Le Tchad serait-il la prochaine proie de l’Etat Islamique ? – Atlantico

Alors que l’Etat Islamique tente actuellement de s’installer durablement en Afrique, notamment au Sahel et en Libye, la situation intérieure du Tchad laisse présager une fragilité inquiétante, même si le groupe terroriste est encore loin de planter son drapeau à N’Djaména.

Atlantico : L’enseignant-chercheur au CER de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis-UFR CRAC (Sénégal), Bakary Sembe, estime que si le « verrou tchadien saute », l’Etat Islamique s’étendrait plus vite au Sahel. La menace est-elle réelle ? Quelle est la place du Tchad dans la lutte contre l’EI ?

Frédéric Encel : Le Tchad est opposé à l’islamisme radical, du moins tant que la menace sur sa souveraineté est réelle ; ainsi, face au groupe terroriste nigérian Boko Haram, l’armée tchadienne a mené des opérations militaires, en particulier autour du Lac Tchad. Mais les choses se compliquent si l’on parle de groupes djihadistes en provenance de Libye. C’est moins clair lorsque la frontière n’est plus directement menacée… De même, lors de la grave crise centrafricaine de 2013, le président Deby a manifestement privilégié une lecture ethno-religieuse des événements, se faisant le protecteur de la population musulmane du pays voisin…

Et pour vous répondre concrètement sur les barbares de l’Etat islamique – aujourd’hui installés par milliers en Libye – il est encore trop tôt pour affirmer que le Tchad mène la lutte de façon déterminée et efficace.

De toute façon, même si le pouvoir changeait après le scrutin d’avril, il est peu probable que Daesh s’imposerait au Tchad ; non seulement les citoyens tchadiens – musulmans traditionnalistes mais, comme les autres Sahéliens, non arabes et se méfiant de l’islam politique – n’accueilleraient pas ces fanatiques à bras ouverts, mais encore ces derniers n’occupent-ils pour l’heure qu’une bande de terre côtière septentrionale, donc très éloignée de l’aride zone frontalière libyo-tchadienne.

La situation politique du Tchad n’est pas parmi les plus stables. Quelles sont les raisons de ces troubles et comment peuvent-ils affaiblir le pays face aux différents mouvement terroristes ?

Comme dans d’autres pays d’Afrique, l’extrême longévité au pouvoir d’un homme – et parfois de son clan – exaspère la population. On l’a vu encore très récemment au Burundi et ailleurs, sans même revenir sur le maelström du printemps arabe de 2011 ! En l’espèce, voilà plus de deux décennies et demie que Idriss Deby est en poste. Son bilan économique n’est d’ailleurs pas des plus mauvais, mais avec la montée en force des exigences démocratiques de l’opinion, cela ne suffit plus. D’autant que le niveau de pauvreté demeure très élevé, et que le népotisme et la corruption endémiques gênent les investissements potentiels et sapent la confiance de la population. Au fond, le pouvoir présidentiel usé – doté d’un puissant outil militaire – s’inquiète davantage de la contestation démocratique interne que des coups de force extérieurs, qu’ils proviennent du Soudan ou du Nigéria.


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