La France donne un coup de pouce pour mettre l’Eufor sur les rails – Libération
Les pays européens engagés dans l’opération de maintien de la paix au Tchad et en République centrafricaine doivent annoncer aujourd’hui leur contribution à cette mission de protection des réfugiés soudanais du Darfour. Ce qui va permettre au général irlandais Patrick Nash, commandant de l’Eufor-Tchad-RCA, de lancer l’opération début février.
Pourquoi l’Eufor a tant tardé ?
La force européenne au Tchad et en Centrafrique était censée se déployer en novembre, juste après l’arrêt de la saison des pluies, qui marque en général la reprise des combats dans l’est du Tchad. Ces trois mois de retard sont essentiellement dus à l’incapacité – ou au manque de volonté – des Européens de dégager des moyens logistiques et aériens. Difficile de croire que le déploiement de 4 000 hommes pour une mission présentée comme urgente, voire cruciale, soit suspendu à une douzaine d’hélicoptères et quatre avions de transport tactique. C’est pourtant bien le cas. En fait, le pays prêtant ses moyens aériens est censé assurer l’entretien du matériel et fournir les hommes pour le faire fonctionner. A cause du fort engagement occidental en Afghanistan, les soldats et les hélicoptères manquent : même l’Albanie, sollicitée, a promis quelques dizaines d’hommes. Face à l’intransigeance des Allemands et des Britanniques et au risque de dérive du calendrier, la France a fini par se résoudre à proposer des moyens supplémentaires : une demi-douzaine d’hélicoptères, selon une source diplomatique. Il en allait de la crédibilité de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE. Mais l’état-major français, qui estime que cette opération coûte déjà assez cher comme ça, compte sur des renforts russes et ukrainiens.
Quel est l’engagement de la France dans l’Eufor ?
Paris, qui est à l’initiative de cette mission, conçue comme le pendant de la mission ONU-Union africaine au Darfour (qui a aussi pris du retard), s’était fixé pour but de ne pas dépasser la moitié du contingent, pour des raisons financières et politiques. Prévu pour atteindre à terme 4 300 hommes, l’effectif de départ de l’Eufor va tourner à 3 700 hommes, dont 2 100 Français, selon le ministre de la Défense, Hervé Morin. Sachant que l’essentiel du dispositif est au Tchad, cette forte coloration française pose problème. Le régime d’Idriss Déby, menacé par une rébellion soutenue par le Soudan voisin, bénéficie de l’aide active de l’armée française (renseignement, transport, armement) qui y entretient 1200 hommes au titre de l’opération Epervier et des accords de coopération militaire. Comment distinguer les soldats français de l’Eufor et ceux d’Epervier ? Les rebelles ont annoncé qu’ils considéraient l’Eufor comme une entité hostile.
Quels sont les risques de cette mission ?
Outre l’implication de la France au Tchad – et en Centrafrique d’ailleurs, où l’armée française a fait feu sur des rebelles en 2007 – les inquiétudes sont multiples. Que faire en cas de conflit ouvert entre le Tchad et le Soudan, qui sont à couteaux tirés ces derniers jours ? Quel accueil réservera la population, remontée contre les occidentaux après le scandale de l’Arche de Zoé ? Quel rôle jouera la Libye du colonel Kadhafi, hostile à toute intrusion étrangère dans son arrière-cour ? Idriss Déby va-t-il cesser d’aider les rebelles soudanais, qui n’hésitent pas à faire le coup de feu dans leur pays d’origine ? Et ces rebelles vont-ils cesser de recruter des hommes, voire des enfants, dans les camps de réfugiés au Tchad ?
CHRISTOPHE AYAD