Mr Deby, à la recherche des alliés de substitution pour d’autres missions commandées.
La visite de Mr Deby au Caire à la tête d’une délégation de 25 personnes dont les principaux Ministres (Affaires Etrangères, Intérieur et Défense) n’était pas anodine au regard de ce qui se passe dans la zone sahélo-saharienne. En effet le monarque de N’djaména, ayant perdu toute crédibilité en Afrique Centrale et en Afrique de l’Ouest par son comportement de voyoutisme, de gangstérisme et par ses relations contre nature avec la maffia obscurantiste incarnée par Boko-Haram, cherche désespérément à s’accrocher à une branche qui ne cède pas.
Dans l’actuelle configuration géopolitique de la sous-région Cemac et de la zone sahélo-saharienne, il manque réellement pour Mr Deby des accoudoirs sûrs. Fuyant désespérément les problèmes internes de son pays, il cherche à se faire utile en mettant la renommée de son armée au plus offrant.
L’allié de l’Est ayant tourné la page Deby, même si des consignes ont été données pour ménager le soldat Deby jusqu’à son évacuation par des bourrasques sociales in situ, le Soudan, sans se référer aux anciennes fractions de Darfour, prépare à sa manière l’après Deby, lequel Deby, conscient des tractations de son allié, cherche à lui rendre la monnaie sans succès. Il manque en effet des partisans car les deux compères (Mrs Al Béchir et Deby) n’avaient pas marché sur le dos de la cuillère pour se défaire sans aucune forme, de leurs rebellions respectives ; alors de part et d’autre personne ne souhaite ou ne croit à leurs offres. Si le Soudan possède des ressources inépuisables en aventuriers de tout bord, prêtes à rééditer tout saut dans l’inconnue, il n’en est pas de même pour Mr Deby qui peine ces derniers temps à trouver des anti- régime soudanais en dehors du groupe JEM et MLS. Or ceux-ci n’ont pas conservé de bons souvenirs de leur collaboration passée avec le Sultan. Ajouter à cela des antipathies et du manque de confiance réciproques.
Ce climat de suspicion parsemé d’innombrables inconnues a obligé Mr Deby à se confier aux responsables des services de sécurité auprès de l’Ambassade de l’Egypte à N’djaména. Ceux-là n’ont pas hésité à saisir la balle au bond. En effet le régime putschiste du Caire a déclaré dès son arrivée au pouvoir une guerre larvée contre le régime islamiste de Khartoum considéré comme le pivot et le centrifuge incontournable de la mouvance islamique mondiale, et de surcroît l’allié de l’ignoble Ethiopie qui agite continuellement un épouvantail contre les eaux du Nil.
Certes des pressions conséquentes suivies des menaces militaires ont été faites par l’Egypte et l’Arabie Saoudite à l’endroit du Soudan et du Qatar pour qu’ils n’outrepassent pas la ligne rouge, mais la nébuleuse islamo-militante injectée par ces deux pays est telle que l’Egypte ne pourrait être tranquille qu’à l’effacement complet du régime installé à Khartoum. Or les cellules structurelles mises en place par le Soudan dans les pays de la zone (Egypte, Libye) avec l’appui d’autres puissances pourraient continuer à menacer la stabilité des pays concernés et ce, malgré la baisse des ardeurs soudanaises après le rappel à l’ordre saoudien.
Dans ces conditions, on pourrait se poser légitimement la question de savoir pourquoi l’Egypte n’aiderait-elle pas le JEM et MLS pour se débarrasser du régime soudanais ? Selon les sources, c’est sur insistance du Sultan que les égyptiens ont mis un frein à cette option. En effet selon Mr Deby, le MLS est en état de déliquescence dont les morceaux sont mûrs pour les ramasser un à un et les remettre au pouvoir soudanais au besoin, quant au JEM c’est bonnet blanc, blanc bonnet avec le système actuel au Soudan sinon c’est pire car le JEM incarne l’aile dure de la mouvance islamique (sic).
C’est dans ce contexte délétère pour Mr Deby qu’intervient sa visite en Egypte dont le but principal consisterait à créer un axe Tchad-Egypte-Arabie-Saoudite, lequel axe soutenu politiquement et militairement par les mêmes puissances qui avaient «assassiné» le Colonel Kadhafi. Cet axe n’a autre objectif que de combattre à court terme les mouvements islamistes qui pullulent au sud libyen et qui menacent en permanence l’Afrique centrale et occidentale, mais à moyen terme cette coalition a sans nul doute dans sa ligne de mire le régime soudanais. Dans cette nouvelle perspective, il faudrait faire accepter au royaume wahhabite Mr Deby qui jouit d’une exécrable presse auprès des dirigeants saoudiens. En effet deux faits majeurs ont définitivement terni l’image du tchadien qui y est considéré presque comme un apostat. On se rappelle en 2008 sous le parrainage du souverain saoudien, Al Béchir et Deby avaient signé un accord de paix entre les deux pays dans l’enceinte de la sainte KAABA. Mr Deby s’était rendu 48h après la signature en Libye pour la dénoncer ! C’est un parjure sinon un sacrilège inacceptable pour les saoudiens. Deuxième fait, à Khartoum en 2010 lors de son 1er déplacement après les rétablissements des relations entre les deux pays, devant une assemblée médusée au Palais de congrès, Mr Deby était incapable de prononcer correctement «la prière prophétique» qui est un B.A B.A de tout musulman. Depuis lors les saoudiens avaient mis presque une croix sur le tchadien.
Eu égard des potentialités énormes en matière militaire et sa disponibilité à rendre service à moindre frais pour vu qu’on l’applaudisse, le Raïs égyptien a jugé utile d’effectuer un déplacement le 21 decembre 2014 en Arabie Saoudite pour plaider la cause de ce nouveau partenaire malgré l’odeur nauséabonde qu’il dégage. Mr Deby qui attendait l’ultime top de l’égyptien pour s’aventurer dans les oasis libyennes n’a pas eu la patience de retarder la mobilisation de ses troupes jusqu’au retour du Raïs. Dès lors que celui-ci l’a informé à partir de la terre sainte que le message a été bien transmis et bien accueilli ; ce même jour (21/12/14) il ordonne le mouvement de ses troupes.
L’intervention de l’armée tchadienne en Libye est un bras d’honneur adressé à l’endroit des soudanais. De Dakar en passant par Nouakchott, Deby a été adulé pour l’encourager à franchir le pas ; naturellement ceux qui tapaient sur le tam-tam ne sont en fait que de simples exécutants sinon des figurants, les chefs d’orchestre sont ailleurs au-delà de la méditerranée. Comme signalé plus haut, malgré le profil bas que le Soudan et ses alliés ont commencé à adopter à cause des multiples pressions, la zone de Benghazi constitue sans nul doute leur hinterland ; ils avaient investi suffisamment en hommes et en matériels. De même les combattants locaux occupent des positions stratégiques en sus des puits de pétrole ; c’est pourquoi selon les spécialistes, si jamais les troupes tchadiennes s’aventuraient au-delà des zones Toubou, elles seront surprises et l’hécatombe du Zaïre risque de se répéter. En un mot ce ne serait plus une promenade en safari.
Indépendamment de son aspect médiatique, beaucoup des observateurs, y compris parmi ses soutiens, se posent des questions sans réponse. Comment le Tchad pourrait-il s’aventurer dans une opération hautement risquée et hautement géostratégique sans prendre aucun gant politique au niveau interne et diplomatique au niveau externe. Même les grandes puissances qui poussaient Deby à intervenir étaient surprises par la rapidité de mobilisation alors qu’aucune couverture juridique et diplomatique n’a été mise en vigueur; moins encore la mission exacte conférée à ces militaires.
Quant aux instances politiques du pays, elles sont restées aphones. Une fois n’est pas coutume, la grogne a eu lieu là où on l’attendait guère : au sein de la grande muette. En effet celle-ci a fait savoir au chef suprême de l’armée qu’il exagère dans l’emploi de l’armée tchadienne à des opérations de prestige ou par procuration pour le plaisir des autres ; et ce, sans tenir compte des vies humaines et les dégâts collatéraux. Les jours à venir nous diront si la pression a eu de suite.
Par ailleurs, le Soudan qui se prépare en ce début d’année à une grande offensive contre ses différentes tendances politico-militaires réunies sous la bannière de FRS, avait demandé à son allié la participation de l’armée tchadienne sous couvert des forces mixtes, ce dont Deby a donné son accord de principe. Ce problème sera discuté après la fête des armées qui aura lieu à Amdjeress en février 2015
Issahk Djérou Bouyébri