Tchad: l’opposant Yorongar refuse de perdre du temps à signer un accord vain – Afp
Signer l’accord conclu lundi entre majorité et opposition tchadiennes sur les futures élections serait « une perte de temps » car il ne résoudra « jamais le problème » du Tchad, a estimé l’opposant Ngarlejy Yorongar, chef du seul parti d’envergure à avoir refusé de parapher ce texte.
Le président de la Fédération Action pour la République (Far) première force d’opposition à l’Assemblée nationale, prône à la place un dialogue élargi à l’ensemble de la classe politique tchadienne – opposition en exil, société civile, différentes rébellions…
« Je pense que c’est une perte de temps que de signer ce genre de papier« , a expliqué M. Yorongar, joint depuis Libreville par l’AFP.
« Cet accord est le genre de papier qu’on a l’habitude de signer au Tchad. Ca ne réglera jamais le problème tchadien (…) Il faut s’arrêter aujourd’hui pour pouvoir regrouper tout le monde autour d’une table. De la discussion sortira peut-être un accord qui peut lier tout le monde« , a-t-il déclaré.
« Un accord électoral c’est bien, mais pour permettre une élection libre, démocratique et transparente, il faut que sur l’ensemble du territoire il y ait la quiétude« , a développé l’ancien adversaire du président Idriss Deby Itno au deuxième tour de la présidentielle de 2001.
« Admettons que l’accord soit mis en oeuvre: est-ce que moi Yorongar ou n’importe quel acteur politique, pouvons aller faire campagne dans l’est du pays, dans le nord du pays, dans le centre du pays? », où des rébellions combattent l’armée tchadienne, interroge-t-il.
« C’est pourquoi on tient mordicus à un dialogue inclusif« : en l’état actuel « une élection ne se passera normalement que dans la partie sud où il y a un calme relatif« , a-t-il estimé.
M. Yorongar a dénoncé également le contenu même de l’accord et des « avancées en trompe l’oeil« . Il a souligné que la Commission électorale indépendante (Céni) paritaire, que le texte met en place, resterait soumise aux décisions du Conseil constitutionnel, dont les neufs membres sont affiliés selon lui au parti du président Deby, au pouvoir depuis fin 1990.
« La Céni qui est paritaire aujourd’hui peut déclarer provisoirement élu quelqu’un, mais le Conseil constitutionnel qui a le dernier mot peut revenir sur la décision de la Céni« , a-t-il expliqué. Or « au Conseil constitutionnel, les neuf membres sont des membres patentés du MPS » (Mouvement patriotique du Salut), a-t-il affirmé avant de dénoncer également la surreprésentation du parti présidentiel au sein du comité de suivi.
M. Yorongar a aussi déploré que le recensement démographique prévu par l’accord et devant déboucher sur l’élaboration d’un nouveau fichier électoral ait été confié au gouvernement et non à la Céni. « Imaginez un peu ce que le gouvernement fera de ce recensement! (…) Est-ce que vous savez que le dernier recensement électoral a fait apparaître que 95% des Tchadiens sont électeurs? », raille-t-il.
Quant à la prorogation du mandat de l’Assemblée jusqu’en 2009, cela revient « à confier deux mandats à l’Assemblée nationale, ce qui est ridicule« . L’Assemblée actuelle, élue en 2002, aurait dû être renouvelée en 2006 mais elle avait déjà prolongé son mandat de 18 mois pour des raisons financières.
Quant au risque que son refus de se joindre au reste de l’opposition l’isole sur la scène politique tchadienne, cette figure iconoclaste de l’opposition dit n’en avoir cure. « La marginalisation j’en ai l’habitude et cela ne me fait pas peur, parce que la confiance que le peuple m’a faite est restée entière« , affirme-t-il, sans doute pas mécontent d’apparaître au Tchad comme le dernier irréductible.