Les manœuvres dilatoires pré et post-électorales de DEBY.
Le dicton populaire dit « qu’une toute petite étincelle pourrait détruire une forêt millénaire ». L’affaire de la petite Zouhoura a en effet eu des répercussions inattendues dont les ondes de choc ont provoqué des effets prémonitoires qui annonceraient la tendance des élections futures. Ce triste fait divers avait attisé la rancœur et avait soudé les rangs de la jeunesse et renforcé la volonté d’en finir avec le régime.
Tout ce que Mr Deby craignait est arrivé en même temps : en sus des multiples crises (financières, sociales et sécuritaires) que traverse le Pays depuis plus de trois ans, est venue s’ajouter la fronde populaire entrainant, si limitée soit-elle, une symbiose entre l’armée et les autres franches de la société.
Pour désamorcer cette situation combien de fois explosive tant sur le plan politique que sécuritaire, Mr Deby avait entrepris un long périple à la recherche des moyens financiers qui lui permettraient un tant soit peu de colmater les nombreuses brèches de son ossature. Cette pérégrination l’a amené d’abord au Soudan, puis dans les pays du Golf, principalement aux Emirats où a été déjà son directeur de l’Ans et enfin en Arabie Saoudite. Cette dernière étape est très cruciale pour lui. D’abord, plus que par le passé l’Arabie Saoudite est aujourd’hui incontestablement le Chef de file de toute la sous-région voire le monde islamique ; ensuite soutenu par le parrain soudanais il est question de bien rentabiliser la présence des troupes tchadiennes dans cette zone de turbulences.
L’étape soudanaise est la plus importante du périple. En effet, n’eut été l’absence du Président soudanais à Khartoum, le sultan y aura été depuis le mars 2016 et souhaitait séjourner au moins 5 jours selon des sources proches du palais.
Il faut rappeler que, malgré leurs divergences sur le dossier libyen, les soudanais étaient les premiers à applaudir et s’extasier de la nomination de Deby à la tête de l’U.A. Le connaissant bien pour son insatiable appétit pour les liquidités sonnantes, ils ont compris le gain qu’ils pourraient tirer de sa position sur les deux dossiers, à savoir le dossier des mouvements politico-militaires du Darfour et celui de la C.P.I.
Il faut signaler que pour le 1er point, l’Emirat de Qatar, qui avait mordicus et sans discernement soutenu la position soudanaise contre les partis non-signataires du document de Doha, vient de changer de position au grand dam de Khartoum en s’approchant d’eux lors d’une rencontre à Paris où le représentant du gouvernement qatari a rencontré et discuté pendant une semaine avec les différentes tendances soudanaises. Il était question donc d’une prochaine rencontre élargie à Qatar, ce dont les soudanais cherchent à éviter sans froisser les susceptibilités de leur principal bailleur, le Qatar ; préférant le forum d’Addis-Abeba qui leur est favorable lequel forum est présidé par l’ancien Président sud-africain, Mr T. Mbeki. De concert avec ce dernier, le nouveau Président de l’U.A a donc tranché en faveur des rencontres d’Addis-Abeba prétextant qu’il ne pourrait y avoir deux forums dans plusieurs lieux pour un seul cas, et ce, à la grande satisfaction des soudanais qui craignaient un forcing des qataris pour un vrai dialogue avec les opposants armés, entrainant ipso facto un partage du pouvoir et des ressources entre les différents protagonistes.
Le 2ème point à discuter avec ses partenaires soudanais est plus compliqué ; il s’agit de la situation en Libye en générale et le sud libyen en particulier où pullulent des éléments incontrôlés et incontrôlables de deux pays. Il est certain que les deux régimes ont intérêt chacun en ce qui le concerne de déployer tous les moyens autant que faire se peut aux fins de stabiliser cette zone qui est devenue no mans land de tous les dangers.
Malheureusement les deux alliés n’ont pas la même perception de la situation. Si les soudanais voudraient tout juste empêcher les différents groupuscules de MLS de revenir au Darfour en sécurisant la frontière de trois pays, par contre, le tchadien, qui est devenu un pion par excellence des puissances occidentales, souhaiterait une intervention en bonne et due forme au Sud libyen conformément aux vœux de l’occident. De ce fait il vise deux objectifs : étouffer dans l’œuf la reconstitution des reliquats de l’UFR et d’autres groupes et continuer en profondeur pour soutenir le gouvernement de Tobrouk
Cette éventuelle intervention tchadienne au Sud libyen est un vieux vœu pieux du Sultan depuis belle lurette. Malgré la forte opposition de l’Algérie, autre poids lourd de la région, Idriss profitant de ses nouvelles charges au niveau continental voudrait s’emballer dans cette aventure avant et après les élections.
Il faut souligner aussi que ce projet d’intervention au Sud libyen est soutenu non pas seulement par les puissances occidentales mais aussi par leurs alliés du Golf à savoir les Emirats et l’Arabie Saoudite qui cherchent, surtout les premiers à contrevenir à toutes entreprises politiques et diplomatiques de Qatar à travers le monde. Ces deux pays qui sont opposés à l’axe Qatar-Soudan-Gouvernement de Tripoli, encouragent fortement Mr Deby en l’appuyant financièrement et logistiquement, ce dont il a besoin
Selon les sources de l’entourage du palais, il est question aussi que Mr Deby obtienne des soudanais le transit des armes destinées à l’armée tchadienne pour cette opération. Le D.G. de l’Ans, qui se trouverait à Abu-Dhabi depuis le 7 mars 2016, est chargé de la réception du matériel et son acheminement par le Port-Soudan. Le passage du matériel destiné indirectement au gouvernement de Tobrouk par ce port est très mal perçu par les soudanais et surtout par leur principal bailleur le Qatar, or selon les spécialistes c’est le chemin le plus sûr et le plus discret. Mr Deby doit forcer la main aux soudanais pour qu’ils accèdent à cette demande qui ouvrirait des vannes des émiratis à Deby dont les besoins sont à l’heure actuelle incommensurables, dit-on.
Par ailleurs, le D.G. /Ans serait aussi chargé d’une autre mission qui relève des manigances -au propre comme au figuré de Deby. On se rappelle que Mr Deby avait tenté vainement d’organiser un sommet de réconciliation entre les communautés Toubous et Touaregs et finalement la réunion avait eu lieu à Qatar au grand dam de Deby et des Emiratis. Après la signature de l’accord de paix, les N.U et l’Union européenne avaient salué l’initiative et même un représentant du SG/NU s’était rendu à Doha pour féliciter les qataris. Cela n’a pas été du goût des uns et des autres. Il serait question maintenant de chercher à tordre le cou à cet accord, ce qui est apparemment difficilement réalisable étant donné que presque toutes les clauses ont été déjà entérinées par les deux parties.
En parlant de ce périple du Président de l’U.A, les milieux militaires qui sont généralement bien informés soupçonnent que le Sultan, qui est pour la 1ère fois de son histoire très inquiet de la suite des élections, voudrait créer une situation de guerre au nord du pays pour profiter de gérer à sa façon les consultations.
Beremadji Félix
N’djaména – Tchad