Deby, la France et le franc CFA

Lors de sa rencontre avec la presse tchadienne, Deby a fait des sorties assez étonnantes, axées essentiellement contre la France, à travers la françafrique. Des sorties bizarres et étonnantes parce qu’elles émanent de Deby, connu pour être un super pantin de la françafrique, mis sur orbite, protégé et utilisé par cette même françafrique pendant un quart de siècle. Deby, ingrat ? On est tenté de le penser !

Au cours de cette rencontre, Mr Deby a abordé plusieurs sujets mais on en retiendra deux.

  1. D’abord il s’en est pris violemment aux différentes  interventions françaises en Afrique et notamment celle en Libye  qui a liquidé son protégé inconditionnel Kadhafi. Il est littéralement inconsolable. Il l’a déjà signifié à son ami, le Ministre de la défense Le Druan, à Dakar. Il en rajoute encore cette fois-ci. Plus grave, il a accusé la France sans oser la nommer que c’est elle qui fournit Boko-Haram en armes. Piètre connaisseur en histoire, Deby a aussi mis sur le dos de la France l’assassinat de Lumumba. Or tout le monde sait que c’est la CIA, la Belgique et Mobutu qui ont liquidé cet illustre et digne fils de l’Afrique. Et il a ajouté, toute honte bue, que : «si tu n’es pas béni-oui-oui, tu seras liquidé, mais je ne serai jamais un béni-oui-oui.» Quelle histoire, le Président-Général-Sultan est tombé sur la tête ! Plus béni oui-oui que lui tu meurs !
  2. Une longue tirade sur le franc FCFA ! On se demande fort bien s’il s’agit d’un sujet  improvisé ou mûrement réfléchi ? En effet, Deby s’est longuement appesanti sur la question. On a même senti de l’émotion dans sa voix, avec un changement de posture gestuelle assez accentuée comme si pour donner un peu plus de la solennité et de la hauteur à la question. «Pas de tabou » lança-t-il. «Désormais jamais de tabou, tout le monde doit en parler, du Chef de l’Etat jusqu’au simple directeur. Il faut en parler, il faut battre notre propre monnaie, une monnaie véritablement africaine», insiste-il ; sachant pertinemment qu’il vient là d’ouvrir une boite à pandore.

Il est de notoriété publique qu’en Afrique Francophone subsaharienne, il y a 2 sujets que les Chefs d’Etat n’osent aborder, ni en public ni en privé : le franc CFA et la présence militaire dans certains pays, comme le Tchad. Le franc CFA est catégorisé le tabou des tabous. Ceux qui l’ont abordé en ont eu pour leur compte : les présidents ayant voulu sortir de la zone CFA ont été renversés par des coups d’Etat, certains chercheurs et universitaire ont été assassinés et leurs œuvres censurés. Il n’y a pas encore longtemps un ministre de l’Afrique de l’ouest, qui avait malencontreusement abordé ce sujet, a été démis de ses fonctions 24h plus tard. On peut dire sans se tromper que le franc CFA est au cœur du dispositif néocolonial et néocolonialiste français en Afrique subsaharienne. Alors, peut-on se demander quelle mouche a piqué Deby pour une telle attaque en règle contre le France CFA ? C’est-à-dire un des intérêts majeurs la France?

Il semblerait que le Gouvernement Hollande serait entrain de rétropédaler par rapport à ses relations avec les dictateurs africains peu fréquentables et surtout l’opinion française apprécie de moins en moins l’intimité affichée entre le ministre français de la défense et la plupart des dictateurs africains. Il semblerait que Deby serait agacé par le tambourinage fait par les américains et maintenant les français autour des changements de constitutions et des présidences à vie. Ayant senti cette nouvelle tendance française, il a donc voulu envoyer un message fort sur ce point sensible, précédé d’un « j’y suis, j’y reste». Selon d’autres sources, la défection de la France au vote à la présidence de la BAD serait aussi restée à travers la gorge de Deby qui ne l’a jamais commenté en public. Il a donc commandé une leçon, mal assimilée, sur le mécanisme et le fonctionnement du franc CFA et il l’a servi au cours de sa conférence de presse du 11 août 2015.

Toujours est-il que selon les spécialistes de la françafrique, il n’y aura pas de guerre du franc CFA entre le Tchad et la France. Dans les jours prochains une mission officielle atterrira à N’Djamena. Au cours d’une réunion élargie, le chef de la délégation française étalera tout le bien qu’il pense du Tchad et de son président, le rôle de leadership qu’il tient en Afrique grâce a son intrépide armée, l’émergence inéluctable du Tchad à l’horizon 2020, etc…, etc… . A la fin de la réunion, on demandera à l’assistance de laisser, en tête à tête, Deby et le Chef de la délégation française. Quand ceux qui ont servi de décors et de figurants pour la télévision auront quitté la salle, le Chef de la délégation française fera passer le message pour lequel il a fait le déplacement. Personne du coté tchadien ne saura la teneur de ce message mais on pourra constater que Deby n’abordera plus jamais des sujets relatifs au franc CFA !

Il n’y a rien à voir, rompez les rangs

 Beremadji Félix
N’djaména – Tchad

 


Commentaires sur facebook

5 Commentaires

  1. korei djimi

    Notre cher frere Hassan Fadoul Kitir a deja dit que ‘le ridicule ne tue pas Idriss Deby’. Le fait qu’Idriss Deby de tenir de propos qui seraient pris pour verite par beaucoup, n’a rien de nouveau car Idriss Deby et les autorites politiques de la France se connaissent bien.  

  2. Abou Harba

    Merci, Félix, pour une contribution riche en informations, aux analyses pertinentes et d’une lecture agréable (parlant de Kadhafi, tout le monde aura compris ce que vous aviez voulu écrire – son « PROTECTEUR inconditionnel »)… Votre prédiction finale, en particulier, est remarquable, et on peut gager que c’est exactement comme cela que les choses vont se passer. L’on pourrait seulement ajouter que le dernier mot n’aura pas été dit là-dessus pour autant, et que cette sortie pour le moins incongrue de Déby vient de le catégoriser dans la colonne « Alliés peu fiables » des valets que l’Occident débarque à la première occasion propice parce qu’ils ont franchi un point de non-retour qui fait d’eux plus un problème qu’une solution. Au contraire de nous autres Africains, ces gens-là n’ont pas la mémoire courte !

  3. A oui on est sait jamais ce que la france a préparé pour deby car un chef d’état s’entête comme ça sait que ça ne marche pas c’est vrai on en a assez mare de ce franc CFA il faut que les afrains aient eux même leur monnaie c’est mieux.

  4. Abdou

    Nous avons déjà falsifier les dinars du Bahrein. Nous voulons à présent frapper notre propre monnaie, et bonjour les faux billets à gogo !

  5. Daouya

    bravo pour les déclarations du président contre le FCFA. les esprits pauvres n’ont toujours pas compris qu’avec le FCFA l’afrique francophone ne connaitra jamais le développement. savez vous que le FCFA n’est pas une monnaie convertible? Deby a raison et je suis le 1er à refuser le FCFA. oui pour une monnaie africaine d’ici fin 2015