Le Tchad envoie ses soldats du désert appuyer les Français au Mali – Rue89

Parmi tous les contingents africains attendus au Mali, les Français comptent surtout sur l’appui des Tchadiens, au point que cette offensive, au lieu d’être franco-malienne, pourrait être décrite comme franco-tchadienne.

Le Tchad, pays d’Afrique centrale et de ce fait non membre de la Confédération des Etats d’Afrique de l’ouest (Cedeao) qui mobilise ses troupes pour porter assistance au Mali, a annoncé l’envoi de quelque 2 000 hommes, le plus gros contingent étranger après celui de la France.

Mais surtout, il s’agit d’une armée expérimentée, aguerrie et habituée au terrain particulièrement difficile du nord du Mali, en tous points similaire au nord du Tchad dont sont généralement originaires les combattants d’élite tchadiens.

Par rapport aux armées inexpérimentées et surtout étrangères aux terrains rudes du désert qu’enverront des pays comme le Togo ou le Ghana, les Tchadiens ont tout pour devenir l’épine dorsale de la Force internationale de soutien au Mali (Misma), placée sous commandement nigérian.

Il y a plusieurs mois déjà, un cadre militaire tchadien nous confiait la disponibilité du Tchad à participer à cette intervention au Mali, et estimait, sans fausse modestie, que son armée était la seule en mesure de « faire le boulot » dans le nord du Mali.

En guerre permanente

Les Tchadiens ont, il est vrai, quelques décennies d’expérience… Le pays vit en état de guerre et de rébellion quasi permanent depuis les années 1970, depuis que les Toubous des montagnes du Tibesti se sont rebellés.

On se souvient de « l’affaire Claustre », cette archéologue française longtemps détenue en otage au Tibesti par Hissène Habré et Goukouni Oueddei. Depuis cette époque, des générations de combattants se sont succédé contre tous les ennemis : le pouvoir central de N’Djaména, les Français, les Libyens, les Soudanais, et surtout entre Tchadiens…

Le principal fait d’armes tchadien, c’est évidemment d’avoir mis en déroute – avec un appui certain des Français – l’armée du colonel Kadhafi, dont on peut encore voir les vestiges, en chars de fabrication soviétique, dans le désert, entre Faya Largeau et Fada.

La mobilité, la capacité de survivre aux fortes chaleurs, à trouver ses repaires dans le désert… Ces qualités que l’on prête à juste titre aux groupes islamistes qui ont pris contrôle du nord Mali l’an dernier sont également celles des Tchadiens.

Dans le clivage nord-sud qui traverse tous les pays de la zone sahélienne, de la Mauritanie à l’ouest, quasiment jusqu’à la mer Rouge à l’est, le Tchad est le seul dont le pouvoir politique soit aux mains de dirigeants issus du nord, de la partie aride du pays, et pas des zones plus luxuriantes du sud.

Idriss Déby, l’implacable président du Tchad, est originaire de la région de Fada, une oasis du nord du pays. Il a été le chef d’état-major d’Hissène Habré lors de l’offensive contre les Libyens, avant de prendre à son tour le pouvoir, qu’il occupe depuis plus de deux décennies.

Idriss Déby, président du Tchad, à Fada, février 2012 (Pierre Haski/Rue89)

C’est un survivant, car depuis son accession au pouvoir par la force en 1990 il a subi plusieurs tentatives d’éviction armées, notamment en 2008, où il n’avait dû son salut qu’à un coup de pouce de dernière minute de l’armée française, sur ordre de Nicolas Sarkozy, alors que le palais présidentiel était sur le point de tomber.

Mais ce n’est pas une éventuelle « dette » qui pousse Idriss Déby à s’engager massivement dans cette guerre, de manière plus significative que les voisins immédiats du Mali.

Le Tchad n’est même pas directement concerné par ces événements, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et la nébuleuse islamiste ayant échoué, jusqu’ici, pour des raisons largements ethniques et religieuses, à étendre leur zone d’influence au Tchad, pourtant un pays en grande partie musulmane – seules les populations du sud sont chrétiennes et animistes.

Idriss Déby se comporte de plus en plus comme le « parrain » de sa sous-région, avec une assurance d’autant plus grande qu’en plus de sa force militaire, qu’il n’hésite pas à employer (un contingent tchadien a été envoyé le mois dernier en Centrafrique à l’appel du président Bozize menacé par ses propres rebelles), il a désormais l’argent du pétrole, exploité par les Chinois. Même si son pays reste l’un des plus pauvres au monde.

Sauveur de l’Afrique ?

Le président tchadien se présente comme un pôle de stabilité dans une région agitée (rébellion en RCA, attentats de la secte islamiste Boko Haram au Nigeria, Aqmi au Niger et au Mali, instabilité au Soudan et en Libye), même si cette « stabilité » n’est guère propice à la démocratie intérieure – et c’est un euphémisme. Un opposant politique légal, Ibni Oumar Mahamat Saleh, a visiblement été liquidé à la faveur des troubles de 2008, en toute impunité.

En se rendant indispensable au Mali, auprès des Français mais aussi des Etats d’Afrique de l’ouest, Idriss Déby bâtit sa propre légende à l’échelle africaine. Et tente de devenir l’incontournable sauveur face à un ennemi islamiste que personne n’a su confronter jusqu’ici.

Pour l’armée française, ce ne seront que des retrouvailles, puisqu’une partie de l’opération Serval est menée à partir de la base aérienne de N’Djaména et que les deux armées se connaissent bien. Quoi qu’on en dise, la Françafrique, ça crée des liens… On pensait les Français « seuls » : avec les Tchadiens, ils le seront assurément moins.


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2 Commentaires

  1. sao

    Du débarquement des tirailleurs africains en Normandie au déploiement des forces africaines au Mali, l’histoire se répète une fois de plus pour sauvegarder les intérêts de la France.
    Si la France n’avait pas intervenu, aucune, je dis bien aucune force africaine n’allait partir au Mali pour sauvegarder ce qui reste de cet Etat divise en deux, dont le sud contrôle par un certain Sanogo qui est à l’origine du coup d’état militaire qui a en quelque sorte facilite l’occupation du nord par des groupes allies pour des raisons diverses avec la complicité tacite et la naïveté des Touaregs du MNLA.
    Alors nous nous sommes pose les questions suivantes :
    Pourquoi une intervention française au Mali ?
    Quels sont ses intérêts dans cette zone géographique ?
    Pourquoi la France se préoccupe tant du conflit dans le nord du Mali mais pas celui de la République Centre Africaine?
    Pourquoi les autres puissances occidentales ne soutiennent pas la France comme en Libye, en Irak, en Afghanistan… ?
    En ce qui concerne les africains, certes, la vieille sagesse populaire africaine veut que quand la case du voisin brûle, tout le monde se mobilise pour éteindre les flammes avant qu’elles n’embrassent tout le village.
    Pourquoi tous ces africains se pressent pour participer à la libération juste après la France malgré l’occupation du Mali par les barbus depuis bientôt 9 mois?
    Pourquoi une bonne partie des maliens refusent une assistance militaire de l’Afrique et demande le départ du Président par intérim qui a su convaincre François Hollande ?
    Pourquoi les Maliens refusent de se battre ?
    L’armée Malienne est composée de 20.000 hommes et 50 généraux, soit un général pour 400 hommes. Une armée qui n’a montré sa compétence que par des coups d’état, incapable de faire la moindre résistance aux islamistes. D’ailleurs équiper cette armée, c’est une manière de soutenir les djihadistes en logistique militaire. C’est une erreur de la part de la communauté internationale de soutenir ces généraux qui ne sont bon à rien.
    Je partage cet extrait lu sur le Faso :
    « C’est un fait avéré que l’armée malienne a des faiblesses. Nous-même on s’inquiète »
    Nuhum Togo, Chargé de la communication du ministère malien de la défense

    Censées être associées à la reconquête du Nord, les forces maliennes doivent bénéficier d’une formation accélérée dispensée par des instructeurs européens

    « Quelques jours après la reprise des combats le constat est maintenant implacable; l’armée malienne est inapte au combat.
    Malgré la bonne volonté de nos soldats qui n’ont pas démérites, l’armée malienne n’a jamais vraiment pesé bien lourd face à la rébellion malgré le soutien aérien des Français.
    Nos hommes, ont été incapables de sécuriser Konna et se sont fait chasser de Diabali. La coalition internationale devrait regrouper environ 6000-7000 hommes, ce qui peut être, considéré comme une armée, pour remplacer une armée inapte.
    Je peux comprendre que les islamistes aient récupères beaucoup d’armes en Lybie, mais comment comprendre qu’en moins d’une année ils soient mieux entraines et organises que l’armée malienne, d’autant plus que nos hommes, reçoivent des entrainements de haut niveau.
    Même si, nos soldats affirment, que l’état n’a pas investi un franc, dans leur formation depuis 20ans, ou sont donc passes les 600 millions de dollars d’aident militaire américaine ? Aucun militaire malien ne peut atteindre le rang de capitaine sans avoir au moins 2-3 ans de formation à l’étranger.
    Les américains ont près de 3000 formateurs, qui arment et entrainent toutes nos unités depuis des années. C’est vraiment inquiétant, de voir que malgré tous ces moyens investis, nos FAS sont un élément neutre dans ce conflit, et se montrent incapables d’obtenir des résultats. On n’est même pas capable de fournir des informations fiables sur la situation au front à se demander même si nous sommes capables de monter une garde ou de faire une patrouille.
    Au point où nous en sommes, je me demande si il n’est même pas préférable de réduire notre armée a 2-3 bataillons d’Elite et 5 bataillons d’infanterie aptes au combats et laisser le travail de surveillance a la gendarmerie et a aux membres de la GMS qui seraient alors mieux équipes.
    Ce qui est certain, c’est que le problème n’est pas seulement matériel, mais il est surtout humain: Nos hommes n’arrivent pas à assimiler les entrainements qu’ils reçoivent. Peut-être un problème de compréhension du français et de l’anglais ? Une incapacité à pouvoir lire et comprendre les manuels dont ils disposent ?
    Ce qui est sûr c’est qu’il faut vraiment trier et sélectionner l’Elite du pays (si elle existe parce que la franchement j’ai des doutes) pour constituer nos forces armées ».

    Sous la direction d’un certain Sanogo qui n’est jamais allé sur le terrain pour faire face à ceux qui menacent l’existence même du Mali, cette armée doit faire un effort pour que les autres apportent leur soutien.
    Sanogo continue à visiter les blesses de guerre dans les hôpitaux et fait des déclarations médiatiques en attendant impatiemment la libération du Nord par les Français et leurs acolytes africains afin de faire sa loi au Mali.

    En ce qui concerne la participation du Tchad, nous souhaitons une bonne chance à nos forces armées pour cette mission et nous en reviendrons.
    Chers internautes, en attendant une réponse a toutes ces questions posées, je vous demande également de réfléchir un peu plus sur le rôle que doit jouer notre cher pays le Tchad, le pays de Toumai, qui est un carrefour ou la route des fleuves rencontre celles du désert dans une Afrique moderne de demain, solidaire, juste et prospère, débarrassée de tous ses dirigeants corrompus et sanguinaires.

    Que Dieu aide l’Afrique en général et le Tchad en particulier. Amine

  2. Bechir

    je suis purement simplement contre l’envoi des troupe tchadiens au Mali…