L’Arche de Zoé accoste en France – Libération
Justice. Les membres de l’association ont été transférés depuis le Tchad, vendredi.
Ultime coup d’accélérateur dans une affaire menée, de bout en bout, au pas de course. A peine deux mois après leur arrestation à Abéché, les six membres de l’Arche de Zoé, condamnés mercredi au Tchad à huit ans de travaux forcés pour «tentative d’enlèvement d’enfants», ont atterri vendredi dans la soirée à l’aéroport du Bourget (Seine-Saint-Denis). Détail étonnant, le porte-parole de l’Elysée a annoncé lui-même leur arrivée. Et ce une heure avant l’atterrissage de l’avion…
«Combat». Eric Breteau et les cinq autres «humanitaires» ont été rapatriés dans un Boeing de la compagnie Toumaï Air Tchad, sous escorte d’agents de l’administration pénitentiaire française et d’une délégation tchadienne, et «accompagnés dans l’avion par un médecin», a indiqué la chancellerie. Ils ont été entendus par le procureur de Bobigny, qui devait ordonner leur incarcération, précédée éventuellement d’un séjour hospitalier en milieu carcéral, en fonction de leur état de santé. L’épouse d’Alain Péligat, le logisticien de l’ONG, avait, elle, demandé leur hospitalisation. «Il faut vraiment qu’ils aillent à l’hôpital, leur état physique est assez inquiétant», a plaidé Christine Péligat, ceux-ci ayant repris jeudi leur grève de la faim et de la soif pour protester contre le verdict. Les familles auront un droit de visite ce samedi.
Le tribunal correctionnel de Bobigny devra ensuite examiner – probablement dans les prochains jours ou les prochaines semaines – la conversion de leur peine en emprisonnement, les travaux forcés n’existant plus en droit français. Se félicitant de leur retour rapide, Me Gilbert Collard explique qu’«un autre combat s’annonce» pour les avocats défenseurs des six Français. «Aménagement, sursis, on va tout tenter», assure-t-il, concédant que «cette nouvelle démarche n’est pas gagnée». Il pointe un «espace juridique : le tribunal doit adapter la sanction au droit français». Me Collard estimerait «dramatique que la justice française entérine», en l’adaptant, la sanction prononcée par N’Djamena. La substitution de peine doit aussi recueillir l’aval du Tchad, comme avait prévenu le ministre tchadien de la Justice.
Vendredi dans la matinée, ce dernier avait donné son feu vert pour le rapatriement, à la suite des demandes individuelles des «humanitaires» et de celle formulée jeudi par Paris. «Plus rien ne s’oppose à leur départ», a annoncé le ministre, conformément aux dispositions de l’accord bilatéral de 1976, qui permet aux membres de l’ONG de purger leur peine en France. Nicolas Sarkozy s’était également entretenu, jeudi au téléphone, avec son homologue tchadien, Idriss Déby, «pour préparer les conditions du transfèrement des six Français», selon l’Elysée.
«Escroquerie». Les membres de l’ONG n’en ont pas pour autant fini avec la justice, une information judiciaire ayant été également ouverte à Paris, le 24 octobre, pour «exercice illégal de l’activité d’intermédiaire en vue d’adoption», «aide au séjour irrégulier de mineurs étrangers en France» et «escroquerie». Dans ce volet français, ils encourent un nouveau procès : plusieurs dizaines de plaintes déposées par les familles approchées par l’Arche de Zoé ont été regroupées. Il s’agira toutefois d’examiner si les faits sont bien distincts de ceux visés dans la condamnation tchadienne, le droit français ne permettant pas de les rejuger pour les mêmes faits.
Les membres de l’association, accusés d’avoir tenté d’exfiltrer vers l’Europe 103 enfants qu’ils disaient orphelins du Darfour – mais apparemment tchadiens pour leur très grande majorité -, restent par ailleurs redevables de 4,12 milliards de francs CFA (6,3 millions d’euros) de dommages et intérêts, qu’ils ont été condamnés à payer solidairement avec deux autres coaccusés tchadien et soudanais aux parties civiles.