accord entre les deux pays.
Le dossier a relancé le débat en France sur l’appréhension de la situation au Darfour.
L’Arche de Zoé partage le point de vue défendu par des intellectuels, l’actuel ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner et de nombreuses associations, qui parlent d’un « génocide », jugent la situation urgente et condamnent la supposée « indifférence » de la communauté internationale.
L’organisation Médecins sans frontières estime que ce point de vue est fallacieux et contribue à l’exaltation qu’elle impute à l’Arche de Zoé. La situation est selon elle celle d’un conflit régional dont l’intensité est plutôt décroissante. La présence internationale et humanitaire au Darfour, souligne MSF, est d’une importance quasiment sans précédent en Afrique.
Thierry Lévêque