Le Tchad repond par un procès devant la cour criminelle de N’djaména – Sud Quotidien
Des agents de l’administration «répressive» de l’ancien président tchadien, y compris deux qui sont visés par les Chambres africaines extraordinaires à Dakar, seront jugés à devant une Cour criminel à N’Djaména. Les inculpés seront jugés pour assassinats, tortures, séquestrations, détentions arbitraires, coups et blessures volontaires, coups et blessures volontaires mortels et autres actes de barbaries.
La Chambre d’accusation de la Cour d’appel de N’Djaména, a inculpé des agents de l’administration sous l’ancien régime de Hissène Habré. Ces derniers seront jugés pour «assassinats, tortures, séquestrations, détentions arbitraires, coups et blessures volontaires, coups et blessures volontaires mortels et autres actes de barbaries».
Human Rights Watch, à travers un communiqué en date du 25 octobre 2014, déclare que «la décision d’une juridiction tchadienne du 23 octobre 2014 renvoyant 29 présumés complices de Hissène Habré devant une cour criminelle est une avancée significative de la longue lutte des victimes en faveur de la justice».
Toutefois, face aux craintes que les autorités s’empressent de boucler le dossier, l’organisation de défense des droits de l’homme a insisté pour que leur procès soit organisé de manière juste, transparente et équitable, relève le texte.
La mise en accusation de responsables du régime de Hissène Habré fait suite à l’inculpation et au placement en détention de l’ancien homme fort de N’Djaména, en juillet 2013 à Dakar, par les Chambres africaines extraordinaires, juridiction créée au Sénégal pour «poursuivre et juger le ou les principaux responsables» des crimes internationaux commis au Tchad pendant son régime.
«Les survivants, les veuves et les orphelins du régime de Hissène Habré luttent depuis 24 ans pour que Hissène Habré et ses complices soient traduits en justice». «Après l’inculpation de Habré à Dakar, la mise en accusation au Tchad des agents de son régime est un événement majeur de la lutte contre l’impunité, mais le gouvernement tchadien doit s’assurer que leur procès soit juste, équitable et transparent», dit Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch.
Ce n’est seulement qu’en mai 2013, peu après la création des Chambres africaines extraordinaires à Dakar, que la justice tchadienne a relancé ces poursuites en arrêtant et inculpant plusieurs anciens supposés tortionnaires.
Le 4 septembre 2014, le juge d’instruction du Premier cabinet du Tribunal de grande instance de N’Djaména, Amir Abdoulaye Issa, avait rendu une ordonnance de renvoi permettant le procès de 21 agents du régime du prédécesseur de Idriss Deby Itno et décidant d’un non-lieu pour 9 autres agents. Après les réquisitions du Procureur général et les différents appels motivés des parties civiles, la Chambre d’accusation a, le 23 octobre 2014, finalement mis en accusation 29 anciens agents de l’administration de Habré, tous visés par les plaintes des victimes, sauf un, le général Bechir Ali Haggar, se désole Human Rights Watch.
Que d’irrégularités et d’intouchables…
Selon les avocats des parties civiles, ces derniers n’ont été notifiés que le jour même de l’enrôlement du dossier au calendrier de la Chambre d’accusation. La décision a été distribuée à l’audience sous forme manuscrite. Les avocats craignent que le pouvoir judiciaire tchadien ne soit en train de chercher à expédier l’ensemble de ce dossier, sans lui donner l’attention et la préparation qu’il mérite. Toutes les victimes présentées n’ont pas été auditionnées par la juridiction d’instruction, et aucune confrontation entre les présumés tortionnaires et les parties civiles n’a été organisée. Les avocats de certains inculpés ont aussi soulevé plusieurs irrégularités, note le document.
La décision du 23 octobre concerne 29 personnes. Toutefois, trois de ces inculpés renvoyés seraient décédés et un quatrième n’a pu être localisé. Le nom d’un autre présumé «tortionnaire» inculpé et renvoyé devant la Chambre d’accusation a aussi disparu de la liste retenue par la Chambre d’accusation. Trois autres anciens agents inculpés en 2013 ont bénéficié d’un non-lieu. Ainsi ce sont donc 25 anciens agents du régime de Hissène Habré qui devraient être jugés devant la Cour criminelle, dont un in absentia.
Parmi les personnes renvoyées, deux sont aussi visées par les Chambres africaines extraordinaires: Saleh Younouss, un ancien directeur de la Direction de la documentation et de la Sécurité (DDS), et Mahamat Djibrine. Les Chambres demandent leur transfert du Tchad vers le Sénégal depuis plus d’un an, mais face aux tergiversations des autorités tchadiennes, la juridiction spéciale avait envoyé au Tchad le 13 octobre 2014 une demande de commission rogatoire que le Tchad avait rejetée le lendemain, rappelle le texte.