L’armée tchadienne, un business rentable

Il est tout à fait naturel que le peuple tchadien soit fier de son armée ; mais devrait-il l’être des missions qu’on lui assigne par procuration soit pour des raisons mercantiles ou à la place des autres qui préfèrent préserver leurs vies ?

Même si par esprit de bassesse, le despote voudrait bien s’octroyer la paternité de la légende guerrière des tchadiens, il faut scander haut et fort que la témérité, la combativité et l’audace des tchadiens dans l’armée ne date pas de son temps. Tous ceux qui avaient eu l’occasion de rencontrer les anciens présidents togolais et nigériens (Eyadema- Kountché) se rappelleront sûrement des incessantes anecdotes croustillantes qu’ils racontaient à leurs visiteurs sur la bravoure des troupes tchadiennes, lors de leurs opérations aux temps coloniaux. Plus récemment encore l’armée tchadienne avait épaté le monde entier en poussant l’audace jusqu’à Maaten el Sarrah après avoir libéré le nord du pays en matant une armée libyenne suréquipée, dix fois plus nombreuse et assistée de mercenaires.
A l’heure actuelle, grâce à son armée le Tchad est au-devant de la scène ; les militaires tchadiens sont sur tous les fronts, mais à quel prix et pour quelles causes ? L’opinion nationale ne mesure certainement pas les difficultés matérielles, financières et morales auxquelles sont confrontés ces jeunes quotidiennement, durant leur séjour à l’étranger, et sans parler des sacrifices de tout genre en vies humaines. Certes les commanditaires de ces missions payent au prix fort l’intervention tchadienne mais à l’aval l’argent n’arrive pas aux destinataires. En effet, Mr Deby s’est accaparé la glorieuse renommée de l’armée pour en faire un fonds de commerce sans pudeur et l’a transformée en une armée des mercenaires dont on paie le service rendu.
Malheureusement c’est l’étiquette que son chef suprême lui a collée et aussi c’est l’idée que l’opinion publique s’est faite de l’armée tchadienne. Dès lors qu’un pays se trouve confronter à des difficultés militaires sur son territoire, ou voudrait bien préserver la vie de sa soldatesque, alors on s’adresse à Deby qui met ses militaires immédiatement au service du demandeur contre des espèces sonnantes et trébuchantes ou quelque fois contre un soutien moral à son régime en déficit en matières des droits humains de son propre peuple.
Aux premières heures de l’arrivée du MPS au pouvoir, le régime togolais fut déstabilisé par une révolte populaire. La France protectrice de deux régimes demanda à Deby de secourir Eyadema père, ce qui fut fait: un commando de tueurs fut envoyé et rétablit l’ordre au prix des dizaines des corps flottants sur le fleuve…. On se rappelle encore du chèque de 1 milliard de CFA qui fut brandit publiquement à l’époque.
L’équipe tchadienne mise à la disposition de l’ONU au Rwanda se rappellera pour longtemps la façon dont elle a été spoliée de ses émoluments versés par les NU, par le Sultan fortement conseillé et aidé par son ambassadeur aux Nations Unies et le ministre des finances de l’époque. L’épisode le plus dramatique pour les militaires tchadiens fut sans nul doute leur envoi en RDC. Ce fut à la demande du Guide libyen, et sur son support financier, que le Tchad avait envoyé une colonne armée.
On se rappelle que quelques 400 tchadiens ont laissé leur vie à cause d’une mauvaise coordination des opérations entre alliés et pour la majorité à cause des maladies tropicales contre lesquelles nos soldats n’étaient pas vaccinés. Le régime n’a jamais fait cas de ces pertes ni à l’opinion nationale ni aux parents de ce qui est advenu réellement à ces pauvres tchadiens, et moins encore des indemnisations aux ayant-droits. Le Soudan est l’autre souk où le soldat tchadien est mis en vente. Après avoir créé et alimenté toutes les factions de la rébellion soudanaise, Deby a fait une volte-face magistrale, en les reniant, pour se mettre à la disposition du régime du Soudan et les combattre.
Deby n’a jamais porté les socialistes français dans son cœur et ceux-ci le lui rendaient bien, jusqu’aux événements du Mali où Deby a intervenu avant que la demande officielle ne lui soit adressée. Il faut rappeler que la France avait sauvé le soldat Déby lors de deux incursions des rebelles jusqu’à Ndjamena : le FUC en 2006 et l’UFR en 2008. Alors Deby ne peut rien refuser à ses parrains. Les soldats tchadiens au Mali servent d’assurance vie au régime de Deby et de chair à canon pour couvrir les militaires français. La mort d’un tchadien ne valant pas celui d’un soldat français !
L’escapade actuelle des troupes tchadiennes au Cameroun répond à deux préoccupations majeures. Même s’il y a objectivement des raisons pour le Tchad de vouloir dégager et sécuriser les voies d’accès vers l’extérieur, en réalité cela n’est pas la principale préoccupation du locataire du palais rose. Selon ses habitudes, l’intervention du Tchad répond d’abord et avant tout aux sollicitations des occidentaux dont le Tchad est devenu leur faucon de chasse le plus malléable et le plus accommodant, en contrepartie, ils ferment les yeux sur la nature dictatoriale du pouvoir en place. Et d’autre part, fidèle à ses habitudes, Deby a besoin d’argent et selon des sources concordantes, des containers remplis des liasses ont commencé à affluer de tous côtés, pour la prise en charge complète du contingent tchadien et pour d’autres besoins locaux.
Selon son entourage, Deby serait très content de son affaire; « c’est une bonne affaire « , aurait-il répété à plusieurs reprises devants ses proches. Les mêmes proches rapportent qu’il y a eu plusieurs accords secrets entre les uns et les autres: BH n’attaquera plus le Cameroun donc pas d’affrontements en perspective entre BH et l’armée tchadienne. A la veille des élections, le Nigeria ne permettra pas à une armée étrangère de pénétrer dans son pays, « ainsi pas de rencontre entre BH et l’armée tchadienne », disent les mauvaises langues. Mais malheureusement le Sultan d’Amdjeress veut du sang des tchadiens pour faire parler de lui.
Quelle bonne affaire que l’armée tchadienne pour les poches de Déby ! On achète de l’armement, des munitions et du matériel avec l’argent du trésor public. On loue aux enchères au plus offrant les soldats tchadiens. Le prix de la location va directement dans les poches de Déby. On peut chercher avec les plus puissantes loupes mais on ne trouvera aucune trace de ce magot au Trésor public. Et pour les soldats morts aux combats, ce sont des martyrs, point barre. Non seulement les parents n’auront même pas un centime pour apaiser leur chagrin mais ils ne seront que rarement mis au courant du vrai sort de leurs enfants. Certains parents des 400 sacrifiés en RDC croient jusqu’à ce jour que leurs enfants sont en mission au nord du Tchad ! Qu’il est super rentable, le commerce de l’armée tchadienne !

Beremadji Félix
N’djaména – Tchad