Les Brèves de N’Djamena – La grand Muette rechigne

L’intervention de l’armée tchadienne en Libye crée des véritables remous au sein de la grande muette en général et chez les Béris en particulier. Un groupe bien constitué de toute sensibilité régionale s’est rendue le 23 décembre à la présidence pour une rencontre avec le Chef suprême des armées. Les militaires ont posé sans détour des questions concrètes à Deby : «Quel est l’intérêt du Tchad de s’aventurer au sud libyen qui est le fief des cousins toubous ? Y-a-il une menace contre le Tchad venant de cette zone ?» Après avoir soliloqué pendant une vingtaine de minutes, le Sultan a fini par avancer deux raisons :

1. le contingent tchadien acquerra une expérience supplémentaire et sera enrôlée aux contingents des casques bleus avec une prise en charge matérielle et financière conséquente ;
2.  le Tchad participera à la lutte contre les islamo-terroristes de Benghazi. La réplique a été inhabituellement sèche et directe de la part de ses officiers.

Selon ces derniers,

1. d’abord l’intervention tout azimut de l’armée tchadienne dans les 4 coins du monde, laquelle intervention tant ovationnée par l’extérieur, a causé et continue de causer des dégâts inestimables tant humains que matériels dans la société tchadienne. Ni les bérets bleus, moins encore les appâts financiers ne pourraient remplacer ce que le Tchad perd en hommes et en crédibilité, en effet les tchadiens sont mal vus au Darfour, en RCA et même (curieusement) au nord Mali.
2. le Tchad étant un pays pétrolier donc riche, n’a pas besoin de mettre ses soldats en pension dans les cantines de l’ONU pour son entretien. Ensuite le terrorisme doit être éradiqué par ceux-là mêmes qui l’ont essaimé. Le Tchad n’a pas besoin non plus de faire 2000 km pour aller trouver les islamistes et leur livrer la guerre. En conclusion, les officiers ont demandé ni plus ni moins d’arrêter immédiatement cette aventure et de réfléchir murement d’dorénavant pour toute autre initiative de ce genre.

Comme il fallait s’y attendre, le ton a monté et le monarque, égal à lui-même, a commencé à doigter un à un les officiers et leur a lâché «ce que j’entends de vos bouches est une mutinerie ou bien vous avez des contacts avec ceux qui parcourent le monde pour mettre encore le Tchad à feu et à sang ?» En même temps la nombreuse progéniture du monarque qui assiste à la réunion a commencé à verbaliser les participants avec des menaces.

Finalement, les officiers qui se sont bien préparés pour affronter leur Chef, ne se sont pas fait démonter par les intimidations des bambins : très calmement, ils ont réitéré leur désapprobation et se sont retirés en ordre.

Beremadji Félix
N’djaména – Tchad