Le Tchad dérive vers la guerre – cyberpresse

Le Tchad a démontré un sursaut national dans l’affaire de l’Arche de Zoé, condamnant les accusés d’enlèvement d’enfants, mais le pays d’Afrique centrale dérive vers la guerre, avec ses rebelles et avec le Soudan, et le régime du président Idris Déby Itno frappe sans ménagement.

L’ONU ayant confirmé que des avions tchadiens avaient bombardé dimanche et lundi des positions rebelles près d’El-Geneina, au Darfour, Ndjamena a confirmé, après s’être «indigné» d’une plainte de Khartoum au Conseil de sécurité de l’ONU.

À Montréal, on apprenait d’une source sûre ayant requis l’anonymat pour des raisons de sécurité que le journaliste Nadjikimo Benoudjita, directeur de l’hebdomadaire Notre Temps, a été enlevé le 14 décembre par des hommes armés en uniforme à son domicile de Ndjamena, qui sert aussi de local à la publication.

«Il était détenu en secret, mais devant le tollé des groupes de presse et de droits de la personne, les autorités l’ont fait comparaître le 17 décembre et l’ont libéré en l’accusant d’incitation à la haine tribale et religieuse, après avoir parlé de diffamation et d’insulte au chef de l’État», a confié cette source.

«De crainte d’être assassiné, il vit désormais caché. Le journal a été fermé. Des hommes armés ont pris possession de la maison. La famille est partie. Dans son message du Nouvel An, le chef de l’État a déclaré la guerre à la presse et affirmé qu’il s’occuperait en personne du cas de Benoudjita», a ajouté cette source.

Protection de la France

Le général Idris Déby Itno, ancien bras droit du dictateur Hissène Habré, a pris le pouvoir par un coup d’État en 1990. Il fait face à une dizaine de rébellions armées, dont une, le Rassemblement des forces du changement (RFC), est dirigée par deux de ses anciens collaborateurs, ses neveux Tom et Timane Erdimi.

Les rebelles l’accusent de corruption et de violations de droits, affirmant qu’il dilapide la richesse pétrolière du pays alors que les 10 millions de Tchadiens vivent dans la misère.

Ils ont mené, séparément, plusieurs coups de force contre le régime, dont un en mai 2004, une tentative de putsch en mars 2006 et une offensive le mois suivant jusqu’au coeur de la capitale. À chaque attaque, le régime a été sauvé par les forces françaises basées dans le pays. Les rebelles accusent la France d’armer le régime de son ancienne colonie.

Producteur de pétrole depuis 2003, le Tchad abrite aussi, à Doba, le point de départ d’un oléoduc de 1070 km qui va jusqu’au port de Kribi, au Cameroun. Ce projet a coûté plus de 4 milliards$ investis par Chevron, Exxon-Mobil, Petronas et la Banque mondiale.

Le Tchad accuse le Soudan d’armer et d’abriter les rebelles tchadiens. Le Soudan accuse le Tchad d’armer et d’abriter ceux du Darfour. Ndjamena a annoncé hier qu’il va user de son «droit de poursuite» au Soudan, et les États-Unis ont appelé à des «sanctions renforcées» de l’ONU contre Khartoum.

L’ONU a protesté mardi auprès du Soudan après une attaque contre sa mission conjointe avec l’Union africaine au Darfour (Minuad). Un chauffeur soudanais a été blessé. C’est la première attaque contre la Minuad qui a pris le 1er janvier le relais de la mission africaine, l’Amis.

Elle compte 9000 personnes et doit devenir la plus importante mission de paix de l’ONU avec 26 000 membres. La Norvège et la Suède ont toutefois retiré hier leur offre d’y participer en raison de l’opposition du Soudan.

L’armée soudanaise «est prête à faire face à toute attaque tchadienne», a déclaré son porte-parole, Mohammed Otham al-Aghbach.

Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est dit préoccupé de la tension entre le Soudan et le Tchad, et a appelé les deux pays à la retenue et au dialogue.


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